lundi 26 décembre 2011

En 2012 pourra t-on résister à l'open data? le cas de la RATP

Le partage de données publiques dans des formats ouverts (open data) a pour objectif de "libérer" les données récoltées ou produites, par les autorités publiques, et de les "rendre", si possible gratuitement, à la société, ses citoyens, associations, entreprises privées et administrations publiques.
Après tout ce sont bien nos impôts qui payent tout ou partie de la collecte de ces données pour permettre aux administrations de faire leur travail. Alors pourquoi ne pas les recycler et laisser d'autres avoir de nouvelles idées pour les valoriser.
Au sein des villes, ce sujet a été particulièrement présent en 2011 et devrait se poursuivre en 2012 (Entre le web et les territoires les données circulent en masse).

Mais ne croyons pas que l'open data ne concerne que les administrations et les villes . Les entreprises sont ou seront aussi touchées. En premier lieu celles a qui une autorité a délégué un service public comme le transport. Et c'est la mésaventure qui est arrivée à la RATP en 2011 de ne pas avoir détectée cette tendance de montée de l'opendata.

Retour sur les faits qui illustrent la prise de conscience de l'opendata au travers de l'exemple de la RATP:
  • Eté 2011: lancée en 2010, une application iPhone, CheckMyMetro, fait du métro son terrain de jeu en cherchant a mettre en relation ses usagers autour de l'activité des principales lignes. Un "Foursquare" à la parisienne très vite utilisé par les mobinautes pour signaler les contrôleurs dans les wagons avec leur téléphone portable!
    Et aussi une application gratuite qui tombe mal au moment où la RATP a décidé de commercialiser ses informations...
  • Réponse immédiate de RATP: l'utilisation du plan de métro et de ses horaires est une violation de la propriété intellectuelle de la Régie Autonome des Transports Parisiens. Et de se mettre en retrait derrière le STIF (syndicat des transport d'Ile de France) en tant que simple opérateur (EPIC) a qui on a confié un service. C'est au STIF de trancher sur l'utilisation des données...
    On notera que l'estocade de notre Régie Parisienne était latérale et n'attaquait pas uniquement le fond mais visait aussi a reprendre la main sur son territoire représenté par la carte du métro.
  • Juillet 2011: devant une certaine agitation des réseaux sociaux la RATP met fin au conflit avec la startup mais conserve son plan de métro
  •  Réponse rapide "de la foule" (crowdsourcing)... euh, un peu organisée par CheckMymetro en organisant un concours: refaire une carte du métro en se basant sur de l'information disponible au yeux de tous, la localisation des stations. Plus de 80 cartes alternatives ont été produites et après un vote des internautes un gagnant a même été désigné. Et ces cartes sont bien sûr réutilisables par qui le souhaite pour lancer des nouveaux services sur le terrain de jeu, désormais devenu public, du métro parisien.
  • Fin 2011 et fin de l'histoire ? l'application "Métro & Bus Paris Officiel" sur iPhone est maintenant gratuite... et la RATP a organisé le 20 Décembre  un "barcamp" pour stimuler une première communauté de développeurs et rassembler son écosystème sur le sujet de l'ouverture  des ses données!
Loin de vouloir polémiquer sur le droit d'accès aux données, ou la juste rémunération d'un opérateur, pour GreenSI la morale de cette histoire est triple :
  • C'est le public qui choisi ce qui est du domaine du libre. Tous les règlements ou conventions peuvent être mises au placard, de toutes les façons dans une démocratie ce n'est qu'une question de temps pour que le public puisse les changer.
  • La RATP a perdu une première opportunité de se mettre en avant au sein d'une communauté influente sur les réseaux sociaux. Pas facile de réagir a l'application "Check My Controlleur" certes, mais c'est la dure loi du monde économique moderne où des anti-missiles fabriqués par certains permettent de supprimer les missiles construits par d'autres. Au sens propre comme au sens figuré.
    Mais une réaction rapide lui permet de se remettre en selle et finalement a peut être aidé une prise de décision interne toujours un peu lente dans les grandes entreprises. A suivre en 2012.
  • L'innovation vient aussi des startups! Et même un établissement centenaire comme la RATP pourtant connu pour son innovation technique (pneumatisation des rames, métro automatique,...) peut s'endormir sur un sujet comme les données qui pour elle est annexe a son métier alors que pour d'autres est totalement au coeur du modèle économique.
Ces enseignements suggèrent que l'opendata a du potentiel au delà des périmètres de services publics et que des forces sont en mouvement pour y contribuer :
  • Les associations de consommateurs qui testent et décortiquent les produits pour informer le public sont au début de ce mouvement dans les entreprises. Vont-elles commencer à construire des megas bases de données libres?
  • Le data journalisme qui vise a faire parler les données et informer ce même public va aussi pousser a l'ouverture de données dont ils ont besoin et qu'ils savent valoriser en audience pour leur articles.
  • Les techniques de récupération automatiques de données à partir de la lecture automatique de pages web se développent, les données des entreprises déjà publiées sur le web ne sont plus à l'abris. Les citoyens peuvent aussi s'organiser pour reconstituer ces données.
  • Les portails de données ouvertes où l'on peut déjà trouver des jeux de données ouvertes fleurissent, à l'image de celui lancé par l'Etat en décembre (data.gouv.fr) ou celui du Conseil général du 71 (www.opendata71.fr). Le croisement entre données et la connaissance de l'offre en sera facilitée.
Alors peut-on résister à l'open data?
Sur le moyen terme si les citoyens ont décidé le contraire on peut imaginer que ce sera très difficile. Alors en 2012, pourquoi ne pas utiliser la force de "l'adversaire" et accompagner le mouvement pour mieux le maîtriser ?

dimanche 27 novembre 2011

La DSI condamnée a innover... ou disparaître (partie 2): son "business model"

Après une première partie sur l’obligation de la DSI de mettre l’innovation technologique et métier dans ses objectifs (Partie 1) ce second volet aborde l’innovation nécessaire dans la gouvernance de la DSI

Depuis son origine la DSI a été pensée sur un modèle de solidité, de sécurité (voire parfois de fermeture) et de long terme.
Un modèle industriel qu’elle se fixe en objectif dans tous ses métiers. Même si le degré d’aboutissement de cette maîtrise est loin d’être identique entre la gestion de projet, l’exploitation du datacenter ou le support utilisateur.
C’est là que la gouvernance des SI, démarche de pilotage qui concerne l’ensemble des responsables (et pas uniquement la DSI), entre en jeu et promet avec ses référentiels, ITIL ou CoBIT par exemple, de viser à une certaine perfection de l’exécution et un alignement avec la stratégie de l’entreprise.

Mais force est de constater qu’en 2011, dans un environnement économique de plus en plus ouvert, toujours plus incertain, demandant plus de réactivité et où la technologie est au premier plan de l’innovation, ce modèle butte sur certaines limites. Et la gouvernance n’est pas toujours une garantie de bien faire. Combien de projets n’ont pas abouti alors que tout était sur les rails. Et réciproquement je connais des projets qui sont devenus des succès pour toute l’entreprise alors qu’ils avaient été refusés par le processus de gestion de portefeuille et ont été portés directement par les utilisateurs qui y croyaient! Et la contrainte des délais de livraison met parfois la DSI hors-jeu contre des adversaires qui ne respectent justement pas cette fameuse gouvernance...

Et d’ailleurs là où avant les métiers visaient eux même la perfection avec des spécifications très précises et parfois sans fin, on peut maintenant aborder des compromis en fonctionnalités pour aller plus vite ou plus simplement. C'est pour GreenSI une façon d’expliquer que l’iPad puisser trouver un marché dans l’entreprise (commerciaux, VIP...) alors qu’il est très inférieur en performance à un ordinateur portable. Le compromis fait par l’utilisateur étant de renoncer à un clavier et a des suites bureautiques perfectionnées dont il n’a finalement pas toujours besoin pour avoir plus de confort en ergonomie, légèreté et en mobilité. Si les ERP avaient été conçus comme des iPad avec des petites Apps peut être qu’ils seraient plus « légers »...

Dans ce contexte GreenSI pousse l’idée que l’innovation à la DSI doit aussi se penser en termes de refonte de son business modèle et pas uniquement en innovation technologique ou intégration de la technologie dans les processus métier comme cela a été abordé en partie 1.

Revenons aux fondamentaux: La responsabilité de la DSI est de construire, de faire fonctionner et de gouverner les systèmes d’information dont l’entreprise a besoin pour réaliser ses objectifs. Pour assurer cette responsabilité avec une pression croissante de la réduction des coûts, elle s’est appuyée sur de multiples fournisseurs pour conseiller les métiers, concevoir les applications, les héberger et les maintenir. Mais ces partenaires sont eux-mêmes sont confrontés à l’évolution de l’économie et des technologies avec le développement du SaaS et plus généralement du Cloud Computing. Leur offre est certainement parfois en voie d’obsolescence et ils doivent eux même s’adapter ou disparaître. Le suivi des indices boursiers de ces fournisseurs est sans appel: le logiciel et les services en BPO stagnent, le SaaS explose et les fournisseurs classiques de l'informatique chutent (étude Martin Wolf M&A Advisor).

Dans le même temps les frontières du SI évoluent considérablement : 

  • Vers l’humain en accompagnant la circulation de toujours plus d’information dite « déstructurée » comme avec les réseaux sociaux de l’entreprise 2.0, la mobilité et la porosité entre la vie professionnelle et privée. Que ce soit un salarié, un partenaire, un prospect ou un client.
  • Vers l’extérieur avec le développement de l’entreprise numérique où de nouvelles chaînes numériques font circuler l’information toujours plus loin, sans rupture, parfois jusque chez le client.
Pression économique sur les coûts, vitesse accélérée, nouvelles frontières, fournisseurs moins pertinents… il semble urgent de reconsidérer les activités de la DSI et de faire évoluer son modèle !

Bien sûr la DSI doit toujours faire fonctionner une partie du SI en mode industriel et le propos de GreenSI n'est pas de tout changer. En revanche de nouvelles "zones agiles" du SI doivent fonctionner dans un mode nouveau a établir. Ces zones doivent être identifiées en fonction des enjeux de chaque entreprise.

Pour cela GreenSI suggère quatre domaines où la DSI doit redéployer ses ressources et ses contrats:

  • Gouverner l’ensemble du système d'information de l'entreprise, jusque chez le client, dans le SaaS, sur Internet ou sur le terrain en mobilité. Ne pas se laisser dépasser par des métiers qui montent leur site web, ou lance une application SaaS par exemple. Trouver par la sécurité, l’authentification et surtout le dialogue le moyen de les réintégrer si c’est déjà le cas. 
  • Capitaliser sur sa double connaissance de l’entreprise et de la technologie pour mieux intégrer à son offre les points forts du marché et carrément les commercialiser en interne de l’entreprise 
  • Renforcer le rôle l’architecture qui va devoir construire un SI supportant l’extension de l’entreprise numérique, l’ouverture de ses données (« open data ») et la croissance de ses flux d’information (« big data ») 
  • Accompagner ce changement de posture par un marketing de la DSI et de ses services, pour accélérer ce changement de posture et poursuivre l’amélioration de l’image de la DSI en interne et en externe. 
Après tout, après avoir connu le mainframe, le client serveur, l’internet et maintenant le cloud + social + mobilité, quoi de plus naturel que le changement pour absorber tant d’évolution? Et que la conduite du changement comme moyen!

Mais comme il y a peu de chance que la DG vienne voir le DSI à la machine à café avec un nouveau modèle à lui proposer. Alors pourquoi ne pas l’engager progressivement dès aujourd’hui, et le proposer une fois les premiers résultats au rendez-vous ?

dimanche 6 novembre 2011

La DSI est condamnée à innover... ou à disparaître (Partie 1)

L'innovation technologique doit permettre à l'entreprise de commercialiser des produits ou des services plus performants, ce qui peut aussi demander de changer ou d'améliorer les processus de fabrication de ces produits pour atteindre les mêmes objectifs. Et dans un monde où les produits et services intègrent de plus en plus de numérique et les processus reposent de plus en plus sur le système d'information, il n'y a donc aucun doute sur le fait que la DSI est au coeur de l'innovation.
C'est du moins ce que je pensais en arrivant à la soirée "Innovation IT" organisée au Muséum d'Histoire Naturelle par CIO et IBM la semaine dernière. Quelle bonne idée de rassembler des DSI dans un lieu aussi magique que la grande galerie de l'évolution qui retrace les trésors d'innovations qu'il a fallu a la nature depuis des millions d'années... et celle des Buffon, Cuvier, Lamark, Darwin pour arriver à les décoder!
Mais quand sur les 3 invités sur le podium je réalise qu'il n'y avait qu'un seul DSI et deux Directeurs qui avaient l'informatique "sous leur coupe", j'ai commencé a ranger mes certitudes dans ma poche.
Et là où tout s'est effondré c'est quand l'un des deux Directeurs explique que l'innovation c'est quelque chose de très sérieux pour sa société et de très structuré avec en point d'orgue la remise de trophées... que la DSI n'a jamais gagné. Il s'est ensuite rattrapé un peu, en avouant que 60% des trophées déposés ne sont possibles qu'avec de l'informatique. Mais l'image de l'innovation trop sérieuse pour être confiée à l'informatique restera.
Heureusement, la charmante Directrice Générale d'Amaline Assurance (Groupama), dont l'offre Amaguiz est ciblée low-cost et high-technology (boitiers de géolocalisation dans les  voitures pour payer l'assurance au kmn près), nous a donné la clef de la soirée: 
  • "son DSI préféré était dans la salle", montrant la symbiose qu'il devait y avoir entre le métier, le marketing et l'informatique pour développer en partant de zéro un nouvel acteur sur un marché concurrentiel et encombré comme l'assurance
  • Amaline avait d'ailleurs décidé d'internaliser toute son informatique pour être plus réactif, surtout quand on vend beaucoup par Internet... tordant le coup a un certain nombre d'idées reçues sur l'externalisation de l'informatique innovante

Donc vous l'aurez compris, il y a encore du boulot à la DSI pour être reconnue sur le thème de l'innovation. Car même si certains ont réussi à ce que l'on pense aussi au SI quand on pense à l'innovation dans l'entreprise, ça à l'air d'être l'exception qui confirme la règle.


Et pourtant malgré la crise, les grandes entreprises misent à nouveau sur l'innovation. C'est du moins le résultat de l'étude mondiale du cabinet de conseil Booz & Companydes 1.000 sociétés cotées dont le budget en R&D a été le plus élevé en 2010. 68% d'entre elles ont augmenté ce budget en 2011 (en moyenne de 9,3 %).
L'innovation est partout dans l'eco-système technologique de la DSI (cloud, tablettes, décisionnel temps réel, ...). A tel point que des dizaines de produits innovants dans la téléphonie sont rangés dans la boîte commodités, tellement l'iPhone a su préempter ce thème. Il ne reste donc aux DSI plus qu'à en faire des innovations pour le métier.
D'ailleurs la deuxième édition de l’étude mondiale IBM sur les DSI (Global CIO Study 2011) souligne que DG et DSI partagent les mêmes priorités pour le futur et le rôle du DSI est de plus en plus indispensable dans son entreprise en tant que « leader de l’innovation ».
Le thème de l'innovation est donc très porteur en ce moment pour la DSI et plusieurs autres conférences se rangent sous cette bannière, comme la prochaine conférence du club CIO.net qui va aborder "DSI et Innovation dans l'entreprise" a son prochain congrès annuel le 21 Novembre.
Enfin rassurez vous il y a même des DSI qui portent l'innovation, comme Richard Valenti dans le groupe d'assurance vie Generali. Un DSI qui a mis en place un laboratoire d’innovation en collaboration avec la direction marketing et un processus innovation avec un budget spécifique. Cela permet de tester et produire rapidement des idées d'amélioration de produits a fortes composantes technologiques pour aller plus vite que la concurrence. Et il n'est pas le seul.
Ce qui semble clair c'est que la DSI est condamnée à innover et à participer à l'innovation de l'entreprise. Mais comment s'y prendre, quelles idées pousser en premier, quels impacts sur la gouvernance du SI ? Autant de questions qui stimulent GreenSI et vous propose de les aborder dans une seconde partie à cet article, qui sera publiée après la conférence CIO.net.  
En attendant, redécouvrez les produits de votre entreprise, allez voir ses clients, faites vous passer pour eux si ce n'est pas déjà le cas... car l'innovation n'a de valeur que pour eux!


Si vous voulez savoir la suite, la partie 2 est sortie: ICI !

dimanche 9 octobre 2011

Infobésité: il faudra bien se résoudre à repenser l'email en entreprise

La première réflexion que l'on peut avoir c'est pourquoi a t-on trop de mails et trop d'information ?
Le livre "The New Normal" de Peter Hensen, professeur à la London Business School, est sans appel sur la numérisation de la société. Nous avons passé les 20 dernières années a découvrir et nous émerveiller devant le numérique qui grignote tous les domaines: échanges, photos, videos, presse... C'est a chaque fois quelque chose de nouveau, adopté au départ par une petite poignée d'individus
Les 20 prochaines années le numérique sera juste "normal". Il sera l'usage majoritaire.

Revenons donc a nos emails et à nos informations. La bonne nouvelle c'est que c'est donc normal que leur volume augmente! On parle de Zettaoctets a l'échelle mondiale (10 puissance 21). La mauvaise nouvelle c'est que nous n'y sommes pas préparés et nos outils de communication sont encore a l'age préhistorique de la première messagerie électronique.

Il va donc falloir commencer a mettre en place des outils pour faire face à "l'infobésité" et pour désencombrer sa boite mail. Et les DSI sont en première ligne pour aider l'entreprise a sortir du "bourbier numérique" dans lequel elle est en train de s'enfoncer...
Avec des conséquences humaines importantes (l'email cité comme facteur de stress en entreprise)

Ce n'est pas la fin du mail, même si certains l'annonce. C'est son recentrage sur les cas d'usages où il est efficace et adapté: la communication personne a personne sécurisée en mode asynchrone. Très efficace aussi pour les alertes qui en sont un cas simplifié.

Mais ce qui est important c'est surtout son remplacement là où il est inefficace:
  • il n'est pas fait pour le synchrone: préférez la messagerie instantanée
  • il n'est pas fait pour l'édition concurrente: préférez un wiki a des échanges sans fin pour corriger un texte
  • il n'est pas fait pour les processus collaboratifs: préférez une gestion de formulaire pour valider vos notes de frais
  • il n'est pas fait pour publier des documents: préférez les bases documentaires avec une gestion de droits adaptée. Utilisez l'email pour alerter uniquement... sans pièce jointe!
  • c'est un destructeur massif de connaissances car une fois les échanges achevés ils ne peuvent être capitalisés par l'entreprise et sont détruits avec le départ de chaque salarié. Ce qui est paradoxal car en cas d'enquête juridique ils sont "aspirés" en premier par les enquêteurs alors que l'entreprise n'a pas le droit de le faire elle même.
Une règle que GreenSI aime bien: si après avoir lu et traité un email vous devez le garder, pire l'archiver, c'est suspect! Un email doit pouvoir être détruit... Posez vous la question régulièrement et détectez vos comportements non collaboratifs, c'est redoutable.

Oui il a trop d'information et ça ne va pas s’arrêter.
Alors nous devons perdre notre habitude de vouloir tout lire!Est-ce que cela a encore un sens de vouloir regarder toutes les videos YouTube? En 2009, chaque minute, il se chargeait 24h de video sur YouTube. En 2011 c'est 48h. Une vie ne suffit plus. Vous avez compris le problème!

Donc a moins d'interdire mondialement de produire du contenu numérique, notre salut réside dans le filtrage intelligent et l'acceptation que l'exhaustivité est un concept obsolète dans un monde numérique.
On ne pourra plus TOUT traiter mais on devra traiter ce qui a du sens POUR MOI. Avec une marge d'erreur bien sûr, bienvenue dans un monde où la statistique est la seule certitude que vous pourrez avoir. Vous ne serez pas sûr d'avoir raté un email ou une info, mais vous aurez mis en place un dispositif, plus ou moins sophistiqué pour en être plus ou moins confiant.

Pour filtrer on peut s'appuyer sur des algorithmes intelligents. C'est la voie prise par Google avec sa "priority box" ou le traitement du spam. On y retrouve la compréhension naturelle des algorithmes mathématiques qu'a Google dans son ADN issu de l'Université de Stanford. Et ce sera la seule issue pour l'évolution des messageries. Microsoft n'a pas fait évoluer Outlook de façon radicale mais des start-ups l'ont fait pour lui avec des produits complémentaires plus intelligents pour classer et traiter ses mails.

Il existe cependant une seconde voie que la machine, c'est l'humain. Tout simplement.

 Par exemple un réseau d'experts qui fait de la veille sur un sujet va plus rapidement qu'un néophyte identifier l'information pertinente. Alors pourquoi vouloir le faire soi même quand on est néophyte et ne pas juste suivre ce réseau. Ainsi on peut supprimer le bombardement de newsletter qui arrivent dans nos boites mails et aller dans les réseaux sociaux chercher les bonnes personnes a suivre.
De même pourquoi tout stocker si d'autres stockent et classent collaborativement a notre place ou si je peux poser une question sur un réseau et avoir une réponse dans la journée. 
Les usages de la collaboration 2.0 sont déjà là et vont certainement encore se développer. De toutes les façons, on n'a pas le choix.

Ce qui va manquer dans les années à venir alors c'est le poste de travail "unifié" qui va permettre de suivre ses flux, synchrones et asynchrones, mails (ceux qui restent), ses alertes, son réseau et ses conversations, depuis la même interface et avoir la capacité de poursuivre ou engager l'échange que ce soit une réponse, un commentaire ou une nouvelle idée.
Et comme sur Twitter, ce poste de travail sera conçu en gardant en tête que l'exhaustivité est un concept a oublier (vous avez 2345 messages!) et que l'intelligence des filtres et les statistiques sont la seule planche de salut (les 10 messages à lire ce matin). Sur Twitter vous lisez les tweets régulièrement mais pas tous. Si quelque chose est important elle devrait revenir car d'autres vont la retweeter, sinon c'est que ce n'était pas important.
Et bien sûr ce poste de travail sera mobile et multi-plateformes.

Dans le grand public c'est clairement la stratégie de Facebook (qui a ajouté les emails aux conversations) et de Google (qui a ajouté les conversations Google+ aux emails). Ces deux sociétés dont les revenus sont tirés par la publicité n'ont comme objectif  que de vous "capturer" sur leur plateforme pour que vous ne la quittiez plus. L'intégration des échanges et donc le point névralgique pour vous retrouver tous les jours... et mieux vous connaître.

Dans les entreprises on attend toujours.
Lotus Connection 3.0 comme évolution de la messagerie Lotus Notes est un début de réponse. Mais n'est pas encore suffisamment ouvert a un environnement nécessairement hétérogène. Des outils agrégateurs ou des réseaux sociaux existent en entreprise, mais compte tenu du poids de l'emails une solution partant de la messagerie serait plus facile a faire passer auprès des utilisateurs. Rappelez vous qu'en entreprise les utilisateurs sont encore rivés a leur souris dans un monde où le tactile est de plus en plus présent. Cela va donc prendre du temps et de la gestion du changement...
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vendredi 23 septembre 2011

Open Source, un modèle à suivre pour l'entreprise numérique

Pour GreenSI c'est en 2000 avec l'expression "click & mortar" que la prise de conscience de la transformation numérique de l'entreprise s'est révelée. C'est à dire la prise de conscience de:
  • sa capacité à produire, distribuer, commercialiser ses produits et services,
  • via la relation numérique qu'elle peut développer avec ses prospects, clients, fournisseurs et partenaires.
Ce n'est pas nouveau pour l'industrie de la musique, du film ou la banque, où des produits sont déjà totalement dématérialisés, mais a terme toutes les entreprises seront concernées. Même celles qui semblent aujourd'hui très "mortar" comme dans le BTP, la logistique ou les utilités. Et pour s'en convaincre on pourra consulter les travaux du Cigref sur le sujet de l'entreprise numérique ("L'entreprise numérique - Quelles stratégies pour 2015?").

Et vous vous en doutez puisque c'est un sujet GreenSI, cette transformation n'est pas sans impact sur le système d'information. Dans ce paradigme le SI "se fond" dans cette entreprise numérique et en assure les communications et la circulation de l'information, jusqu'à en être inséparable.
Enlevez iTunes (application) et Internet/3G (réseau) a Apple et les ventes d'iPad et d'iPhone vont chuter car ces équipements redeviendront de simples machines. Belles, certes, mais ce ne seront que des machines quand même. Et ce n'est certainement pas un hasard si le modèle économique tourne aussi autour d'iTunes, point de passage obligé (sans "jailbreaker") du contenu, des applications et des paiements.

Ce qui interpelle GreenSI aujourd'hui c'est la mutation de la DSI dans une entreprise numérique. Car son SI devient encore plus un moyen de production et est intimement lié à l'entreprise. Cette interrogation remet le logiciel sur le devant de la scene, a un moment où l'infrastructure "monte dans les nuages" et devient une commodité que l'on commande avec sa carte bancaire sur un serveur Amazon ou Azure. Le logiciel représente un actif (immatériel) majeur de l'entreprise numérique. 

Cette semaine l'Open World Forum 2011 a été l'occasion de faire le point sur le développement de l'OpenSource et de sa pénétration dans l'entreprise. Longtemps décrié, aujourd'hui cette nouvelle forme de marché et d'économie du logiciel présente bien des avantages pour construire ces entreprises numériques. Car si pour le "mortar" les infrastructures que sont les ZAC, les routes et les péages... sont bien connus de tous, pour l'entreprise numérique les standards, l'interopérabilité, les modèles économiques et de propriété intellectuelle sont certainement encore à inventer.

Et si l'Open Source était finalement une source d'inspiration pour réussir cette transformation vers l'entreprise numérique?


Open: c'est le logiciel ouvert mais surtout partagé.
N'est ce pas une réponse à l'édition de logiciel qui n'offre plus la garantie d'une perenité de ses investissements? Car avec le recul, nous voyons que tous les jours les éditeurs sont secoués par des fusions, des acquisitions et des calculs tactiques pour dominer un segment, doper leur cours de bourse... sans prendre en compte l'intérêt de leur clients. Les coûts marketing et commerciaux explosent alors qu'ils ne délivrent aucune valeur in fine aux SI des entreprises. Les mises à jour sont souvent des projets majeurs, très coûteux, loin des promesses du début d'une mise à jour permanente. Et que les éditeurs de taille moyenne ont souvent un modèle économique qui repose sur du service délivré sur une base de clients captifs... a un prix difficilement négociable. 
Le dogme de la force du progiciel standard par rapport au développement logiciel spécifique serait-il en train de s'éroder et le développement spécifique de reprendre le dessus?

GreenSI pense que oui!!!
Si le développement sait, comme l'Open Source, tirer partie des économies d'échelle liée au développement en commun et à la mobilisation de communautés.
Et si un open source comme OpenErp, né dans un garage du Sud de la Belgique (tinyERP), a pu en 8ans  se développer, s'adapter aux dernières évolution technologiques comme le Cloud, malgrè des moyens limités, alors que des poids lourds de l'édition ERP sont omni présents, c'est que c'est faisable, non?

Communautés: la capacité d'innovation d'un eco-system est supérieure à celle de ses membres. 
Ne cherchez pas la démonstration de cette assertion, c'est une hypothèse, mais cela ressemble quand même a du bon sens.
Mieux que les autres modèles logiciels, l'open source a su tirer partie de ses communautés pour les tests et la promotion du logiciel. Les cycles de production peuvent être réduits et la qualité du code améliorée. D'une certaine façon la communauté open source est une entreprise numérique 2.0, sans hiérarchie forte, reconfigurable, organisée en mode projet... L'open source peut clairement être un modèle et une source d'inspiration pour la production de logiciel de l'entreprise.

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'ailleurs la diffusion dans les entreprises, des méthodes agiles comme Scrum, s'inspire d'une approche similaire en mettant en avant les individus et non les processus ou les outils. Son impact dépasse la DSI puisqu'elle redéfinie la relation traditionnelle MOE-MOA et fait émerger une communauté interne d'utilisateurs qui fixent les priorités.
La vitesse d'évolution du logiciel demande une réactivité que peu d'entreprises peuvent encore sourcer totalement en interne. Elles sont condamnées à s'associer avec les compétences clefs a un moment donné... ou a ne plus innover. C'est dans ce contexte qu'une approche par communauté prend tous son sens.Le point de départ peut être l'association avec des start-up pour retrouver l'agilité d'une informatique en communauté. L'entreprise amène son besoin, ses usages, un amorçage financier, la start-up son énergie, ses compétences et son goût du risque, qui lui permet de franchir des étapes que l'entreprise n'aurait jamais passées seule... où alors après de nombreux comités d'engagement!
Mais GreenSI pense que ce stade n'est qu'une première étape vers la formation d'une communauté plus large incluant d'autres entreprises qui vont développer en commun les briques logicielles de l'entreprise comme l'open source depuis 20ans. Peut être au niveau sectoriel, peut être par grande fonctionnalités, après tout les coopératives et les mutuelles sont des modèles économiques qui ont fait leur preuve.
La force du modèle est dans l'adoption de standards communes facilitant in-fine l'assemblage de ses entreprises numériques dans leurs échanges quotidiens.
Les freins, dans la contractualisation de ce partage de R&D et des droits d'usage. L'open source y a déjà répondu avec ses licences libres. Une licence dédiée à l'entreprise est certainement à élaborer.

Open Data: un monde d'API qui stimule la créativité
Les développements de l'internet montrent l'importance des API pour "consommer" des services. Un achat sur un site marchant est une expérience continue pour l'utilisateur alors qu'il fait appel a de nombreux acteurs (marchand, banque, livraison, satisfaction), tous présents via des API tout au long de la navigation.
Google Map ou Mappy, gratuits dans le grand public, se sont imposés dans les entreprises. Ils offrent des contrats qui pour quelques centimes, fournissent la capacité d'enrichir les applications de son SI avec des cartes rémunérées "a l'appel de service". C'est l'un des nouveaux modèle économique de l'entreprise numérique et il se passe au coeur du SI. Car demain la DSI vendra aussi ses API à l'acte aux autres acteurs de son écosystem.

L'évolution vers un monde d'API ouvertes est donc une tendance forte. Les projets d'open data, ouverture des données des services publics mais aussi du privé, qui fleurissent, vont dans ce sens.
Pour l'entreprise c'est un peu le stade ultime de la SOA dans un monde totalement ouvert. Il n'y a plus d'applications mais une myriades de services, internes ou externes, que l'on assemble pour délivrer l'application attendue par les utilisateurs. Et directement dans le navigateur vous diront les bons architectes ;-)
C'est aussi pour les SI les plus agiles, une source de revenus, en tout cas de nouveaux modèles économiques à inventer.
L'open source peut aussi amener dans ce paradigme la standardisation nécessaire pour accélerer cette évolution et réduire la trop grande puissance que certains pourraient tirer du contrôle de certaines API clefs.

En conclusion, penser 'Open', 'Communautés' et 'Open Data', c'est un bon début pour imaginer dès maintenant votre entreprise en numérique

vendredi 2 septembre 2011

Et si Salesforce.com changeait de nom pour SocialBusiness.Cloud?

Cette semaine Salesforce, le leader des solutions SaaS de gestion de forces de ventes a tenu a San Francisco son évènement annuel Dreamforce 11 (#df11) et rassemblé cette année plus de 45.000 personnes ! Le Moscone Center, centre de conférence de San Francisco, a trouvé un remplaçant à Steve Jobs, en la personne de Marc Benioff, pour délivrer une vision de l'industrie informatique a une foule recueillie...

En 2004 lors de son introduction en bourse Salesforce.com avait alors raflé le symbole CRM ("ticker") pour sa quotation au New York Exchange (et non au NASDAQ comme la majorité des star-ups). Le CRM - Customer Relationship Management était alors a son plus haut et annonçait une vision plus large que le "SFA - Sales Force Automation", positionnement initial de Salesforce, en incluant l'ensemble de la relation avec le client dont le marketing et les services.
Depuis le départ l'offre de salesforce.com est totalement basée sur Internet. Huit ans plus tard l'internet est une plateforme et le Cloud est devenu un modèle "sérieux" qui plait aux entreprises. L'internet est passé pour les entreprises du ".com" au ".cloud", une façon de mettre en avant la révolution architecturale, et notamment la scalabilité, qui se cache derrière les applications dans le Cloud sur cette plateforme Internet.

Aujourd'hui, après cette nouvelle convention DreamForce 11 et une activité 2011 qui a vu nombreuses participations et acquisitions - et l'arrivée de plus de 1000 salariés - Salesforce est prête a changer de nom et embrasser la vision de son CEO Marc Benioff autour des "Social Entreprises".

Alors qu'est ce qu'une "social entreprise" et pourquoi salesforce (dot com) est prête à devenir "Social Business Dot Cloud" ?

L'entreprise sociale reconnait le profil social de ses clients. Elle ne se contente plus de la connaissance interne 360° du client mais s’intéresse aux relations de ce clients avec son environnement numérique, de plus en plus utilisé (Facebook, Youtube....)
Pour cela elle sait mobiliser ses partenaires, écouter et analyser le web, marketer ses produits, engager la relation, vendre, servir et collaborer avec ses clients. En interne elle s'appuie sur le développement de ses réseaux sociaux.


Pour les lecteurs de Green SI on retrouve les idées brossées depuis un an sur ce blog à savoir:
  • l'importance du développement des réseaux sociaux internes pour préparer la capacité de l'entreprise à s'ouvrir aux réseaux externes ("les community managers ce sont vos employés, mais chut, ils ne le savent pas encore"),
  • l'importance du Social CRM pour aller au delà du CRM actuel... et le conseil de privilégier les investissements sur le "social" et non de remettre une nouvelle couche de peinture sur votre CRM,
  • le Cloud est LA plateforme de collaboration ultime avec les clients et les partenaires. Les CRM actuels deviennent des "back office" de cette plateforme pour des tâches de gestion, mais de plus en plus d'interactions se font en ligne,
  • la stratégie collaborative d'IBM autour du "Social Business". La différence que j'ai perçue est qu'IBM avait fait jouer un groupe de Gospel à Paris alors que Salesforce a mobilisé le groupe Metallica pour mettre de l'ambiance dans son congrès ;-)
Ce qui est peut être plus affirmé maintenant par rapport à il y a un an, c'est que Chatter est clairement positionné comme un concurrent de Jive et BlueKiwi et non une extension sociale du CRM. Dommage ça perturbe certains clients qui ont peur de réduire en miettes leurs investissements passés dans le développement de leurs réseaux sociaux internes.

Mais la plateforme cible de demain aura trois composantes Cloud, Social, Mobile (que GreenSI préfère a Social, Mobile, Local qui ne représente qu'une vision marketing oubliant l'infrastructure). Marc Benioff aurait-il oublié cette dimension Mobile dans sa stratégie? Et passer si près de la Social Mobile Entreprise?

Et bien non, bien sûr. Il a confié à Seesmic, société de notre entrepreneur tricolore Loic Lemeur, le développement de la mobilité, via une prise de participation réalisée en début d'année. Seesmic, devenu le laboratoire mobile de Salesforce, est en marche et Dreamforce11 a été l'occasion de voir pour la première fois "Seesmic CRM" le produit sur iOS et Android (Mango annoncé). Il permet de plonger les utilisateurs de Salesforce dans une nouvelle relation mobile et temps réel avec leur environnement. Le business modèle gratuit pour l'instant est annoncé comme un service payant au dessus de salesforce ($10 par utilisateur).
Notons fièrement que dans les archives de GreenSI un article décrivait ce scénario Seesmic en septembre 2010 - Social CRM le challenge de l'intégration temps réel en entreprise)

Enfin le rachat de Heroku (plateforme Ruby et framework Ruby-on-rail) a amené la compétence pour mettre Java sur la plateforme as a service PaaS de salesforce. Ainsi plus besoin pour les entreprises d'aller chez Microsoft ou Amazon pour faire tourner ses applications Java dans le Cloud. L'ouverture de cette plateforme PaaS est donc un élément clef de la stratégie de salesforce qui va devenir plus généraliste et éviter de rendre sa plateforme propriétaire ce que les investissements des entreprises n'aiment pas trop. Java en sort aussi renforcé comme choix dans les développements. A Salesforce maintenant de ralier la communauté des développeurs et de stimuler l'adoption de ces standards ouverts dans son éco-system et notamment chez les intégrateurs.

Donc oui, Saleforce.com a toutes les cartes en main pour réaliser sa vision et devenir leader du Social Business.
Elle n'est pas seule, bien sûr mais, peut vraiment préténdre à être la première Social Business Dot Cloud company. et réserver dès maintenant le ticker SBDC au NYSE

Une société qui ne se définit plus par la "négation du software" (rond rouge barré dans son logo actuel) mais par un positionnement affirmé dans le Cloud, avec la couleur bleu des nuages.

Enfin, ce n'est qu'une suggestion, logo compris, cela clarifierait grandement les choses, au moins pour Green SI...

vendredi 22 juillet 2011

L'innovation de rupture est-elle à la portée de toutes les structures d'entreprises?

Cette semaine GreenSI laisse la parole à François Druel. Tour a tour adjoint de Jean Michel Billaut à l'Atelier PNB Paribas au début de l'internet, co-fondateur de Business Village l'une des premières communautés électronique professionnelle, puis un parcours au sein de l'opérateur national et enfin consultant
Ses thèmes de recherche sont la valorisation et l’évaluation des activités innovantes. Il a choisi de partager avec nous ses réflexions sur les innovations de rupture et la structure de l'entreprise. Décodage !
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Face à l'innovation de rupture, je repense toujours à cette citation du Pr. Jean Mathiex (un historien) qui, parlant des mouvements révolutionnaires du XXème siècle, affirmait non sans humour : « un révolutionnaire c'est un terroriste qui a réussi » !
Je trouve que cette citation s'applique fort bien à l'innovation : sans sanction du marché, pas d'innovation de rupture ni de produit révolutionnaire. C'est parce qu'elles réussissent commercialement que les "bonnes idées" et autres rêveries d'ingénieurs ou d'inventeurs deviennent des innovations.


La sanction du marché, c'est ce qui sépare le moulin à légumes de Moulinex, véritable innovation domestique sans réelle innovation industrielle (c'est de la tôle emboutie), de l'Aérotrain, qui, sans succès commercial, ne fut rien d'autre qu'un délire de Pr. Nimbus (alors que techniquement les prouesses étaient nombreuses).
Il existe de nombreuses méthodes d'innovation : chacun cherche à mettre en équation ou en diagramme des modèles permettant de créer des cercles vertueux autour de l'innovation. Reste pourtant une question qui à ma connaissance n'a pas encore été résolue de manière satisfaisante : un grand groupe peut-il innover en rupture ? Et peut-il en faire durablement un modèle de développement ?


En 2003, Clayton Christensen a proposé, dans le fameux Innovator's Dilemma une approche paradigmatique et démontré que les innovations de rupture étaient souvent le fait de structures elles-même en rupture avec leur éco-système et donc qu'en cela une rupture n'est pas seulement technologique mais globale. Dans son ouvrage, Christensen détaillait le cas des disques durs: il ne s'agit pas seulement d'une technologie de rupture (par rapport à des recherches infructueuses) mais également d'une structure en rupture, Seagate n'ayant pas grand chose de commun avec IBM, le leader d'alors en la matière.
On peut aussi penser à l'accès internet : la rupture n'est pas seulement technologique -- communication par paquets vs communication par circuits -- la rupture est également économique (abandon de la facturation par demi-circuits au profit du peering)... et on pensera naturellement à toutes les industries de contenus, actuellement sur la sellette : YouTube ou DailyMotion ne sortent pas des labos de recherche de TF1 ou de CNN ; Apple, qui a révolutionné le marché de la VOD, devenant même un des leaders du secteur, n'est pas un acteur des media (loin s'en faut)...


Certaines grandes entreprises savent innover en dépit de structures en apparence sclérosées, Apple en étant d'ailleurs le meilleur exemple : cette entreprise n'arrête pas d'innover mais garde une structure quasiment gravée dans le marbre : les mêmes départements, les mêmes dirigeants depuis 15 ans ! A opposer à Microsoft (naturellement) dont les structures n'arrêtent pas de bouger et qui n'innove plus depuis bien longtemps...


Cela appelle d'ailleurs une remarque : de nombreux ouvrages de la littérature insistent sur le lien entre souplesse structurelle et innovation. Or la plupart des entreprises innovantes ont des structures plutôt fortes, voire sclérosée en apparence : Michelin ou Saint Gobain par exemple sont des entreprises très innovantes et pourtant très "raides" structurellement. Cette observation a permis à certains de postuler que le secret de la réussite est dans l'articulation entre la structure d'innovation et la structure de commercialisation. Des essais de formalisation de ces pratiques existent (Fabriquer le futur, de P. Musso & al.) mais je ne trouve rien de satisfaisant dans ces ouvrages ; ni d'ailleurs dans les méthodes telle que C-K.


Certaines ex-start-up au développement express, quant à elles, ne savent pas trouver l'énergie de la croissance et s'enlisent dans l'entropie de buzz en tous genres. Elles en sont réduites à acheter leurs innovations (qu'on songe à Google ou à Twitter rachetant Android ou TweetDeck). Ces entreprises là ne sont pas structurellement innovantes : elles ont su exploiter (voire user jusqu'à la corde) une bonne intuition. Ensuite elles ne font qu'en tirer les fruits et les conséquences.


Ma conclusion (provisoire) sur le sujet, je la tiens d'une conférence donnée en 1996 par Jean-Louis Gassée : le monde se divise en deux : les "empereurs" du business, assis sur leurs rentes de situation et les "barbares" de l'innovation, qui n'ont peur de rien et qui osent tout (ils appliquent la citation bien connue de Mark Twain : "Ils ne savaient pas que c'est impossible, alors ils l'ont fait").


Et donc, pour un empereur, la condition de survie, c'est d'être son propre barbare. Un exemple : alors qu'HP était le leader des imprimantes laser (à la fin des années 80), le "barbare" c'était la technologie du jet d'encre. La décision prise par HP a semblé totalement contre-intuitive : fabriquer aussi des imprimantes à jet d'encre. Le résultat : en quelques années HP est devenu leader sur les deux marchés !




Innover en rupture ce n'est pas seulement penser autrement, c'est également (voire peut-être avant-tout) se remettre en question.
C'est l'objectif (non avoué) de Green SI de déclencher cette étincelle. Ensuite il faudra trouver le moyen de faire prendre le foyer en interne puis de conserver le feu.

dimanche 3 juillet 2011

Cloud + Mobilité + Social: Les questions nouvelles qui se posent à la DSI

Cloud + Mobilité + Social: Les questions nouvelles qui se posent à la DSI

L'évolution des SI: Cloud + Mobile + Social
La stratégie mobile ne peut plus être pensée seule. Elle est totalement liée à l'évolution du Cloud et du Social computing. Ce sont les trois éléments fondamentaux de l'ADN de nos futurs SI. Ils sont chacun individuellement des éléments de rupture et de transformation majeure de nos entreprises et de leur mode d'organisation.
Ce fut l'objet de ce post publié sur GreenSI (voir: Article) et sur ZDNet.

Cette présentation est de même inspiration. Elle est extraite d'une conférence sur l'impact des téléphones, tablettes et Apps dans l'entreprise. Elle rentre un peu plus dans le détail des questions nouvelles qui attendent l'entreprise numérique 
dans ce monde ouvert qui remet l'humain ("augmenté") au centre de son organisation et de ses métiers. 
Tout dabord une révolution majeure est celle de la donnée et de son repositionnement. Le coût de transfert de la donnée a dépassé son coût de stockage, alors stockons et reconstruisons le SI là où elles sont:
  • La donnée s'enrichie (rich data) avec l'arrivée massive des données anciennement dites "non structurées" et données multimédia. Le SI construit sur un modèle de base relationnel avec un compagnon décisionnel qui est certainement en train de vieillir. Le développement du "in memory" avec QlickView en innovateur et challenger se répand et casse des codes bien établis.
  • La donnée explose ("big data") et selon les calculs d'IDC, son volume est doublé mondialement tous les deux ans. En 2011 avec 1800 milliards de Go, on a donc atteint le Zétaoctet
  • La donnée s'ouvre, la tendance de l'"open data" dépassera largement les collectivités locales et repose les fondamentaux de l'architecture du SI en matière d'échanges et de communication, où justement l'entreprise a une certaine avance (SOA, web services, urbanisation...) remettant au premier plan le rôle des architectes.
  • La donnée se "met en scène" avec le développement du datavisualization, car masse de données doit rimer avec plus d'intelligence et d'appropriation par tous
Au niveau du développement du Cloud se posent clairement les questions de la sécurité et de l'interopérabilité où, ne soyons pas naïfs, les acteurs actuels se cherchent et déploient des stratégies "prédactrices" pour gagner un avantage de premier entrant et de masse critique le plus rapidement possible. Ensuite ce sera la guerre des brevets. L'entreprise et la collectivité peuvent y laisser des plumes.
Un garant de cette maîtrise du Cloud et de la défense des intérêts des utilisateurs doit donc émerger. Les DSI sont quand même bien placées pour cela, mais si elles ne se bougent pas les métiers s'organiseront eux mêmes pour protéger leurs investissements. L'illusion de la simplicité de l'outsourcing aidant.

Une fois sécurisé, le Cloud sera une plateforme de stockage de données intéressante pour la suite de l'histoire: l'accès aux données en mobilité. En effet, le lien clef entre le Cloud et la Mobilité sera l'accès au Cloud directement depuis n'importe quel terminal. C'est clairement la stratégie iCloud d'Apple mais qui n'a pas attendue Apple pour être engagée par les entreprises. La nouveauté va être la continuité de l'information entre les différentes situations et les différents terminaux. Par exemple commencer une activité de saisie sur un smartphone, y retrouver le contexte de saisie (historique,...), quand un autre agent peut y accéder via une tablette pour avoir une vision plus globale temps réel depuis le terrain, et enfin un troisième produire des activités de type back-office avec ces données depuis son terminal fixe du siège.

Le terminal lui, bardé de capteurs et en lien avec les capteurs d'autres chaînes numériques, permet d'exploiter le "contexte ambiant" de données pour améliorer les usages opérationnels. Ainsi un agent en déplacement est géolocalisé et retrouve l'information des équipements autour de lui au fur et à mesure de son déplacement. Il est aidé dans ses déplacements. L'enrichissement de certaines données comme la détection de la présence d'un équipement de sécurité (extincteur) peut même se mettre à jour automatique avec une technologie RFID.

Le terminal est donc intimement lié à l'agent lui même en relation avec son "réseau social" que ce soit celui de l'entreprise qui lui permettra d'obtenir de l'entraide dans ses missions ou son réseau personnel. Et d'ailleurs le terminal peut aussi être son terminal personnel ("BYOD" Bring Your Own Device) dans lequel l'entreprise aura installé un espace sécurisé pour y mettre ses services d'accès aux ressources de l'entreprise. C'est toute la question de la "consumerisation" de l'IT mais en allant plus loin, de la frontière toujours plus floue entre la vie (numérique) privée et de l'entreprise.

Enfin le Cloud c'est aussi la capacité pour l'entreprise de construire sa présence numérique sur Internet, que ce soit son site web qui évolue vers quelque chose de beaucoup plus dynamique, construit sur les bases de données partagées et reprenant les "extranets" d'échanges avec les clients et partenaires. Mais aussi tous les actifs numériques que la collectivité ou l'entreprise va construire dans les réseaux sociaux déjà en place ou via de nouvelles plateformes construites autour de nouvelles bases de données gigantesques et partagées. Ces données privées mise en relation avec des données publiques peuvent générer encore plus de valeur.

D'autre part cette présence numérique doit aussi pouvoir être exploitée par les salariés qui vont s'y "déplacer" via le système collaboratif interne qui s'est construit a coté des applications. C'est la fin de l'intranet et du mail comme seuls systèmes d'interactions. Le développement des réseaux sociaux d'entreprises et une gestion documentaire plus collaborative, deux moyens de partager au delà des frontières de l'entreprise et de faire vivre l'entreprise numérique en construction.

Toutes ces nouvelles questions apparaissent une par une et ont déjà été abordées sur GreenSI. On sent bien qu'il y a un lien entre elles et c'est ce modèle Cloud+Mobile+Social (encore brumeux, je l'accorde!) que propose GreenSI. Il évoluera certainement avec le temps et je compte sur vos commentaires!

Pour zoomer sur certains sujets déjà abordés par GreenSI:
- la fin de l'intranet et la collaboration 2.0
- la continuité des données
- la consumerisation de l'IT
- le cloud et la dissolution des applications
- la présence numérique et la fin du web et le retour des grands magasins
- l'évolution du poste de travail

L'humour de ceux qui aiment le numérique