Cette semaine j'intervenais aux séminaires Carrefours Excellences sur le thème du titre de ce billet. L'idée principale développée est que nous sommes à un moment charnière de la collision (annoncée depuis longtemps) entre la collaboration interne et externe de l'entreprise.
La collaboration numérique dans l'entreprise a longtemps signifié tout simplement l'informatique(au sein des applications). Puis elle s'est mutée en processus avec l'avènement de l'ERP, prévu pour les unifier avec sa base de donnée unique et son paramétrage métier.
Mais La réalité est tout autre. De nombreuses entreprises qui ont échoué dans leur stratégie d'ERP unique et de processus numériques et unifiés. Les PME sont souvent les meilleurs élèves. Dans les autres, les applications satellites de "workflows" se sont développées autour de l'ERP, et surtout, l'email, dopé à la pièce jointe bureautique, est devenu le roi.
En dehors de l'entreprise, l'internet a montré très tôt, avec Wikpedia par exemple, la capacité de collaborer mondialement sur la connaissance. Puis avec l'internet 2.0, il a montré la capacité des individus à produire leur propres contenus et à les échanger. Certains commeGreenSI produisant des contenus originaux, d'autres en faisant simplement circuler l'information qu'ils sélectionnent, filtrent ou organisent. On pourrait aussi citer l'open source développé collaborativement.
L'entreprise a alors cherché a copier ces nouveaux usages avec les réseaux sociaux d'entreprises (RSE) en marge des processus et de l'ERP. Mais jusqu'à présent les RSE et l'internet étaient deux mondes séparés. Ce qui semble émerger avec le développement du numérique, c'est une interpénétration plus forte de ces deux mondes, comme on le voit avec des démarches de l'entreprise de plus en plus ouvertes vers ses clients ou partenaires et des frontières moins strictes entre externe et interne (BYOD, vie privé-perso, open innovation, ...)
En 2015 c'est l'économie collaborative qui était sous les projecteurs. Et avec le développement de l'internet des objets, la capacité de collaborer va être dopée par l'explosion des messages générés automatiquement et des algorithmes pour leur donner du sens et prendre des décisions.
Une économie collaborative dont les business modèles exploitent la collaboration (d'où son nom). Alors en 2016 le focus des entreprises ne devrait-il pas être de commencer à copier ces modèles pour faire évoluer leur collaboration interne ? Comme elle l'a déjà fait avec les réseaux sociaux.
GreenSI vous recommande de suivre les travaux de Jermiah Owyang sur ce sujet.
Les caractéristiques de ces modèles sont de s'appuyer sur un marketing initial des nouveaux services, pour développer une expérience utilisateur hors normes; et sur des modèles collaboratifs. Cette expérience amène les utilisateurs à plus de personnalisation, et donc à plus de données accumulées pour les opérateurs de ces services, qui peuvent ainsi les valoriser de plusieurs manières.
Mais leur démarche ne s'arrête pas là. L'utilisateur est utilisé pour accélérer la croissance du service en le recommandant ou en amenant de nouveaux membres ("growth hacking"), la boucle est bouclée et la croissance exponentielle peut être au rendez-vous.
C'est vrai que quand on lance un nouveau projet en entreprise, un coffre fort numérique pour y déposer les bulletins de salaires de ses salariés par exemple, on fait sauter le bouchon de champagne à la fin du projet. Techniquement ça marche mais le service peut être sous exploité.
Dans l'économie collaborative c'est là que tout commencerait avec la collecte des données, la personnalisation, puis la recherche de la croissance des utilisateurs : la mesure du taux de souscription, la relance de ceux qui n'ont pas encore adhéré, l'enquête de satisfaction de ceux qui ont déjà adhéré...
Ils font partie du projet puisque son ROI ne sera atteint que si les utilisateurs s'en servent. Sinon l'entreprise continuera a payer l'édition et la mise sous plis de ses bulletins de salaires et de ses communications. Et puis c'est l'opportunité de développer d'autres services a coût marginal, la plateforme étant déjà financée. Mais pour cela il faudrait que ces indicateurs soient dans les objectifs de quelqu'un dans l'entreprise, car c'est souvent son mode de fonctionnement.
Cet exemple montre que la collaboration n'est pas indépendante des choix d'organisation et de management.
Une autre perspective discutée lors de ce séminaire, et tirée de l'économie numérique, est celle des liens entre agilité et collaboration.
Quand on se rappelle le manifeste agile à l'origine du mouvement, on constate que 3 des quatre principes reposent sur la collaboration.
La recherche d'agilité des entreprises, en réponse a une économie plus incertaine et plus complexe, est donc certainement un nouveau domaine où la collaboration doit se développer et se réinventer dans l'entreprise.
Certaines communautés, comme celle des développeurs, sont en avance. Elles ont mis en place de nouvelles formes d'organisation collaboratives, supportées par de nouveaux outils (externes à l'entreprise), pour collaborer de la spécification des besoins à la mise en production.
Mais l'agilité concerne ou concernera toutes les directions de l'entreprise. Le travail de ces directions va donc certainement se développer autour de nouveaux processus collaboratifs, qui seront difficilement supportés par les ERP, avec le risque que l'email remporte la mise si on ne fait rien.
En suivant l'inspiration de l'économie collaboratif et de l'agilité, le travail collaboratif semble donc promis a un beau développement.
C'est un peu le retour du "Business Process Re-engineering" des années 1990, mais avec de tous nouveaux outils numériques de collaboration massive, en interne et avec l'externe. Appelons cela la collaboration digitale, pour forger un nom qui a ses racines dans l'entreprise mais qui s'ouvre totalement à l'extérieur.
Et puis dans DIGITALE vous aviez déjà remarqué qu'il y avait AGILE ? ;-)
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BONUS : voir les slides de la présentation Carrefours Excellence