Le 8 et 9 décembre se tenait en France une conférence qui a déjà fait le tour du monde et dont l'influence augmente chaque année : API Days. Le thème ne pouvait laisser GreenSI indifférent : automatiser le SI, le business et toute la société avec des APIs.
Les
APIs, ce sont ces petites interfaces inter-applicatives dont les usages
augmentent dans un monde numérique toujours plus complexe, plus
interconnecté et de moins en moins sécurisé. Quels rôles jouent-elles dans
la transformation des industries et des entreprises ? C'est le thème de ce billet, et le fil rouge de la 6eme matinée #APIConnection (que je ne présente plus), qui s'est tenue au cœur de cette conférence API Days.
La standardisation ouvre les portes les mieux fermées
Dans un monde numérique, les
chaînes de valeurs des industries et les entreprises au sein de ces
industries ne sont pas toujours aussi fortement intégrées qu'on pourrait
le croire. C'est tout
l'enjeu des nouveaux entrants de chercher à les reconfigurer pour en
capturer la valeur et en éliminer les inefficacités. On dirait les gaspillages dans le monde de la qualité et du "lean management".
Une
de ces techniques est la désintermédiation. Elle se produit quand une
société cherche à s'insérer entre le producteur du service physique -
une nuit d'hôtel par exemple - et le client final, en excellant dans la
relation client numérique avec ce dernier. C'est ainsi qu'Accorhotels s'est retrouvé en quelques années avec de sérieux concurrents mondiaux, comme Booking ou AirB&B, qui ne possédaient pas d'hôtels, mais une relation clients internet et mobile de premier ordre.
Pour Ronnie Mitra, de l'API Academy,
ces "fragilités" qui permettent à d'autres de venir s'y insérer,
existent dans toutes les entreprises. Ce phénomène a très bien été
analysé par John Hagel III dans un célèbre article publié dans Harvard Business Review "Unbundling the corporation" en... 1999. Un hacker dirait que la révolution numérique exploite donc des failles connues depuis longtemps et non corrigées !
Cet article montre comment les
entreprises se fragilisent lorsque leur coûts de transaction internes
sont supérieurs à ceux de leurs nouveaux concurrents qui émergent dans
l'industrie à l'extérieur de l'entreprise.
À
l'époque c'était l'exemple de la chute d'IBM dans les mainframes
(matériel, logiciel et réseau intégré), quand la standardisation a
permis à de nouvelles entreprises (Microsoft, Apple, Intel, Cisco...) de
produire collaborativement le même service qu'IBM, une infrastructure
informatique puissante, mais à un coût de standardisation bien moindre,
et en libérant l'innovation.
Les portes déjà connues sont :
- l'ouverture du marché des internautes mobile, et l'accès aux clients des entreprises qui n'y sont pas présentes,
- la capacité à créer des écosystèmes d'acteurs dont la présence numérique est plus forte ensemble que séparément,
- distribuer du contenu ou des produits sur n'importe quel autre site, c'est la grande tendance des "marketplaces".
L'API est un produit ; commercialisé en B2B
Si la relation numérique en B2B prend de la valeur, comme dans le cas de la désintermédiation des clients finaux en B2C quand certaines plateformes deviennent incontournables, alors les APIs deviennent des produits a part entière qui offrent l'accès à ces plateformes. Au Moyen-Âge, les péages sur les ponts et routes étaient bien une source de revenus au même titre que ce qui y circulait dessus.Dans ce contexte, on comprend l'accord stratégique annoncé cette semaine par Voyages-sncf.com avec (la plateforme) AirB&B, pour proposer des nuitées lors d'achats de voyages. La SNCF en tire une marge sur des produits additionnels vendus lors de l'achat des billets de trains, et AirB&B valorise son API en exposant son offre directement dans le site SNCF et y recruter des clients de la SNCF qui vont quitter leur logement.
Si vous n'êtes pas aussi influent que Voyages-sncf.com, le premier site de e-commerce en France, il faut vous regrouper en écosystèmes. Par exemple, vous allez pouvoir proposer vos produits via des plateformes intermédiaires comme Stripe, qui auront su fédérer un ensemble de sites mobiles où vos produits seront exposés et pourront être achetés et payés en quelques clics.
Donc si vous ne pouvez pas construire votre propre pont, vous pourrez quand même payer le péage, avoir accès au marché, et en tirer des revenus complémentaires.
Si les APIs sont des produits, alors elles contribuent au business modèle de l'entreprise. Et si elles sont gérées par le SI, et par la DSI, cette dernière est au premier plan pour orienter une partie de business modèle de l'entreprise (si cela vous avez échappé).
Kirsten Moyer, VP Research du Gartner, y a même présenté ce que pouvait être un "Programmable Business model" pour une entreprise.
Comment ? En utilisant des plates-formes API pour exposer toutes les fonctionnalités de l'entreprise sur un marché dynamique de la sous-traitance et se laisser "re-programmer" en fonction des opportunités imaginées par d'autres. Éventuellement demain par des machines et de l'intelligence artificielle.
D'une certain façon c'est la stratégie de La Poste qui expose certains de ses services sur son portail développeurs et laisse quiconque les ré-utiliser et les intégrer à son offre. Mais on y est pas encore en B2B, alors que c'est déjà le cas en B2C chez les utilisateurs des plateformes de travail "à la tâche" (Amazon mechanical turk, Task rabbit....) qui font couler beaucoup d'encre sur leurs entorses au code du travail, et sur l'évolution des conditions sociales qu'elles amènent.
Aujourd'hui tous les acteurs de l'économie numérique ont un business modèle qui, à un certain stade de leur développement, valorise ses données via des APIs.
GreenSI avait d'ailleurs récemment salué la présentation au NUMA de FoodmeUp, une jeune pousse qui dans son business modèle intégrait les APIs en complément de la vente directe et de sa communauté (voir Innover en startup ou en entreprise, une question d'équilibre).
La valeur circule dans les ecosystèmes
Une autre perspective sur les APIs a été donnée par Bertrand Masson de la société Moskitos.C'est la quête de "l'économie de la connexion" quand une marque va donner ("give"), un coupon personnalisé par exemple, pour recevoir ("take") en échange des données personnelles. À leur tour ces données seront ouvertes ("give") aux distributeurs pour enrichir l'expérience en magasin (orienter vers les bons produits) et augmenter("take") les ventes de la marque.
Un modèle Give - Take - Multiply où le résultat final est gagnant-gagnant pour les clients, les marques et les distributeurs.
La valeur est créée par l'efficacité de l'écosystème, et donc cette valeur est prise sur la réduction des coûts de transactions par la standardisation et l'ouverture. Ce nouveau paradigme repose sur des APIs ouvertes par les marques et les distributeurs. Il y a déjà quelques exemples.
Pour faire simple, en tant que marque, au lieu d'envoyer un million d'e-mails et en tirer au mieux 1.000 prospects, sans ensuite savoir quoi leur offrir ni quand ils iront chez un distributeur où la marque est présente, optimisons ces budgets marketing colossaux et redistribuons-les entre les acteurs de manière intelligente. Éventuellement un tiers de confiance assure la confidentialité des données quand elle est nécessaire.
Pas sûr que les agences de communication qui tirent la majorité de leurs revenus de ces inefficacités voient cela d'un bon oeil, mais Google est déjà passé par là avec son moteur de recherche, donc elle savent qu'elles doivent se reconvertir...
Enfin c'est AccorHotels qui a conclu la session en exposant sa stratégie digitale, et surtout le rôle joué par les APIs dans cette stratégie :
- toucher rapidement des clients où qu'ils soient, par exemple en train de surfer sur une application mobile dans le taxi après l'aéroport et à la recherche d'un hôtel
- trouver des sources de revenus additionnelles en valorisant des données via leur exposition au bon moment chez le bon partenaire,
- alimenter les applications mobiles,
- ouvrir des services à l'extérieur de façon sécurisée, tout en étant relié au SI qui contient le back-office qui reste le référentiel métier.
Les APIs jouent donc un rôle clef dans la standardisation des relations entres entreprises, via leur systèmes d'information et contribuent à la réorganisation des flux de données au sein des entreprises, entre entreprises et au sein d'industries toutes entières. La maîtrise de ces flux est stratégique pour maintenir sa position concurrentielle, mais est aussi une source de revenus et d'innovation pour les startups en herbes cherchant a se faire une place au soleil dans ces chaînes de valeur, et bien sûr pour les acteurs historiques qui sauront s'adapter.
Beaucoup de contenu a été produit par GreenSI sur les API en 2014 et 2015 (voir les liens à la fin de l'article). Il semble clair qu'en 2016 les APIs vont s'installer dans les stratégies digitales d'encore plus d'entreprises.
Pourquoi pas la vôtre ?