Cette année, cette manifestation a même vu un secrétaire d’État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, et sa prédécesseur, Axelle Lemaire, se relayer à la tribune. Une fois de plus, le recours plus systématique à l'open source dans les projets des services de l'État a été promis...
Pourtant, la loi sur la République Numérique aurait pu être un boulevard pour faire de cette promesse une réalité en prenant une décision historique de faire de l'open source, non pas une solution "à privilégier" dans les administrations, mais une solution tout court. Mais cette loi ne l'aura pas fait.
Pourtant ces solutions permettrait à l'État de fabriquer des "communs", utilisables et réutilisables dans le cadre d'une licence, mais également de construire des solutions scalables à l'échelle des territoires, d'un État puis d'un pays. C'est une autre façon de concrétiser la stratégie "d'État plateforme" au delà des seuls services d'accès aux services publics.
Mais cette vision demande de changer de perspective sur l'open source qui est parfois réduit au seul sujet de licence logiciel.
D'ailleurs quand les GAFAs, que GrenSI comparent parfois à des États (voir: Google la startup qui voulait se faire aussi grosse qu'un État) ont commencé à développer les plateformes qui servent maintenant des centaines de millions d'utilisateurs, et deux milliards pour la plus grande, c'est bien vers l'open source qu'ils se sont tournés dès le départ. Puis une fois qu'ils en ont adopté et amélioré certains composants, ou mis en open source ceux qu'ils ont créé, c'est tout un écosystème de sociétés et d'acteurs qui s'est engouffré dans leur sillage et qui continue d'innover sur les socles qu'ils ont ouverts.
Dans les derniers exemples de ces ouvertures, au cœur des technologies du Cloud, l'adoption très rapide de Kubernetes, montre la force d'un tel modèle. Kubernetes est en effet un système open source permettant d'automatiser le déploiement et la montée en charge d'applications, conçu par Google et offert à la Cloud Native Computing Foundation. Quelle entreprise ou quel État pense avoir une meilleure expérience de scalabilité que Googe ?
GreenSI n'a donc pas beaucoup de mal à penser que l'open source pourrait être la base d'une révolution au niveau des infrastructures (numériques) d'un État plus agile, à la fois pour sa transformation au numérique en interne (et c'est le vœu de Mounir Mahjoubi dans son discours) mais également pour la transformation externe de l'écosystème qui dépend (ou pourrait bénéficier) de son activité.
Et si la nouvelle politique industrielle d'un État était de créer une plateforme offrant les conditions favorables au développement des PME qui sont si en retard sur Internet? Et si la #FrenchTech était plus qu'un label et l'accès à du financement, mais l'accès à une plateforme technologique et une expertise technique? Dans ces deux cas, la création de communs sur la base d'open source et une stratégie de plateforme seraient un très bon point de départ.
En 2017, l'open source a donc clairement quitté le cœur de Linux, le débat sur le système d'exploitation souverain ou sur la licence, pour devenir la plateforme scalable et ouverte de transformation digitale.
Pour GreenSI, l'open source ne doit donc plus être comparé aux progiciels du marché avec licence, car c'est plus que du logiciel : c'est une démarche. L'open source est une démarche outillée de création d'une plateforme numérique permettant à l'entreprise de développer, et même d'acheter, les applications qui deviennent le cœur de son métier.
L'open source peut donc être une stratégie, et qui mieux que la DSI peut la porter, si cette dernière ne se laisse pas enfermer dans sa relation historique avec les éditeurs ? Ces dernières années, les grands éditeurs ont d'ailleurs cherché à interpréter à leur avantage les contrats avec ces DSI. Dans un contexte d'ouverture de données (en dehors de ces progiciels) elles ont cherché a étendre les bases du calcul des licences pour en maximiser leurs profits et financer leur migration vers le SaaS. Si après de telles initiatives les DSI ont encore confiance, cela tient du syndrome de Stockholm...
Le décalage entre open source et progiciel est donc autant celui des progiciels, qui deviennent des plateformes avec le SaaS (ou disparaissent), que celui de l'open source qui, de plateforme technique, devient une plateforme métier.
Dorénavant le métier de l'entreprise numérique est la fabrication de logiciels et la capacité à délivrer des services numériques. Ces deux métiers sont outillés par les plateformes open source, de l'infrastructure aux outils de développement.
La stratégie SI devrait donc lucidement regarder ce décalage et statuer sur le rôle de l'open source comme vecteur de transformation. GreenSI voit donc aujourd'hui un grand intérêt à l'open source pour traiter des plateformes digitales et les intégrer dans une stratégie clairement formulée, et non un choix tactique quand il se présente dans les projets :
- l'activation de composants : les versions
communautaires permettent de démarrer très en amont des projets souvent
complexes qui demandent des pilotes, sans être obligé d’acheter une
licence alors qu’on ne connaît pas encore exactement les besoins. Le modèle "pay as you go" amené par le développement du Cloud est finalement plus adapté à l'innovation que celui de la licence.
Combien de DSI ont cherché à défendre des budgets élevés pour des plateformes logicielles permettant de nouveaux projets, alors que si ils avaient pu démarrer et obtenir des résultats rapides, ils n'auraient même pas eu besoin de demander de poursuivre?
L'open source est donc bien positionné pour cela et les plateformes éditeurs vont devoir intégrer cette règle à leur modèle tarifaire. - la scalabilité : les GAFAs ont démontré les capacités d'architectures scalables pour
répondre à la demande mondiale, souvent largement au-delà des besoins
des plus grandes entreprises. Les plateformes big data les plus
utilisées sont d'ailleurs toutes issues de l'open source.
- le modèle collaboratif : l'open-source permet de rassembler plusieurs acteurs pour développer ensemble des composants ou les compléter, chacun ayant accès au code à confiance dans ce qu’il utilise.
Ce travail collaboratif commence au niveau des développeurs avec une plateforme comme Github, qui en 10 ans s'est imposée comme essentielle pour animer une communauté de développeurs. C'est d'ailleurs une communauté où l'entraide est très forte pour compenser les faiblesses de documentation que peuvent avoir certains composants open source.
GreenSI aime bien dire que de nombreuses entreprises cherchent l'entreprise collaborative alors qu'elles l'ont sous les yeux si elles regardaient leurs développeurs travailler.
Dans le domaine des Smart Cities, structurellement collaboratif, où chacun amène sa pierre à l'édifice (sans jeu de mot), GreenSI pense qu'il n'y a pas d'autre alternative que d'avoir un noyau commun open source. C'était le thème au Paris Open Source Summit d'un atelier organisé par la société Smile. - les standards : l'open source favorise l’émergence de standards de faits,
et rassure les acteurs de l'écosystème jusqu'à permettre
l’open-innovation pour travailler à plusieurs entreprises ou
collectivités sur un même composant standard. Pour recruter des
développeurs il est également plus simple de coller à des standards que
de chercher le spécialiste d'un produit du marché devenu rare... qui se
vendra à prix d'or. Suivez mon regard.
- la sécurité : elle est amenée par le processus collaboratif de construction, par l'ouverture du code, et comme personne n'est parfait, par une plus grande vitesse à patcher quand une faille est détectée. La sécurité, dans les années qui arrivent, va sonner la mort de tous les éditeurs qui n'auront pas les équipes suffisantes pour réagir rapidement. Pour l'open source, la taille et la vigueur de la communauté est donc un critère de choix des logiciels.
Force* est de constater que l'open source est également bien placé pour continuer sa course dans ces nouvelles architectures du monde IoT en développement, à la fois au niveau des plateformes IoT centrales, comme les fournisseurs de Cloud l'ont montré en reposant principalement sur de l'open source, mais également dans les objets avec de l'embarqué et notamment une version Linux.
Le duo Arduino et Raspberry Pi a également montré que la démarche open source s'étendait aux objets connectés eux-mêmes en permettant le prototypage rapide, mais également par le partage du design, de créer des communautés autour d'objets physiques.
On sait également que l'intelligence artificielle va équiper à l'avenir ces objets pour les transformer en objets plus intelligents permettant de repenser les processus de l'entreprise. Comme l'open source sera incontournable pour l'analyse des données et l'intelligence artificielle, ce renforcera également sa proposition de valeur dans le mondes des objets connectés.
L'open source semble donc être un formidable levier de transformation digitale, aujourd'hui mais également demain. Alterway, acteur du web et de l'open source, a déjà cette martelé cette vision d'un open source comme nouvelle idée du web. GreenSI pense qu'il va maintenant au delà du web et embrasse tout l'Internet.
Pour l'activer il faut stopper de le comparer à du logiciel "acheté" sur le marché. C'est devenu autre chose. L'open source peut être vu comme une plateforme et un démarche, ouvertes et collaboratives d'open innovation. Toute stratégie SI de transformation devrait se demander comment l'exploiter.
Mais comme les budgets marketing investis dans la promotion de l'open source sont négligeables par rapport aux millions que dépensent certains éditeurs pour vous raconter la même histoire, vous pourriez rater l'opportunité historique d'intégrer l'open source dans votre transformation digitale...
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* il fallait bien caser le mot "Force" dans ce billet la semaine de la sortie de l'épisode VIII. May the Open Source Force be with you ! ;-)