Les présentations lors de ces manifestions, auxquelles GreenSI a pu assister à certaines (ça devient compliqué d'aller à toutes cette année!), montre que l'on a quitté une première phase d'expansion dirigée par la technologie, avec ses succès et ses échecs, pour faire du concept de smart city celui de la révolution digitale de la ville, ou de la ville à l'ère du numérique. C'est un positionnement identifié dans un billet en début d'année (Une vision nouvelle sur les territoires de toutes les intelligences) qui se confirme.
Les villes et les métropoles cherchent un modèle économique qui leur permettra de poursuivre leur développement, tout en assurant une qualité de service à leurs citoyens et une attractivité pour les entreprises, au niveau des nouveaux standards amenés par cette économie numérique. Et pour cela, comme des startups, elles doivent de temps en temps faire pivoter leur modèle afin de ne pas perdre leur influence dans cet environnement en forte évolution.
La première question que se pose un nouvel acquéreur d'un logement dans une ville est maintenant celle du débit du raccordement internet et de la couverture mobile. La dernière étude de l'ARCEP est sans équivoque sur le taux d'équipement des ménages et leur besoin de connexion, qui devient un besoin primaire.
La seconde question sera bientôt celle de savoir quelle est la note des services de proximité qui sont disponibles dans le quartier. Ces services proviendront soit de la transformation digitale des services municipaux classiques (petite enfance, bibliothèque, piscine, ...) soit des services privés localisés dans son quartier (haut débit, livraison de repas, covoiturage, ...). La Smart City c'est donc aussi la mise en évidence par le numérique d'une certaine fracture entre les territoires. Le rôle des acteurs publics pour la réduire est toujours aussi essentiel.
Alors quelle est l'analyse de GreenSI en 2017 des projets de Smart City ?
La Smart City est au cœur de l'évolution de la société
C'est La Tribune qui titre "le siècle des ville se dessine" en écho aux multiples initiatives où les villes relèvent les défis de demain.Si on ne devait citer qu'une de ces initiatives, ce serait quand les grandes villes, dont New-York et Paris, ont tenu tête à Donald Trump sur les accords de Paris et confirmé leur adhésion aux engagements pour la planète. Car finalement c'est bien au niveau des villes que l'on peut déjà agir.
Et puis dans un contexte français de moins grande dotation de l'État aux collectivités, les communes vont devoir retrouver un nouvel équilibre financier et indirectement en tirer une plus grande liberté d'action. Pour certaines chercher à s'appuyer plus largement sur le secteur privé, startups ou grandes entreprises.
Dans ce contexte, le projet Smart City devient un moyen de mieux maîtriser la consommation d'énergie et d'optimiser la circulation automobile, pour réduire les gaz à effet de serre.
Le programme DataCity, qui a lancé ce mois-ci sa 3e saison, a fait émerger des challenges auxquels les startups vont maintenant pouvoir s'attaquer et proposer des solutions qui seront implémentées dans la capitale. Sans surprise, cette année de nombreux challenges portent sur le transport, avec le déplacements des salariés, la congestion des carrefours, ou la meilleure connaissance du trafic routier, tout en réduisant les coûts de capture des données nécessaires.
C'est l'illustration concrète du rapprochement entre les révolutions digitale et environnementale.
Les projets Smart City doivent afficher un ROI
Outre l'aspect environnemental, la rentabilité des projets est maintenant challengée par les élus mais également par les citoyens.C'est donc une rentabilité économique mais également sociale, qui peut être compensée par une valeur collective. L'étude publiée par la CDC ce mois-ci est la première qui rentre autant en profondeur sur cette valeur collective avec une démarche socio-économique très structurée.
En 2017, des projets se référant à la Smart City visent à améliorer la qualité de service et l'espace public, tout en démontrant un retour sur investissement réel, avec des économies situées dans les opérations de la collectivités, mais également dans celles d'autres acteurs de la ville et bien sûr chez les citoyens.
La réflexion autour d'un "business modèle" intégrant tous les acteurs concernés par chaque projet Smart City devient donc indispensable.
Les écosystèmes créent la valeur
Réunir ces acteurs en écosystèmes est une tendance forte.Au 1er janvier 2018 l'organisation du stationnement urbain, actuellement partagée entre la police et les services de la voirie, va évoluer vers une gouvernance simplifiée. La politique tarifaire va également changer pour dépénaliser le stationnement et permettre à la commune de fixer le tarif en cas de dépassement. On paiera donc ce dépassement à la commune, qui ne sera plus une amende, comme le stationnement.
Ce double changement va permettre de créer des observatoires du stationnement, comme à Strasbourg, qui s'appuient sur une meilleure connaissance de l'usage de l'espace public, y compris l'offre de parking du privé, pour piloter la politique tarifaire et d'aménagement. À la clef ce sera une réduction de la pollution et du bruit (à chercher une place) et un meilleur service aux usagers de la voirie.
Pour GreenSI, cet exemple illustre bien les nouvelles organisations mixtes, y compris public-privé, qui vont se mettre en place pour rendre intelligent une fonction de la ville, en créant des échanges de données permettant une coordination des moyens.
C'est dans ce registre que l'on peut classer le projet du Grand Dijon pour les prochaines années, d'optimiser globalement la gestion de l'espace public à partir d'un centre de pilotage connecté et de s'appuyer pour cela sur un consortium d'entreprises et une nouvelle organisation de ses services. À la clef ce seront des économies par une meilleure connaissance de l'état du patrimoine, réalisées par la politique de maintenance, mais également la libération de données pour permettre des optimisations transverses au sein d'écosystèmes.
C'est également dans ce registre que les smart grids, qui optimisent les échanges d'énergies au sein de la ville, se développent. La ville est un système complexe avec un écosystème d'acteurs et de compétences, dont les relations se combinent à l'infini dans de multiples services.
Mais, quand on commence à parler de projet de blockchain au sein de la Smart City pour gérer ces écosystèmes, c'est certainement une bonne idée, mais GreenSI pense qu'elle restera très conceptuelle avant 2020. Cela ramène également le projet de Smart City 5 ans en arrière, un projet tiré par la technologie, que peu comprennent. Faisons donc attention aux priorités.
La circulation des données passe par des APIs
À défaut de nouvelles architectures comme la blockchain, GreenSI est convaincu que des technologies simples et ouvertes permettent la réalisation de ces nouveaux modèles. La mise à disposition de données doit passer par l'ouverture d'API, pour mettre à disposition, en permanence, des données réutilisables par tous les acteurs de l'écosystème qui pourra mieux les valoriser que ceux qui les produisent.L'open API est l'avenir de l'open data et concerne autant le privé que le public. Il s'imposera plus facilement par les business modèles et les gains associés que par la loi.
Cette mise à disposition sera facilitée par l'utilisation d'un cloud privé qui est plus facilement partagé par tous les acteurs de façon sécurisée. Ce sera une rupture pour les collectivités qui souhaitent collecter toutes les données sur leur propre système d'information, car elles devront être à la hauteur de ces nouveaux usages. La CNIL s'est d'ailleurs déjà penchée sur le sujet et a produit une note de recommandation sur la Smart City et les données personnelles.
Cette approche de plateforme ouverte d'API est mise en place dans le projet de Saint-Etienne Smart City, qui a été présenté à la Cloud Expo Europe cette année, et qui repose aussi sur une plateforme open source pour assurer la réutilisation de composants par tous les acteurs de l'écosystème qui voudront y contribuer.
On retrouve ici un début de "plateformisation de l'économie" tel que GreenSI l'a décrit dans son billet sur le futur du cloud (L'empire des mille plateformes)
En conclusion, la ville - ou la métropole - où vivent et travaillent plus 75% de la population en France, continue donc de renforcer son attractivité mais a besoin de repenser son modèle pour le rendre durable, écologiquement et économiquement.
Les projets qui s'y attellent en 2017 sont placés sous le signe de l'open innovation, de nouvelles organisations des collectivités et de la création de valeur au sein d'écosystèmes. Ils s'appuient également sur les technologies de la transformation numérique (Data, API, mobilité, cloud, open source...) tout en ayant des objectifs socio-économiques.
GreenSI qui observe la transformation digitale des villes depuis plus de 5 ans, pense que 2017 aura marqué en France une rupture dans les projets et que de nouveaux modèles sont en train de se développer pour rendre la ville plus "smart".