mercredi 25 janvier 2017

Engageons la réflexion sur l'avenir de l'Intelligence artificielle

Dans l'actualité de la semaine on ne pouvait pas manquer l'annonce par Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat en charge du numérique et depuis octobre dernier de l'innovation, du lancement de la mission "France IA" pour définir une stratégie nationale en Intelligence Artificielle pour la France.

Une démarche pleine de sens, tant la France a d'atouts sur ce sujet (mathématiques, ingénieurs, recherche...), mais une démarche tardive à moins de quatre mois d'un nouveau gouvernement...

Espérons que cette démarche réussira au moins à boucler  sa première étape d'identification des acteurs et à faire parler de ces atouts, à défaut de pouvoir déjà fédérer ces acteurs façon "French Tech" avec par exemple un label "France IA" démontrant la qualité du savoir faire français.

Les domaines de l'IA sont très vastes, mais tous sont stratégiques pour l'évolution de l'Industrie et des services numériques. Il rassemblent principalement :
  • l'apprentissage automatique (machine learning)
  • la vision des ordinateurs en temps réel ou par analyse d'images/vidéos
  • les robots intelligents (versus simplement programmés)
  • les assistants virtuels
  • la reconnaissance du langage (speech to speech)
  • la reconnaissance des gestes
En parlant d'intelligence artificielle, aujourd'hui les plateformes GAFA+MI n'en sont plus à simple la réflexion. Elles sont opérationnelles ! Leurs organisations ont recruté les meilleurs spécialistes, elles ont racheté ou investi dans les startups disruptives et se font la course pour trouver le modèle économique qui dominera :
  • Google a développé une stratégie d'enrichissement de ses services avec Google Now qui vise a être votre assistant personnel, mais aussi Google Maps et les débuts d'Allo qui amène son IA dans une messagerie instantanée pour devenir un assistant virtuel.
  • Amazon a surpris toute l'industrie avec "Echo" - dont GreenSI a déjà parléun appareil dans la maison dopé à l'IA d'Alexa pour déplacer cette assistance virtuelle dans le quotidien et non en mobilité (où le smartphone reste le terminal n°1 en attendant la voiture)
  • Facebook
  • Apple, le pionnier avec Siri, l'assistant virtuel sur iPhone, mais qui dans ce domaine aussi peine a se renouveler et innover depuis quelques années.
  • Microsoft, avec une stratégie résolument dans le Cloud depuis l'arrivée de Satya Nadella, où la Cortana Intelligence Suite et les "Azure Cognitive Services" sont mis à la disposition des entreprises qui développent des applications pour les enrichir avec de l'IA.
  • IBM parti plus tôt avec Watson dès 2011, qui est devenu une division d'IBM en 2014, a une stratégie similaire mais totalement orientée vers les grandes entreprises, même si ses services sont disponibles en ligne sur BlueMix sa "plateform as a service" (PaaS).
GreenSI, a une position plus tranchée sur Facebook qui semble un peu derrière ces acteurs sur le plan des réalisations opérationnelles. Annonce de "M" en 2014, ouverture d'un Lab (à Paris) en 2015, pourtant son IA est uniquement présente avec des "bots" dans Messenger dont l'intelligence est réellement dans l'ecosystème des startups comme Chatfuel qui permettent de les faire fonctionner. Et ce malgré une communication bien rodée en fin d'année dernière avec la vidéo "intime" de Mark Zuckerberg parlant à Jarvis qui pilote sa maison.

Mais si on regarde quelques années en arrière, les jeux dans Facebook ont explosés avec des sociétés comme Zinga et non avec des développements propres. Rappelons-nous aussi que Facebook a failli rater le virage mobile en 2011. Leur application interne n'était pas au point. C'est le rachat d'Instagram (2012) puis de Whatsapp (2014) qui leur a donné la légitimité et qui a fait décoller leur cours de Bourse mi-2013, une fois les analystes rassurés sur le fait que Facebook pourrait capter la manne de la publicité mobile. La stratégie de Facebook semble donc pour l'instant beaucoup plus axée sur son écosystème et la co-innovation. Cela pourrait changer quand Facebook exploitera les conversations de ses 1,7 milliards de membres actifs mensuels (1 sur mobile) et mieux connaître le genre humain...

Dans les autres acteurs, on peut aussi citer ceux qui sont en embuscade et qui entrerons dans le peloton de tête de façon opportuniste avec un rachat ou de nouveaux services, mais qui pour l'instant agissent via leur fonds d'investissement qui prennent des positions : Salesforce (Digital Genius, MetaMind ), Samsung et pourquoi pas le français AXA qui avec AXA Ventures s'interesse de très près au sujet dans ce qui pourrait outiller la santé (Neura, BI Beats, Medlanes) ou la location immobilière (price methods devenu Wheelhouse)

Au niveau des applications, les assistants virtuels et les objets intelligents (et connectés) en B2C et B2B,vont certainement tirer les usages à court terme. Dans les assistants virtuels, attendons-nous a voir les sites fleurir des "chatbots" pour améliorer la qualité de service en ligne dont une partie sous Facebook.

En terme d'industries, la santé est celle qui oriente 15% des investissements des startups (selon CB Insights) suivi de près par l'expérience client et l'analyse de données. Le marché B2C sera donc tiré par la santé et le B2B pour les deux derniers.

L'IA n'est pas non plus une nouveauté puisque l'origine est souvent donnée à "Computing Machinery and Intelligence" d'Alan Turing en 1950 et les premiers algorithmes de diagnostic médical datent des années 1970 (Mycin). Notre ex-pépite nationale Ilog créée en 1987 s'est faite avaler par IBM en 2009. On constate donc une effervescence mondiale, et des investissements en hausse depuis 2010. Les voyants de la stratégie française devaient donc clignoter depuis longtemps quand Axelle Lemaire est passée devant, et finalement malgré un contexte peu favorable a décidé de relever le défi avec Thierry Mandon (Recherche).

Oui, la "France des ingénieurs" a une certaine avance sur le sujet. Car même si elle fleurte avec le dernier rang du classement PISA en mathématiques au collège, sa recherche et son enseignement supérieur sont au plus haut niveau mondial. L'ambassade de cette excellence comptant dans ses rangs Cédric Villani, médaille Fields en 2010, qui par sa photo officielle qui a fait le tour du monde, incarne à merveille la modernisme et la tradition pour les sciences.

L'intelligence artificielle est aussi un vrai sujet de société qui dépasse largement le champ du numérique, puisqu'elle vise à développer des dispositifs imitant ou remplaçant l'humain.

Son rôle dans la société sera donc certainement débattu, domaine par domaine, industrie par industrie dans les années qui arrivent. L'algorithme est déjà sous les feux du débat, avec la question très naïve de sa neutralité, mais l'IA va plus loin puisqu'elle donne la main à un machine.

L'IA sera acceptée quand elle permettra par exemple de sauver des vies en accélérant les décisions et en réduisant les risques d'erreurs de diagnostic, mais certainement très challengé quand les usines Michelin de Clermont-Ferrand auront plus de robots que d'humains syndiqués...

Ce débat a été lancé cette semaine au Forum Economique Mondial de Davos Satya Nadella participait à un débat sur l'intelligence artificielle : "Quels profits la société toute entière peut attendre de l’IA".

Le PDG de Microsoft a défendu l'idée que ceux qui disposent des platerformes d'IA devraient l'orienter vers des tâches aidant les humains plutôt que supprimant des emplois.
Au delà de l'intention très louable de Microsoft, et de l'humanisme avéré de son leader, ne soyons quand même pas dupes, car cette question est celle qui différencie un Microsoft d'un Google pour rejoindre le cercle très fermé des GAFAs...

Microsoft ou IBM en B2B vendent leur technologie à des entreprises qui décideront des usages. On a encore du mal a croire qu'ils refuseront une vente quand un patron d'usine viendra les voir pour outiller ses usines avec leur technologie. Il est aussi probable que les investisseurs qui depuis 2011 mettent des centaines de millions dans le développement de startups visent en priorité les usages qui valoriseront le mieux leur participation sans nécessairement prendre en compte l'avenir de l'humanité.

Google, Facebook, IBM, Microsoft et Amazon ont aussi créé un alliance pour instaurer de « bonnes pratiques » dans ce domaine, et mieux informer le grand public. Et puis à la conférence Frontiers en octobre dernier (billet GreenSI), la Maison Blanche avait organisé un débat et pris des engagements sur l'IA et les robots.

Donc oui, la France a un autre risque de retard. Celui de ne pas participer à la réflexion sur l'éthique de l'IA qui est enjeu majeur dans les années qui arrivent.


Une réflexion qui se traduira demain en usages standards qui pourraient s'imposer à tous, et surtout ne pas limiter les usages qu'on ne voudrait pas voir se développer. Car dans ce jeu, les plateformes mondiales seront certainement les plus influentes, et il sera ensuite trop tard de vouloir interdire telle ou telle plateforme depuis le sol français, ou européen.

L'IA n'est bien sûr pas un ennemi mais un redoutable allié au service de la stratégie d'entreprise, et certainement du développement de nouveaux services intelligents pour l'industrie et la ville numérique. C'est surtout une compétence qui se marie très bien avec les capteurs et l'augmentation du nombre de données capturées par les systèmes d'information.

Dans l'entreprise en 2017, GreenSI conseille donc que ce soit l'année de la réflexion pour anticiper cette technologie qui au-delà de transformer les usages va modifier les relations entre l'Homme et la machine. Une autre façon de se repenser son avantage concurrentiel.

dimanche 22 janvier 2017

(Interview) L'évolution de la Smart City


Le forum Smart City Toulouse organisé par La Tribune, a été l'occasion de revenir sur le chemin parcouru par le concept de ville intelligente en France et de donner une tendance pour l'avenir.

 


D'une vision technologique poussée par des fournisseurs de technologie américain, la ville numérique s'est réinventée avec les citoyens et comme modèle d'attractivité et de transformation numérique de collectivités locales en mutations.

lundi 16 janvier 2017

Entreprise du futur: Arrêtons de parler de la technologie

Ce billet a commencé dans une discussion sur Twitter à propos d'un article qui parlait "des technologies du futur de l'Internet des Objets" et citait la litanie des technologies à la mode (bigdata, IA, blockchain...).

C'est un article qui coche certainement tous les buzzwords du moment pour attirer l'attention en pleine période du CES de Las Vegas quand les technologies les plus folles sont sur le devant de la scène, mais un article qui donnait peu de clefs sur le futur aux non initiés.

Il y a un an, un billet de GreenSI mettait d'ailleurs en garde sur le piège de "la déférlante des acronymes de nouvelles technologies" pour imaginer sa stratégie numérique (Priorités de la DSI 2016: place au concret !). Non, si vous n'avez pas de projet blockchain ou bigdata cette année vous n'avez pas raté votre vie ! ;-)

D'où la question de GreenSI : est-ce que cela a encore un sens de parler de technologies et non d'usages ?

Le mot usage est sur toutes les bouches, mais on continue de trouver trop beaucoup d'articles sur les 7 ou 10 technologies qui vont changer le monde, alors qu'on sait bien que ce seront les usages qui s'en chargeront.

L'entreprise du futur le sera d'abord par son organisation et son utilisation du numérique.

Gilles Babinet parle de plateformes dans son dernier ouvrage (Transformation digitale: l'avènement des plateformes), en faisant référence aux GAFAs, mais ne nous y trompons pas, ces plateformes ne sont bien sûr pas uniquement technologiques.

Certains domaines comme celui de la "voiture autonome" ont pris de l'avance dans cette direction comme le faisait remarquer le dernier billet (CES 2017). Pour parler de l'avenir de la voiture, on pourrait évoquer l'IA, les capteurs, les radars, le logiciel embarqué, le logiciel temps réel, le bigdata,... mais finalement c'est bien l'usage, et l'interface homme-machine au coeur de cet usage, qui prime: rendre la voiture autonome.

Donc désolé, mais pour GreenSI l'internet des objets n'a pas de futur en tant que tel.

L'IoT contribuera peut-être à l'avenir de nombreux usages et de nombreuses industries. Il sera certainement essentiel dans l'avenir des usines et de l'industrie en général, on parle même d'Industrial IoT pour souligner les progrès qu'il a y à faire en terme de sécurité et de robustesse. L'IoT a aussi besoin des autres technologies de la donnée et de leur analyse pour être pertinent. Seule, l'IoT reste une technologie.

C'est la même vision qu'il faut avoir avec la ville intelligente, "smart city" pour les anglophones, qui représente l'évolution des usages pour rendre le modèle de la ville durable avec l'augmentation continue de la population urbaine et améliorer la qualité de vie pour tous les citoyens.

Les premières expérimentations menées par des sociétés de technologies américaines ne rencontrent plus un tel engouement aujourd'hui, quand les collectivités ne peuvent y mixer les usages par les citoyens, ou leurs usages pour se transformer elles-mêmes.

Et puis la FrenchTech est passée par là, avec une vision plus centrée sur les usages de la ville en France et moins sur des frameworks mondiaux censés fonctionner aussi en Inde et en Amérique du Sud. Les plateformes doivent s'adapter dans chaque pays au contexte légal et aux attentes de leurs utilisateurs.

On peut également citer la technologie blockchain, devenue célèbre avec son premier usage, la monnaie électronique décentralisée comme le bitcoin, mais qui est aussi promise à un bel avenir dans de nombreux domaines où la traçabilité et la confiance peuvent réinventer les usages et les chaînes de valeur. Ce sera certainement le cas dans le secteur de l'assurance.

Alors pitié, arrêtons de ne parler que de technologies, de les égréner à l'infini. Ne faisons pas que répéter qu'il faut parler d'usages, mais recentrons le débat sur les usages, justement !

Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise technologie. Mais il y a des usages qui se discutent, se débattent et s'approprient pour faire évoluer la société. Les technologies de base de données ou d'internet servent autant aux dictateurs qu'aux démocraties, à créer des fichiers et à surveiller les populations...

La confusion vient peut-être du fait que les technologies comme le bigdata ou la blockchain restent des domaines de compétences. Des domaines d'apprentissage pour ceux qui rejoignent l'industrie du numérique après l'école ou par reconversion. Ces domaines ont des experts, souvent reconnus, qui structurent les organisations des prestataires de services (conseil, ESN...).
Mais ces technologies et leur découpage sont-ils pertinents pour parler des projets et des trajectoires des entreprises ou de la société ?

À l'heure du lancement des nouveaux projets pour 2017, ne tombez pas dans le panneau de lancer un projet bigdata ou blockchain, vous serez forcément déçu si vous n'avez pas un objectif centré sur un usage attendu. Et l'usage dépend de vos utilisateurs, de votre business modèle ou du design initial.


C'est d'ailleurs une question qui se pose à toute l'industrie des prestataires informatiques, regroupés en Syntec Numérique, pour aborder leurs nouveaux clients. Une approche segmentée par technologies ne semble plus pertinente pour aborder les projets de demain.

Les nouveaux acteurs de l'innovation comme le NUMA, ou des sociétés qui ont remis à plat leur offre comme Weave, ne parlent plus de technologies mais d'étapes dans la construction agile d'un nouveau produit ou d'objectifs pour l'entreprise du futur : découverte, exploration, MVP - minimum viable product,...

À ces nouveaux acteurs de mobiliser l'équipe technologique pluridisciplinaire, interne ou externe, qui pourra faire progresser la réflexion, puis la construction des nouveaux services et surtout de l'organisation pour les opérer.

L'intelligence artificielle et les algorithmes avancés, qui d'ailleurs n'ont rien de nouveau et existent depuis les débuts de l'informatique, vont obliger à aller plus dans la fabrication collaborative des produits, tant le modèle mathématique, la modélisation numérique de l'objet (de la 3D aux 7 niveaux du BIM - Building Information Modeling) et les mesures temps réel de l'objet sont intimement liées.

Le marteau, les clous, les ciseaux et la tenaille, nous ont impressionnés quand ils ont été forgé la première fois, mais c'est bien notre capacité à créer l'atelier de menuisier capable de fabriquer tout ce qui est en bois qui fera la différence.
Pour GreenSI, l'avenir est sans aucun doute aux méthodes et aux organisations qui sauront outiller la fabrication collaborative de services autour de maquettes numériques (modèles, data, API). Par exemple, les "fablabs" pour les objets physiques, Autodesk pour les objets 3D, Github pour le logiciel, Trello pour la conception agile... Ces outils collaboratifs sont certainement là pour durer et nous aider à réinventer les ateliers à l'ère du numérique et de la collaboration généralisée.

Ce seront des ateliers capables de forger tous les matériaux dont l'entreprise du futur a besoin pour ses nouveaux usages.


mardi 10 janvier 2017

#CES2017 : le Cars Electronic Show à Las vegas

Non, il n'y a pas d'erreur dans le titre !

Cette année le CES à Las Vegas qui a fait l'objet du dernier billet (pourquoi tant de buzz?) est devenu, en l'espace de quelques keynotes, le salon mondial de l'automobile de demain. Alors de là à troquer le "C" de Consumers dans CES pour le "C" de Cars, il n'avait qu'un pas que GreenSI a franchi pour marquer les esprits.

Commençons par un retour en arrière. En octobre 2013, GreenSI publiait "Numérisez-vous vite, avant que les 'Tech Companies' ne prennent votre business". Ce billet analysait une étude qui mettait les GAFAs au même niveau que les constructeurs haut de gamme, en terme de notoriété, pour acheter une voiture. 




Au salon de l'automobile de la même année 2013, après un salon 2012 morose sur fond de crise et de plans de restructuration, les "Tech companies" ont bousculé l'agenda: on commençait à parler de voiture autonome et d'OS dans la voiture. Les géants de la technologie venaient de débarquer dans l'industrie automobile et dans ses salons !

Ensuite, Tesla a démontré sa force, développé ses ventes, ses usines et ses modèles avec un nouveau paradigme : puissance mais électrique, connecté et numérique à bord, mise à jour logiciel sans retour au garage, très grande réactivité pour corriger un problème...

Les constructeurs ont alors eu deux ans pour peaufiner leur stratégie numérique, et 2015 a été une année chargée en annonces. Pour n'en citer que quelques unes :
  • avril 2015 : partenariat technologique entre Peugeot et IBM, Ericsson et Orange
  • août 2015 : rachat de HERE (cartographie et services en ligne) à NOKIA par BMW, Audi et Mercedes
  • septembre 2016 : Renault-Nissan signe un partenariat avec Microsoft
  • novembre 2015 : partenariat entre Mercedes et Bosch dans la voiture autonome (qui assiste Tesla avec ses radars)
  • 2015 : rumeurs de premières discussions avancées entre Ford et Google,
  • été 2016 : partenariat Google avec Fiat-Chrysler sur Android dans les systèmes de divertissement embarqués
  • septembre 2016 : Peugeot-Citroën lance une marque, Free2Move
  • décembre 2016 : Apple officialise son intention de développer un véhicule autonome, mais certainement en partenariat avec les rumeurs d'abandon du projet prochainement
  • décembre 2016 : lancement de Waymo la marque de Google pour le logiciel des voitures autonomes.
Dans ce contexte, la déferlante de constructeurs au CES de Las Vegas est bien une riposte dans cette bataille pour la voiture à l'ère du numérique.


D'autres industries, comme celle de la musique, ont mis plus de temps pour réagir, pour comprendre que c'était une transformation qui s'appliquait aussi à eux et à leur business modèle et que cette transformation était pilotée par leurs clients et par le numérique. Il était facile de croire il y a 10 ans qu'ils avaient affaire à de simples "barbares" qu'ils pourraient maîtriser avec des barrières à l'entrée, comme la Hadopi, mais surtout sans se transformer. 

L'avenir aura montré l'inverse. Aux Etats-Unis l'an dernier, le chiffre d'affaires du streaming audio a dépassé celui des téléchargements, les ventes de vinyles explosent, et les CD sont morts... C'est donc bien une transformation complète du modèle par les plateformes qui est passée par là.
Ford, Toyota, Renault pour ne citer qu'eux, ont donc profité du CES à Las Vegas pour partager leur vision sur la voiture et les transports de demain.

Une vision qui met la relation entre les passagers et la voiture au premier plan, comme le symbolise Toyota à sa keynote sur cette photo. Le futur de l'automobile ne sera pas qu'une voiture autonome mais aussi une voiture connectée à ses passagers avec une intelligence artificielle pour les accompagner quand ils sont dedans.




Carlos Ghosn, PDG de Nissan et de Renault, s'est déplacé en personne pour la première fois au CES, pour y donner une keynote où il a annoncé les résultats du partenariat stratégique entre Microsoft et Nissan autour de Cortana, l'assistante virtuelle de Microsoft

Cet assistant connecté disponible sur votre ordinateur Windows10 sera également là pour vous accompagner vocalement dans votre Nissan et vous assister dans votre voyage. Relié à internet, aux données de bord et à des données externes, il est en bonne position pour vous conseiller et répondre à une question. En tout cas plus que vous car en attendant la voiture autonome, vous avez toujours vos deux mains sur le volant...

Ford s'est lui associé à Amazon et sa technologie Alexa, aussi retenue par les hotels Wynn de Las vegas. L'IA rentre d'un coup dans l'habitacle, là où les voitures les plus avancées avaient un simple bouton d'assistance relié à une plateforme teléphonique.

Pour les fans de Star Wars on pourrait résumer cette vision en disant que la voiture ne sera donc pas qu'un simple robot R2-D2 pour nous guider, mais aussi un robot protocolaire C3-PO qui saura animer nos voyages ;-)

BMW, qui était déjà présent au CES 2016, est revenu annoncer qu'il utilisera les services de Cortana dans ses prochaines voitures, laissant entrevoir que Microsoft se positionne en fournisseur de l'industrie automobile au même titre qu'un Valéo, un Faurecia, ou un Bosch.

BMW a aussi présenté son système tactile "HoloActive", une interface entre le conducteur et le véhicule qui agit comme un écran tactile virtuel qui flotte dans le véhicule. Un dispositif qui n'est pas sans rappeler les Hololens du même Microsoft avec des gestes de doigts, mais sans avoir besoin de porter de lunettes. L'interface entre la machine et l'Homme est bien en train d'être redéfinie par le véhicule.

Chez Toyota c'est Bob Carter, Senior VP, qui a présenté l'intelligence artificielle du dernier "concept car" de Toyota, comme si il était au Mondial de l'automobile à Paris et non dans un salon de Geeks.
Une intelligence artificielle qui connaît et comprends ses passagers, leur humeur, et surtout leurs habitudes de déplacement. Plus vous l'utilisez, plus elle peut vous aider et intervenir dans vos voyages. Toute ressemblance avec des services de G... est absolument fortuite ;-)

L'annonce du recrutement de 100 personnes par Toyota cette année pour doubler la taille du centre de recherche de Toyota qui rend possible cette vision, donne la mesure de la transformation qui attend les constructeurs. Et ce n'est que la R&D... En tout cas le choix de Toyota est visiblement de développer une grande partie de ces technologies en interne, contrairement à ceux qui ont choisi la voie du partenariat avec une "Tech Company".



Malgré l'annonce de profits cette année, l'industrie automobile est confrontée à une transformation majeure :
  • le déplacement des revenus dans la chaîne de valeur (services de mobilité),
  • l'adaptation à de nouvelles habitudes des consommateurs (covoiturage, modèles locatifs, écologie,...),
  • la perspectives de voitures autonomes généralisées en 2030,
  • et bien sûr cette nouvelle "coopétition" avec les "techs companies", parfois concurrentes, parfois partenaires.
Le double jeu des "Tech companies" est une autre contrainte à prendre en compte dans la stratégie des constructeurs. Microsoft par exemple a aussi annoncé au CES sa plateforme cloud "Microsoft Connected Vehicle" pour la conception des futurs services de la voiture connectée. La protection de la propriété intellectuelle ne sera pas simple dans cette industrie en reconfiguration.

En tout cas, cette déferlante d'annonces au CES 2017 est vue par GreenSI comme le signe d'une réponse pour aborder ces mutations. La voiture est un objet connecté de premier plan au niveau mondial qui pourra concurrencer le smartphone dans l'attachement que l'humain pourra avoir avec lui. Elle confirme l'hybridation en cours, entre des sociétés de technologie et des constructeurs, pour aborder la transformation numérique de cette industrie.

La simple interface entre l'Homme et la machine veut devenir une relation, et certainement un moyen de reprendre la main sur la relation avec l'utilisateur final. Une évolution qui n'est pas sans rappeler celle de l'informatique, de la première rupture dans l'IHM du mainframe avec "Windows" (tiens, déjà Microsoft), puis l'arrivée du smartphone et de la mobilité, et demain des assistants virtuels. Mais cette évolution montre aussi que l'industrie automobile ne veut pas rejouer le scénario des Telecoms, où les OTT ("over the top") - Skype, Google, Apple, Deezer, ... - se partagent la majorité des profits des services en utilisant le réseau mis en place par les opérateurs.
Finalement les constructeurs peuvent dire merci aux "Tech Companies" de les avoir réveillés et aider à innover en dehors des moteurs et des usines !
Et quand on parle de moteur on pense gaz d'échappement. On pense aussi à la pollution des villes qui a occupé la scène médiatique de l'hiver en France mais surtout au scandale des moteurs truqués chez Volkswagen et finalement chez beaucoup d'autres. La technologie a donc un second mérite dans cette diaspora de l'industrie automobile sur Las Vegas: faire oublier le moteur ! D'ailleurs Volvo, Ford, Mazda, Bentley et Lamborghini n'étaient pas au Mondial de Paris de 2016, le salon des moteurs et des belles carrosseries sur les stands ;-)

Le CES à Las Vegas va t-il devenir pour quelques années le salon mondial de l'automobile, de son éco-système innovant créé par le numérique et de son expérience utilisateur ? En tout cas GreenSI y croit. Alors on se retrouve l'an prochain pour faire le point.
***
Si vous avez le temps de regarder une keynote du CES, je conseille celle de Toyota qui enchaîne la présentation de Bob Carter avec celle du patron du centre de R&D qui nous fait réfléchir sur l'avenir de la voiture. Les morts actuels sur les routes sont-ils plus "acceptables" parce qu'il y avait des humains au volant que si c'était des machines qui conduisaient ?

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