Une démarche pleine de sens, tant la France a d'atouts sur ce sujet (mathématiques, ingénieurs, recherche...), mais une démarche tardive à moins de quatre mois d'un nouveau gouvernement...
Espérons que cette démarche réussira au moins à boucler sa première étape d'identification des acteurs et à faire parler de ces atouts, à défaut de pouvoir déjà fédérer ces acteurs façon "French Tech" avec par exemple un label "France IA" démontrant la qualité du savoir faire français.
Les domaines de l'IA sont très vastes, mais tous sont stratégiques pour l'évolution de l'Industrie et des services numériques. Il rassemblent principalement :
- l'apprentissage automatique (machine learning)
- la vision des ordinateurs en temps réel ou par analyse d'images/vidéos
- les robots intelligents (versus simplement programmés)
- les assistants virtuels
- la reconnaissance du langage (speech to speech)
- la reconnaissance des gestes
- Google a développé une stratégie d'enrichissement de ses services avec Google Now qui vise a être votre assistant personnel, mais aussi Google Maps et les débuts d'Allo qui amène son IA dans une messagerie instantanée pour devenir un assistant virtuel.
- Amazon a surpris toute l'industrie avec "Echo" - dont GreenSI a déjà parlé - un appareil dans la maison dopé à l'IA d'Alexa pour déplacer cette assistance virtuelle dans le quotidien et non en mobilité (où le smartphone reste le terminal n°1 en attendant la voiture)
Facebook- Apple, le pionnier avec Siri, l'assistant virtuel sur iPhone, mais qui dans ce domaine aussi peine a se renouveler et innover depuis quelques années.
- Microsoft, avec une stratégie résolument dans le Cloud depuis l'arrivée de Satya Nadella, où la Cortana Intelligence Suite et les "Azure Cognitive Services" sont mis à la disposition des entreprises qui développent des applications pour les enrichir avec de l'IA.
- IBM parti plus tôt avec Watson dès 2011, qui est devenu une division d'IBM en 2014, a une stratégie similaire mais totalement orientée vers les grandes entreprises, même si ses services sont disponibles en ligne sur BlueMix sa "plateform as a service" (PaaS).
Mais si on regarde quelques années en arrière, les jeux dans Facebook ont explosés avec des sociétés comme Zinga et non avec des développements propres. Rappelons-nous aussi que Facebook a failli rater le virage mobile en 2011. Leur application interne n'était pas au point. C'est le rachat d'Instagram (2012) puis de Whatsapp (2014) qui leur a donné la légitimité et qui a fait décoller leur cours de Bourse mi-2013, une fois les analystes rassurés sur le fait que Facebook pourrait capter la manne de la publicité mobile. La stratégie de Facebook semble donc pour l'instant beaucoup plus axée sur son écosystème et la co-innovation. Cela pourrait changer quand Facebook exploitera les conversations de ses 1,7 milliards de membres actifs mensuels (1 sur mobile) et mieux connaître le genre humain...
Dans les autres acteurs, on peut aussi citer ceux qui sont en embuscade et qui entrerons dans le peloton de tête de façon opportuniste avec un rachat ou de nouveaux services, mais qui pour l'instant agissent via leur fonds d'investissement qui prennent des positions : Salesforce (Digital Genius, MetaMind ), Samsung et pourquoi pas le français AXA qui avec AXA Ventures s'interesse de très près au sujet dans ce qui pourrait outiller la santé (Neura, BI Beats, Medlanes) ou la location immobilière (price methods devenu Wheelhouse)
Au niveau des applications, les assistants virtuels et les objets intelligents (et connectés) en B2C et B2B,vont certainement tirer les usages à court terme. Dans les assistants virtuels, attendons-nous a voir les sites fleurir des "chatbots" pour améliorer la qualité de service en ligne dont une partie sous Facebook.
En terme d'industries, la santé est celle qui oriente 15% des investissements des startups (selon CB Insights) suivi de près par l'expérience client et l'analyse de données. Le marché B2C sera donc tiré par la santé et le B2B pour les deux derniers.
L'IA n'est pas non plus une nouveauté puisque l'origine est souvent donnée à "Computing Machinery and Intelligence" d'Alan Turing en 1950 et les premiers algorithmes de diagnostic médical datent des années 1970 (Mycin). Notre ex-pépite nationale Ilog créée en 1987 s'est faite avaler par IBM en 2009. On constate donc une effervescence mondiale, et des investissements en hausse depuis 2010. Les voyants de la stratégie française devaient donc clignoter depuis longtemps quand Axelle Lemaire est passée devant, et finalement malgré un contexte peu favorable a décidé de relever le défi avec Thierry Mandon (Recherche).
Oui, la "France des ingénieurs" a une certaine avance sur le sujet. Car même si elle fleurte avec le dernier rang du classement PISA en mathématiques au collège, sa recherche et son enseignement supérieur sont au plus haut niveau mondial. L'ambassade de cette excellence comptant dans ses rangs Cédric Villani, médaille Fields en 2010, qui par sa photo officielle qui a fait le tour du monde, incarne à merveille la modernisme et la tradition pour les sciences.
L'intelligence artificielle est aussi un vrai sujet de société qui dépasse largement le champ du numérique, puisqu'elle vise à développer des dispositifs imitant ou remplaçant l'humain.
Son rôle dans la société sera donc certainement débattu, domaine par domaine, industrie par industrie dans les années qui arrivent. L'algorithme est déjà sous les feux du débat, avec la question très naïve de sa neutralité, mais l'IA va plus loin puisqu'elle donne la main à un machine.
L'IA sera acceptée quand elle permettra par exemple de sauver des vies en accélérant les décisions et en réduisant les risques d'erreurs de diagnostic, mais certainement très challengé quand les usines Michelin de Clermont-Ferrand auront plus de robots que d'humains syndiqués...
Ce débat a été lancé cette semaine au Forum Economique Mondial de Davos où Satya Nadella participait à un débat sur l'intelligence artificielle : "Quels profits la société toute entière peut attendre de l’IA".
Le PDG de Microsoft a défendu l'idée que ceux qui disposent des platerformes d'IA devraient l'orienter vers des tâches aidant les humains plutôt que supprimant des emplois.
Au delà de l'intention très louable de Microsoft, et de l'humanisme avéré de son leader, ne soyons quand même pas dupes, car cette question est celle qui différencie un Microsoft d'un Google pour rejoindre le cercle très fermé des GAFAs...
Microsoft ou IBM en B2B vendent leur technologie à des entreprises qui décideront des usages. On a encore du mal a croire qu'ils refuseront une vente quand un patron d'usine viendra les voir pour outiller ses usines avec leur technologie. Il est aussi probable que les investisseurs qui depuis 2011 mettent des centaines de millions dans le développement de startups visent en priorité les usages qui valoriseront le mieux leur participation sans nécessairement prendre en compte l'avenir de l'humanité.
Google, Facebook, IBM, Microsoft et
Amazon ont aussi créé un alliance pour instaurer de « bonnes pratiques » dans ce domaine, et
mieux informer le grand public. Et puis à la conférence Frontiers en octobre dernier (billet GreenSI), la Maison Blanche avait organisé un débat et pris des engagements sur l'IA et les robots.
Une réflexion qui se traduira demain en usages standards qui pourraient s'imposer à tous, et surtout ne pas limiter les usages qu'on ne voudrait pas voir se développer. Car dans ce jeu, les plateformes mondiales seront certainement les plus influentes, et il sera ensuite trop tard de vouloir interdire telle ou telle plateforme depuis le sol français, ou européen.
L'IA n'est bien sûr pas un ennemi mais un redoutable allié au service de la stratégie d'entreprise, et certainement du développement de nouveaux services intelligents pour l'industrie et la ville numérique. C'est surtout une compétence qui se marie très bien avec les capteurs et l'augmentation du nombre de données capturées par les systèmes d'information.
Dans l'entreprise en 2017, GreenSI conseille donc que ce soit l'année de la réflexion pour anticiper cette technologie qui au-delà de transformer les usages va modifier les relations entre l'Homme et la machine. Une autre façon de se repenser son avantage concurrentiel.