Sans surprise, l'étude du cabinet Russels Renoylds Associates d'avril 2016 avait montré que les leaders numériques étaient plus des "disrupteurs" et innovateurs que les autres cadres dirigeants de l'entreprise.
Parmi ces managers, le "Chief Digital Officer" - CDO - est apparu il a quelques années pour mener la transformation numérique de l'entreprise depuis la Direction Générale. Mais avec le temps la fonction semblait se compliquer, que ce soit pour obtenir des budgets propres ou dans sa relation avec les Directions métiers déjà engagées dans leur transformation.
La parution fin octobre du second baromètre des CDO est l'occasion de faire le point sur l'évolution de la gouvernance digitale des entreprises et sur ce nouveau poste au board des entreprises.
En 2015, pour le premier baromètre la fonction, le poste de CDO tendait à se généraliser avec le digital devenu une priorité stratégique à court terme pour 87% des entreprises dont 22% déclaraient avoir nommé un CDO (37% si le CA>1 milliard).
La prévision était qu'en 2016, 37% des entreprises auraient un CDO (41% pour les entreprises hors secteur financier).
Le second baromètre en 2016 montre que ce chiffre était trop optimiste de 11 points et seulement 26% des entreprises ont actuellement un CDO, et dans seulement 48% de ces entreprises il est rattaché à la Direction Générale comme normalement il devrait l'être pour piloter la transformation. Donc seules 12,5% des entreprises ont un CDO nommé et rapportant directement à la DG, ce qui n'est finalement pas beaucoup après 3 ans.
Ce baromètre s'est d'ailleurs bien gardé cette année de publier une estimation pour 2017 ;-)
Le baromètre prend aussi note que si les premiers CDO ont été des évangélisateurs qui ont amené plus de transversalité et de nouvelles approches (digital factory, fablab, labs,...), le rôle du CDO est maintenant devenu plus compliqué quand il s'agit de digitaliser les métiers.
À leur palmarès, les CDO peuvent afficher ces dernières années avoir été de bons catalyseurs pour changer les organisations et les modes de gouvernance, et accélérer la préparation de l'entreprise à l'ère du digital.
Ils ont aussi eu un impact sur l'évolution des modes collaboratifs et le recrutement de nouveaux talents, mais le baromètre montre que l'écart sur ces deux sujets, entre les entreprises qui ont un CDO et celles qui n'en ont pas, est moins tranché. L'entreprise n'a visiblement pas besoin de CDO pour préparer ses salariés au digital.
Les CDO sont aussi les révélateurs d'une gouvernance de l'entreprise peu adaptée au digital et qui demande beaucoup plus de transversalité, d'agilité, d'ouverture et d'animation d'écosystèmes externes ou de communautés.
Mais c'est une chose de préparer les moyens pour se transformer et une autre de le vouloir. Si l'équipe de direction n'a pas la nécessité ou l'envie de changer, le CDO ne pourra que révéler ces dysfonctionnements sans pouvoir y remédier.
La fonction de Chief Digital Officer a donc certainement atteint un cap, à la fois dans son périmètre dans l'entreprise, dans le nombre d'entreprises concernées et certainement dans le temps. Ce rôle, qui peut être déterminant pour certaines entreprises et leur a permis de prendre de l'avance dans l'agenda digital, n'est pas adapté à toutes les organisations et est un révélateur de freins devant le digital.
La véritable révélation de ce baromètre c'est la progression du Chief DATA Officer dans les organisations, puisque 18% des entreprises déclarent en avoir nommé un et une prévision pour 2017 serait de 23%. Mais méfions-nous des prévisions de ce type de baromètre purement déclaratif ;-)
Quand le Chief Digital Officer cherche à fédérer, transformer et parfois piloter les initiatives digitales, souvent axées sur les clients et moins sur les processus, le Chief Data Officer est responsable d'aligner les données et leur circulation sur la stratégie de l'entreprise. Il définit de facto un cadre de gouvernance des données plus cohérent avec la stratégie et accélère l'évolution des plateformes pour les collecter, les manipuler et les exposer.
Le Chief Data Officer facilite donc la digitalisation des processus et la circulation des données, déjà en interne, versus un Chief Digital Officer plus tourné vers la culture digitale et les relations externes de l'entreprise.
GreenSI n'est donc pas surpris par cette évolution car quand on s'attaque à la transformation digitale et que l'on rentre dans le concret des projets, on tombe vite sur le noyau fondamental qu'il faut maîtriser : la donnée.
Une donnée devenue marchandise qui doit circuler, y compris en externe de l'entreprise. D'ailleurs une simple comparaison de termes de recherche sur Google montre que le sujet Chief Data Officer est fortement correllé au sujet Chief Digital Officer. Alors de là à dire que l'on parle de la même chose (un catalyseur de la transformation) mais avec des attributions différentes, il n'y a qu'un pas...
Ce n'est donc pas le nom de CDO qui est important mais bien sa fonction, et la Data est certainement une priorité. La capacité à avoir des data "activables" de façon opérationnelle est clairement un facteur de différentiation dans la transformation interne et la création d'écosystèmes digitaux.
Ce sujet est abordé depuis longtemps par GreenSI, par exemple pour les stratégies omnicanales (le tête à queue du CRM) ou pour les nouvelles architectures (le changement de direction du SI vers les données). Ce sont deux domaines qui sont dans les objectifs de la transformation digitale des entreprises, mais aussi des collectivités locales comme l'a montré le récent billet sur l'open data (opendata: transformation numérique des collectivités locales en vue).
Le premier mérite du Chief Data Officer, c'est peut être de signaler à toute l'entreprise que la data ce n'est ni le territoire ni le patrimoine de la DSI !
Une croyance qui, certainement par facilité pour les métiers, non seulement limite d'exploitation d'un actif clef de l'entreprise, mais surtout qui le verrouille par application d'une gouvernance qui n'intègre pas la vision stratégique du digital. C'est par exemple le cas quand la DSI veut stocker l'ensemble des données au sein de son SI, sans recours à un Cloud, qui seul permettra l'agilité et la circulation des données avec un écosystème externe et de bénéficier des données non produites dans l'entreprise.
Alors quand 87% des entreprises considèrent que la fonction de "Chief Data Officer" est amenée à se généraliser, c'est certainement une bonne nouvelle pour toute l'économie numérique. Le projecteur est de nouveau sur ce qui est essentiel, la data avec un grand D !