lundi 24 octobre 2016

Opendata: transformation numérique des collectivités territoriales en vue

Cette semaine l'association Opendata France, qui réunit des collectivités territoriales engagées dans l'ouverture des données, a remis à Axelle Lemaire son rapport d'analyse pour accompagner la démarche opendata - rendue obligatoire par la Loi pour une République numérique promulguée début octobre 2016.
Pour GreenSI, c'est un signe supplémentaire de transformation des systèmes d'information des collectivités territoriales et de leur architecture.

Des SI en retrait sur l'usage du Cloud

Le modèle du Cloud a pris du retard en terme d’appropriation par les DSI de la sphère publique par rapport à ceux des entreprises privées.
Au delà de sa méthode qui a été très critiquée, l'échec du programme Andromède de "Cloud souverain" lancé en 2012, était déjà le signe d'une faible volonté de transformation des infrastructures des collectivités territoriales vers le cloud. C'était donc une absence de demande pour les nouveaux opérateurs sur ce créneau, qui ont tous dû jeter l'éponge.

Or, la tendance mondiale est la migration dans des clouds publics, privés, mais surtout de plus en plus hybrides.
Certes la sphère publique a ses spécificités en France, mais d'autres pays ont montré leur usage du Cloud pour le public, quitte comme au Etats-Unis à demander aux fournisseurs d'avoir une offre dédiée au gouvernement.

La récente circulaire d'avril 2017 du ministère de l'intérieur et de la culture, qui rappelle l'interdiction d'archiver dans un cloud, ne concerne que les clouds non souverains - dont le contrôle (et surtout l'hébergement) est hors de nos frontières - et pas le cloud en général.

D'ailleurs cette méfiance sur le modèle Cloud est en train de changer. Le 12 octobre dernier, à la conférence Ecoter, réunissant les collectivités et dont le thème était "du cloud à la gouvernance des données”, les résultats d'une étude réalisée par Markess ont été présentés. Ils montrent que 72% des décideurs du secteur public ont déjà recours ou prévoient de recourir au SaaS, PaaS ou IaaS d’ici 2018
Or, dans une période de bras de fer budgétaire sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales, la contrainte financière devient plus forte à un moment où il faut justement financer cette transition numérique. L'opendata n'est qu'une nouvelle étape à franchir qui va demander ouverture, API et maîtrise des données. 

 

Dans ce contexte, le passage d'investissements (infrastructures) en coûts variables, est certainement une carte à jouer pour les collectivités qui sauront densifier leur présence dans le cloud, quitte a mutualiser ces services numériques entre plusieurs collectivités. Un cloud qui amène aussi l'agilité nécessaire pour les chantiers numériques innovants et simplifie les déploiement sur mobile.

Comme dans le privé où les entreprises ont du trouver la bonne échelle de pilotage d'une informatique devenue stratégique, les collectivités territioriales vont aussi consolider leur informatique (pour les économies d'échelle) et l'ouvrir (car elle devient plateforme d'échange et de données pour le territoire). 

Les exemples existent, comme la création il y a déjà plus de 10 ans de Manche Numérique qui gère l'informatique de 100% des EPCI de la région de la Manche, et a créé une organisation informatique dédiée, la DUSI Direction Unifiée des Systèmes d'Information.
L'adaptation des SI du secteur public à un modèle Mobile, Cloud, Social, et demain Smart (data), tel que GreenSI l'observe depuis plus de 5 ans, est donc une question qui se pose de plus en plus aux DSI de la fonction territoriale.

Opendata: derrière la Loi, l'Architecture du SI

Une nouvelle phase de l'opendata démarre pour les collectivités locales. Les collectivités territoriales doivent s’organiser pour publier les données de leur territoire, que ce soit sur leur site web ou sur un site dédié de publication en propre ou mutualisé au niveau régional par exemple.
Une phase qu'il faut voir dans un contexte de transformation du système d'information dans un monde ouvert et interopérable pour capturer à long terme les bénéfices de la libre circulation des données sur le territoire.

Ce que nous apprend ce rapport sur l'opendata qui établit un état des lieux, c'est que sans surprise, les collectivités les plus importantes par leur nombre d’habitants sont les plus avancées dans l’opendata. Certaines, comme Rennes, ont depuis 2010 expérimenté, défini, et mis en place une politique numérique incluant l'accompagnement des acteurs. Cinq ans plus tard, le résultat c'est une cinquantaine de portails opendata qui sont ouverts aux réutilisateurs avec plus de 10.000 jeux de données exposés.

Mais cette première période ne permettra pas d'aller beaucoup plus loin à long terme et surtout de passer à l'échelle de toutes les collectivités de plus de 3500 habitants comme le fixe la Loi.

Ce fut donc une excellente période de "test & learn" et d'agilité de la sphère publique, pour prendre conscience de la valeur d'une telle démarche, qui a d'ailleurs propulsé la France sur le devant de la scène par rapport aux pays anglophones partis en premier.
Mais elle a surtout fait apparaître un certain nombre de difficultés réelles pour aller plus loin:
  • Peu de réutilisation de données ont produit de nouveaux services.
  • Pour les entrepreneurs qui ont lancé un nouveau service sur un territoire, il est quasi impossible de viser un échelon national, voir européen, qui seuls lui assureront un modèle économique viable.
  • Aussi paradoxal que cela puisse être dans une sphère publique très normée et réglementée, les données ouvertes ne sont pas normalisées et surtout sont dans des formats et des sémantiques très hétérogènes, même au sein d'un portail unique.
  • L’ouverture des données publiques n’est actuellement pas la priorité des collectivités de taille réduite.
  • Cette ouverture demande des moyens financiers et un accompagnement des changements en interne des collectivités puisque l'impact de la qualité des données rejaillit aussi à l'extérieur quand elles sont réutilisées.
Cette prise de conscience sur la valeur de la donnée est partagée par des collectivités qui commencent à se doter de la fonction d’administrateur général des données comme Paris ou Lyon Métropole. Et d'autres, comme Mulhouse, ont même nommé un Chief Digital Officer pour stimuler et coordonner toutes ces initiatives numériques, puisque l'opendata s'inscrit sur la trajectoire plus large de la "smart city". Une ville devenue intelligente par la libre circulation des données.

Alors pourquoi ces difficultés dans cette première période ? Car les SI des collectivités territoriales n'étaient tout simplement pas prêts pour l'opendata.

Tout simplement, parce qu'à de rares exceptions, ils n'ont pas été conçus pour l'interopérabilité au niveau des données, avec ce que cela implique au niveau ouverture, disponibilité, ou sémantique. Certes, il existe bien un Référentiel Général d'Interopérabilité(RGI) qui s'applique aux SI des collectivités, mais il concerne le niveau technique et non pas le niveau fonctionnel. 

C'est pourquoi la Loi pour une République numérique, qui installe l'opendata par défaut pour les 3800 collectivités de plus de 3500 habitants, sera plus facile à mettre en oeuvre avec l'introduction d'un socle commun de données locales qui pourra servir de référentiel partagé. Un socle mutualisé le plus largement possible pour réussir à passer de 50 à 3800 (x76) initiatives opérationnelles !

En plus des référentiels nationaux (Insee, ...), on y trouvera par exemple les données des services urbains (transport, déchets, eau), les équipements municipaux (bâtiments, espaces publics) ou encore les événements locaux (culturel, manifestations, marché..). Il permettra aussi de poser une fois pour toute la question de la conformité vis-à-vis de la protection des données personnelles, commerciales et de la sécurité du territoire.

Et puis l'interopérabilité sur le plan opérationnel c'est l'ouverture d'API avec des données dont la fraîcheur permet un usage et une réutilisation. Finis les portails qui listent des fichier CSV quand ce n'est pas du PDF, avec des données vieilles de plusieurs années.

Cette couche de publication s'appuiera sur ce socle commun comme un entrepôt de données ouvertes exposées en API et nécessairement dans le Cloud pour être partagées largement, avec le public, mais aussi avec le privé pour ancrer l'opendata dans l'économie réelle. En tant que référentiel il sera nécessairement alimenté par les applications sources de référence.

On mesure l'ampleur de la tâche qui va être portée par les DSI, en fonction de l'état et de l'âge des applications qui sont au coeur de la production de ces données. Le déploiement de ces mesures passerait donc par des pilotes à différents échelons du "mille-feuilles administratif" (régions, préfectures, départements, EPCI, grande métropole et agglomération de taille moyenne).
Un chantier qui va donc progressivement s'amplifier pour devenir national et que GreenSI ne perdra pas des yeux.

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