Les promesses attendues ont-elles été délivrées?
A quels acteurs peut-on faire confiance?
Que peut-on deviner derrière la prochaine dune de cette longue marche du CRM?
NB: Petit retour aux sources pour ce visuel que les lecteurs des débuts de GreenSI reconnaitront ;-)
Sur la longue et sinueuse route du CRM
En 1982 dans le célèbre ouvrage "In search of Excellence", Peters et Waterman, écrivent un chapitre complet sur la proximité avec le client, et ils le commencent en disant que c'est une évidence, mais qui est loin d'être une réalité.Et de conclure leur livre sur les entreprises les mieux gérées des Etats-Unis en affirmant que leur extrême proximité avec leurs clients est un des facteurs d'excellence ("The excellent companies really are close to their customers. That's it.")
Dans les années 1990, l'informatique s'en mêle avec les premiers systèmes de "customer care" et le début de l'attention de l'entreprise sur ses clients, accompagnée par des développements d'applications sur mesure pour les pionniers.
Les progiciels standards CRM (pour Customer Relationship Management et Gestion de la Relation Clients en français) se sont développés ensuite dans les années 2000, puisqu’à priori ce besoin commun a toutes les entreprises est relativement générique (soyons quand même prudents avec cette hypothèse). Puis rapidement commença une phase de consolidation entre éditeurs, qui a laissé de nos jours peu d'acteurs historiques, rappelant aux DSI si c’était encore nécessaire, la rapidité d'évolution et la fragilité de leurs fournisseurs. Avec le développement du Cloud, de nouveaux acteurs ont émergé, avec une domination de Salesforce le premier entrant.
La photo des ventes a fin 2012 (pas de la base installée) est à peu près la suivante sur un marché qui évolue finalement lentement:
Le Cloud avec le SaaS nous démontre qu'il a su redistribuer les cartes par rapport aux acteurs historiques et prendre la première place. D'ailleurs certains acteurs SaaS se sont fait absorber dès 2011 par les acteurs historiques. Oracle a acheté RightNow en Octobre 2011 et SAP a acheté SuccessFactors en Decembre 2011. Salesforce, toujours indépendant a depuis signé un accord de partenariat avec Oracle d'un côté et Workday de l'autre, analysé récemment par GreenSI.
La très grande majorité de ces investissements sont faits par des entreprises américaines ou européennes (plus sensibles aux publications de management?) alors que le besoin est très peu développé dans le reste du monde. Ce qui est à la fois une cible prioritaire pour les éditeurs (Chine, Amérique du Sud) mais aussi un questionnement sur la réelle universalité de la démarche CRM à l'échelle de la planète. Facebook arrive pourtant a déployer une solution mondiale de relations entre individus, en partie transculturelle.
Ce rappel des grandes périodes du CRM illustre bien le cycle auxquelles les DSI sont confrontés pour gérer les applications. Tous les 7-10 les besoins de l'entreprise et/ou la technologie ont fortement évolué, remettant en cause les investissements passés. Et si l'entreprise n'a pas anticipé ces changements et fait les bons choix au bon moment, la mise peut être perdue.
Promesse tenue au bout de la route?
Eh bien non, pas toujours!En fait, c'est même pire que cela, car l'entreprise ne sait pas toujours ce qu'elle veut. Il y a 10 ans, le très sérieux cabinet d'analyse Gartner publiait une étude montrant que plus de $2 milliards avaient été dépensés en logiciels CRM et n'êtaient pas utilisés dans l'entreprise (de mémoire de l'ordre de 10-15% des ventes mondiales). En 2007, une autre étude interrogeant des managers, mais au Royaume Unis, et relevait que le challenge des directions était de faire que les employés utilisent réellement ces systèmes. Et ne fassent pas semblant.
On a tous en tête des exemples de systèmes de ventes qui ne servent que de reporting commercial alors qu'ils ont été vendus pour mieux connaitre les clients. Mais les informations sont rarement mises à jour, quand elles ne sont pas obligatoires, ou quand elles n'impactent pas les primes de fin d'année. C'est tout le problème de la conduite des changements pour la mise en place de nouvelles solutions.
On peut ainsi trouver de nombreuses références de travaux datés de 2005 à 2010 (McKinsey, Forrester. une de 2006 assez complète,..), qui démontrent que les résultats du CRM sont décevants malgré des invesstissements importants. D'où la première partie du titre de ce billet, le CRM est une petite déception sans être un cruel échec.
Dans ce contexte, GreenSI conseille toujours beaucoup de prudence avant d'aborder la dernière fonctionnalité à la mode qui permettra bien sûr de faire exploser les ventes... avant d'être vite oubliée, surtout par ceux qui l'ont demandée et qui ne voudront pas en supporter le ROI.
Que nous promet Dynamics CRM 2013?
Alors quand Bob Stutz, vice-président de Microsoft Dynamics CRM, nous annonce que « Le CRM devrait être un catalyseur qui détecte les tendances, facilite les décisions et suggère des actions qui mènent à des résultats et des relations fructueuses », GreenSI ne peut que redoubler de prudence. Après tout c'est la raison d'être de ce blog que d'écarter les paillettes pour se poser les bonnes questions.
Des quelques informations lâchées, GreenSI retient surtout une meilleure intégration avec les outils de... Microsoft. Et oui, après avoir acheté Skype (communications) et Yammer (réseau social), et lançé une stratégie "One Microsoft" (article GreenSI), ce n'est pas une mauvaise idée que de commencer à amener ces fonctionnalités dans le CRM. La communication a toujours été un enjeu avec le développement des centres d'appels et les réseaux sociaux un nouvel enjeux.
Donc ça va dans le bon sens, même si vu de la DSI de l'entreprise on aimerait bien une ouverture vers tous les réseaux sociaux et toutes les plateformes de communication et pas que Microsoft. C'est déjà le problème de Chatter totalement intégré à Salesforce, alors que l'entreprise aimerait qu'il parle aussi au reste du monde (majoritaire). Microsoft a visiblement en ligne mire Salesforce, avec un avantage sur la partie sociale car Yammer est plus ouvert et utilisé que Chatter.
D'autres fonctionnalités sont annoncées pour tenter de remettre Microsoft (N°4) en selle devant Salesforce et ceux qui ont déjà des infrastructures dans le Cloud. L'atoût de Office 365 est réel pour Microsoft, mais rien de bien révolutionnaire. On en saura plus en novembre pour l'Europe (conférences prévues) et dés le 30 octobre aux États-Unis avec la disponibilité de cette version. A suivre...
Quelle est la prochaine étape pour le CRM?
Regardons un peu au delà de ces annonces. Car il n'y a pas de raison que ce "customer care" devenu CRM, stoppe sa course en 2013 rien que pour nous laisser le temps de souffler.
Après tout, nous sommes dans une transition numérique globale, dans tous les domaines et toutes les industries, et les stratégies d'entreprises sont modifiées pour y répondre ou en tirer parti.
La stratégie client ne sera pas une exception et on attend les prochains Peters & Waterman pour écrire "In search of excellence in a digital world". Car le CRM, est une "porte" de l'entreprise pour gérer ses relations numériques vers ses clients, c'est donc peut être la clef de cette transformation. Surtout si les produits seuls sont moins différenciant et que la relation client numérique permet de les enrichir voire de les transformer.
Sauf que certains des fondamentaux du CRM sont devenus obsolètes. Par exemple de vouloir identifier les clients de façon unique et de vouloir stocker toute l'information sur eux, de leur imposer les canaux de l'entreprise ou encore de privilégier l'automatisation et l'industrialisation à la richesse des échanges.
Avec l'explosion du digital (internet, réseaux sociaux, mobiles), ces hypothèses sont remises en cause:
- Les données risquent de ne plus être toujours stockées, mais recherchées au moment où on en a besoin, car elles sont plus riches à l'extérieur de l'entreprise que dans les bases CRM.
- Les clients appellent les centres d'appels quand ils en ont vraiment besoin; mais se plaignent et discutent sur les réseaux sociaux où les numéros ne sont pas surtaxés. C'est là que l'entreprise devra être présente pour engager la relation en cas de problème.
Pour la petite histoire je me souviens d'un de mes premiers projet CRM + centre d'appel où la raison évoquée à l'époque pour mettre un numéro surtaxé était pour empêcher Mme Michu d'appeler quand elle veut juste raconter sa vie (et faire augmenter le cout de traitement de l'appel). Il parait qu'il y a des retraités qui adorent ça, si si. Et bien Mme Michu aujourd'hui elle raconte sa vie sur les réseaux sociaux et c'est là qu'il faudra aller la chercher si on veut améliorer son expérience client, voire la surprendre. Petite ironie de l'histoire. -
La collecte de données, internes centrées sur le client et
hyperformatées, va certainement se transformer en une collecte tout
azimuts pour réussir cette automatisation en détectant les comportements, les insatisfactions,...
et en facilitant la personnalisation et la détection du "bon moment"
sur le "bon canal" pour engager la relation. Vous avez reconnu l'une des
promesses du "Big data".
La posture de l'entreprise va donc devoir s'ouvrir, passer la porte du CRM, et créer sur Internet un espace de partage et de co-création avec ses clients. Le billet récent de GreenSI sur le VRM, explore cette même problématique de l'échange, mais vue du client qui lui aussi commence a construire son système d'information et veut un meilleur contrôle sur ses données.
C'est dans ces espaces de partage qu'il va falloir gérer la communication, de façon industrielle peut-être, mais surtout de façon dynamique et interactive. Et là où avant on était en "one to one" on se retrouve vite en "one to many" avec les différentes communautés influentes.
Quand on a levé le voile sur ces évolutions demandées par le Digital et que l'on se penche sur l'évolution de son CRM, de sa téléphonie et des quelques initiatives de sites web, on frémit devant l'écart qu'il y a entre les actifs dont on dispose et ceux dont on va avoir besoin.
Qui plus est, ils sont souvent internes au réseau de l'entreprise alors que vous l'avez compris, tout ce qui sera construit demain le sera pour être partagé avec les clients. C'est peut être aussi pour cela que les solutions CRM en SaaS arrivent a s'imposer si vite.
Surtout que dans le même temps, les agences digitales (qui viennent de découvir le CRM ces dernières années, si, si) sont en train d'essayer de vendre ce qu'elles appellent le "Customer Oriented Marketing" aux directions métiers, sans passer par la case DSI.
En gros, là où avant ces agences "arrosaient large" pour toucher quelques clients (ce qui augmentait les honoraires de leurs "filiales d'arrosage" - mailing, PLV, display...) elles proposent maintenant de "l'arrosage raisoné dopé à la data et au mobile", qui permet un meilleur ciblage et une plus grande personnalisation. Donc elles montent (enfin) les bases de données pour optimiser la performance des investissements médias des entreprises et passent d'un modèle au volume, à un modèle à l'efficacité. Des bases qu'il va falloir alimenter avec le futur du dispositif CRM, sous peine d'investir en double.
Et quand en interne on sait que ces opérations sont pilotées parfois par les services marketing opérationnel et parfois par les services clients (CMR) quand ce n'est pas par la communication ou par le commercial, on sent venir le rapprochement de ces équipes pour éviter la cacophonie vue du client. L'organisation métier qui va donc piloter le CRM digital de demain ne semble pas encore totalement stabilisée, voire définie.
En conclusion, il est peut-être urgent d'attendre
Dans ce contexte (organisation instable, besoins en rupture, actifs dépassés,...) avant de proposer la montée de version de votre application MonCRM 4.3 en MonCRM 5.0, et de vous appuyer sur l'argumentaire de votre éditeur pour affronter la DG, il semble urgent que le métier ait avant une idée de sa stratégie de relations numériques.
Sinon, vous risquez dans quelques années de donner encore raison à Gartner avec des investissements CRM sous-utilisés par les métiers et GreenSI sera là (enfin j'espère) pour publier un article sur la témérité de certains investissements passés qui seront riches d'enseignements pour ses lecteurs ;-)