Le 17 et 8 juin c'était à Lough Erne, en Irlande du Nord, que ce sont réuni les chefs d’États du G8 pour signer (entre autres) une charte sur... l'Open Data.
Si la donnée est le pétrole du 21eme siècle, le G8 (et surtout les États-Unis) est en train de fabriquer les plus grandes réserves mondiales de ce pétrole dans ses datacenters. Le G8 est clairement le club des pays riches en données numériques. Et une partie de ces données est propriété des gouvernements ou d'agences gouvernementales. Et pour celles qui ne le sont pas, l'actualité de ces dernières semaines avec PRISM a montré que les services secrets entendaient bien y avoir accès aussi.
Donc l'open data intéresse visiblement les dirigeants des pays les plus puissants de la planète.
Les faits ont déjà montré cet intérêt pour l'ouverture des données, à des fins de transparence mais aussi d'innovation. Avec par exemple la mise en ligne organisée des données gouvernementales des États-Unis dès l'arrivée au pouvoir de Barack Obama et en 2010 pour le Royaume Unis. Ce G8 confirme cette volonté et l'affirme de manière collective.
La France a aussi un portail de données gouvernementales ouvertes (data.gouv.fr). Mais quand on voit le débat pour (ne pas) publier le patrimoine ou les notes de frais des députés, ou même les déclarations d'intérêts, on comprend que l'esprit de l'ouverture des données n'est pas encore largement partagé parmi les représentants des citoyens. Même si de multiples initiatives locales sont a saluer, principalement dans les villes, les agglomérations de communes, les Conseils Généraux ou les Départements (voir carte de France de l'Open Data).
Pourtant la France, via sa Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, se targue d'y avoir inscrit le droit d'accès aux informations publiques puisque "la société" a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration. Mais la loi de 1978 sur le droit d'accès à l'information en France n'impose en rien de publier ces données au format numérique et encore moins de façon proactive. Et le recours auprès de la CADA - la Commission d'accès aux documents administratifs - est une démarche administrative qui prend du temps et de l'argent.
Actuellement, tout repose donc sur le bon vouloir des services, sur le choix de quelques données et sur des formats pdf ou xls. Ce qui produit au final un univers de données ouvertes très hétérogènes et pas facilement exploitables. Et ne nous laissons pas impressionner par les 353.226 jeux de données annoncés sur la page d'accueil du portail data.gouv.fr, car quand on sait qu'il a 36.700 communes dans le pays, cela ne fait que 10 données par communes. Sans compter que les formats de ces données ne permettent pas toujours la réutilisation, et ne sont pas encore les web services ou API que les DSI attendraient.
Etalab, en charge de cette ouverture pour l’État, en est bien conscient. Et a d'ailleurs conduit une large consultation cette année, pour améliorer ce portail national et faire qu'il soit mieux rempli et plus utilisé. Etalab a aussi mis en place un comité d'experts, publics ou privés, pour l'accompagner dans la mise en œuvre de la feuille de route fixée par le gouvernement en début d'année.
Cette charte du G8 des sur l'ouverture des données, va donc renforcer ces initiatives et on l'espère leur donner un caractère plus obligatoire. Ses principes sont au nombre de cinq, nous allons aborder les deux premiers:
"We agree to orient our governments towards open data by default"
Avec la charte du G8, cette politique pour l'instant volontariste pourrait devenir un droit si toute donnée éligible (non nominative, confidentielle,...) est donc ouverte par défaut a moins de démontrer le contraire. Alors qu'aujourd'hui c'est plutôt les "traqueurs de données", porteurs engagés d'initiatives open data, qui doivent faire le tour des services, trouver des données intéressantes et démontrer qu'ils peuvent bien les libérer.
L'inversion de la logique est porteuse d'une rupture de pensée dans la construction même des SI de l’État et des collectivités locales. Ce qui était une exception gérée à la marge, donc parfois "à la main", deviens le cas général. La réflexion sur les API et l'interopérabilité au niveau des données (sémantique) va pouvoir commencer.
"The term government data... apply to data owned by national, federal, local, or international government bodies, or by the wider public sector"
L'ensemble du secteur public est concerné, national ou territorial, y compris la Commission Européenne et a priori les délégataires de services publics si on interprète "wider public secteur". Car actuellement ces délégataires rendent des comptes a des entités de régulation ou de contrôle, aux délégants des contrats de délégation (généralement la commune ou l'agglomération), qui se chargeront (ou pas) de publier ces données vers les citoyens. Mais ceci est en train de changer pour des questions de simplification des circuits dans un monde qui accélère et où les citoyens sont de plus en plus connectés.
Lyonnaise des eaux, délégataire de service public pour une partie de ses contrats, a par exemple décidé de publier directement ses données de qualité d'eau vers ses consommateurs, en plus de ses obligations réglementaires. Ainsi pour toutes les communes dans lesquelles elle opère ses services en délégation, elle indique les contrôles de qualité d'eau sur son site internet (l'eau dans ma commune), mais qui sont aussi affichés en mairie. La nouveauté étant que ces données sur internet proviennent directement du SI de l'opérateur, sans intermédiaire, et pourraient même être ouvertes aux communes sous la forme d'API.
Autre exemple dans l'actualité de la semaine, l'observatoire des loyers que veut monter le Ministère du Logement (actuellement en pilote). Il existe depuis des années à la FNAIM ou chez les notaires, montre bien que certaines données qui peuvent guider les politiques sont souvent produites ou consolidées par le privé. Et quand la FNAIM claque la porte, le gouvernement manque de données.
Idem pour la RATP dont on a déjà parlé dans GreenSI il y a 8 mois, qui sans en avoir l'obligation (dépend d'une autorité de tutelle) a dû s'engager dans une politique d'ouverture de ses données vers les citoyens.
Et que penser des données de santé qui sont déjà au milieu d'une bataille pour leur accès libre.
GreenSI ne serait donc pas surpris de voir le périmètre du "wider public sector" aller bien au delà des délégations de services publics.
We will: release high-quality open data that are timely, comprehensive, and accurate
Le point essentiel de cette charte est de se fixer des objectifs de formats et de qualité. Le titre de la charte est d'ailleurs "Open Data Charter AND Technical Annex". L'annexe technique, incluant des bonnes pratiques, et les liens vers les descriptifs des données des États. C'est une annexe qui va rapidement arriver dans les DSI des Ministères et collectivités territoriales pour se préparer à cette ouverture.
Une mise en cohérence et intégration dans le RGI - Référentiel Général d'Interopérabilité - applicable pour les SI de l’État et des collectivités locale, serait certainement souhaitable pour l'interopérabilité sémantique. Surtout que la version officielle de ce référentiel date de 2009, ce qui compté en "années informatiques" commence a dater.
Wait and see...
Cette charte et surtout les noms de ses signataires sont pour GreenSI un signal fort que l'open data est quelque chose qui va s'installer plus fortement dans les SI.
Dans le secteur public, mais aussi dans les secteurs manipulant des données à caractères publics. Commencez donc a regarder vos de données qui pourraient intéresser les citoyens, on pourrait venir prochainement taper à la porte de votre SI pour que vous demander de l'ouvrir ;-)