Le 1er Juillet 2013, Google Reader, la plateforme d’agrégation de contenu et lecteur de flux RSS de Google sera stoppée. Après un peu moins de 8 ans de bons et loyaux services. Sept ou huit ans, c'est la durée moyenne de vie d'une application en entreprise, mais dans le monde de l'internet certains avaient peut être l'illusion que l'immortalité existait. Google, comme toutes les entreprises, doit upgrader régulièrement ses applications et a décidé de stopper ce service.
Pour GreenSI c'est parce que Google croit aux réseaux sociaux et au développement de nouvelles façons d'accéder et de consommer l'information (mais le débat est ouvert - laissez un commentaire si vous avez une autre explication à proposer !)
Google Reader oblige à s'abonner à des sources (flux RSS de sites).
Avec la prolifération de ces dernières, comme les blogs par exemple, il est difficile (et surtout cela prend du temps) de toujours avoir les "bonnes" sources. Alors que des réseaux comme Twitter, permettent très rapidement de "faire remonter" l'information même si elle provient d'une source que l'on ne suit pas, grâce à la magie du "re-tweet".
Et cette fonction marche aussi dans le temps, c'est-à-dire qu'une info toujours pertinente continue de circuler ce qui augmente son exposition et donc la probabilité qu'on la lise. Google Reader peut donc être remplacé par Google+ et le bouton +1 qui est sur tous les sites. Mais cela demande à l'utilisateur de changer ses habitudes... et ça c'est quelque chose que l'on connait dans l'entreprise.
Ce qui a retenu l'attention de GreenSI sur cette actualité, c'est le contraste entre l'approche de Google et ce qui se passerait dans une DSI pour l'arrêt d'un service non critique, mais bien utile a beaucoup d'utilisateurs.
Déjà abordons cet arrêt sous l'angle de la stratégie SI.
L'intégration des services, dans Google+ pour le social, et Chrome pour la mobilité et le multi-écrans, est un fil rouge de l'évolution des produits Google. Ce fut le cas pour Picasa (photos) et d'autres service qui ont rejoint Google+. L'arrêt de Google Reader est une conséquence assumée par Google.
Transposée au SI de l'entreprise, cette stratégie serait de définir un poste de travail pour l'utilisateur, social et mobile, qui lui permette d’accéder a l'ensemble de l'information, de collaborer avec ses réseaux internes et de lancer les outils dont il a besoin. En clair, ne plus raisonner applications séparées qui réinventent leur IHM en fonction de l'humeur du chef de projet, mais uniquement en services qui viennent s'intégrer dans un poste pensé pour l'efficacité de l'utilisateur.
Je pense que la majorité d'entre nous reconnaîtra plus leur SI comme une somme d'applications, rarement pensées pour être intégrées, et le poste de travail comme la conséquence de ces applications exposées aux utilisateurs. L'arrêt d'une application est un évènement rare et le nombre d'applications augmente chaque année. Alors, de là à aller stopper une application encore utilisée, parce qu'elle est un "silo étanche" non aligné avec la stratégie du poste de travail cohérent pour l'utilisateur, vous n'y pensez pas...
En terme de conduite des changements
L'annonce a été faite le 13 mars sur le blog officiel de Google et avec un message pop-up pour les utilisateurs. Peut-être une idée à retenir pour le marketing de la DSI. La tenue d'un blog pour expliquer et annoncer les évolutions du SI, la communication directe avec les utilisateurs, et la capture de leurs remontées.
On peut voir dans l'analyse de la recherche de "google reader" depuis 2005, que cela a provoqué plus qu'un doublement des discussions des internautes et articles sur le sujet lors de l'annonce de l'arrêt. Une pétition a même été immédiatement lancée pour tenter de faire faire marche arrière à Google. En vain.
Les prétendants à la reprise du service comme AOL, Feedly se sont alors mis sur la brèche pour adopter les utilisateurs de Google avant qu'ils ne deviennent orphelins. Ces utilisateurs "irréductibles du RSS" qui ne souhaitent pas encore changer leurs habitudes, car certainement ils adorent trier, classer et avoir l'illusion de rien rater, car ils ont lu tous leurs flux ;-)
Retour à la DSI avec l'annonce de la fin d'une application encore utilisée.
Elle provoque généralement l'équivalent d'une pétition. L'insatisfaction de quelques utilisateurs, qui s'ils sont influents, peuvent obtenir le questionnement du DSI par le DG ou un Directeur bien placé. Et là, tous les arguments qui avaient pourtant emporté la décision du représentant des utilisateurs au comité de pilotage, fondent comme neige au soleil...
L'application gagne d'abord un délai et parfois continue à coexister avec celle qui la remplace de nombreuses années après. L'argument ultime étant qu'on ne sait jamais, si on doit un jour consulter en urgence une de ses infos, il faut bien garder l'environnement complet. Là où la facturation des services SI est individualisée par Directions, on peut faire jouer l'argument du coût supporté par les derniers utilisateurs, avec le risque de repasser par la case pétition et questionnement des coûts de la DSI...
Une fois la phase de résistance passée, on arrive à préparer le démantèlement de l'application. La démarche Google c'est... débrouillez-vous!
Google ouvre ses API a de potentiels repreneurs (Feedly et autres), permet à l'utilisateur de télécharger ses données et le jour dit, coupe le service. Tant pis si l'utilisateur n'était pas prévenu ou s'il n'a rien fait. De toutes les façons il avait accepté (sans les lire) les conditions d'utilisation qui disaient que ce service pouvait être coupé à tout moment.
Dans l'entreprise, avec un étrange flou autour de la question, c'est parfois la DSI qui est considérée comme responsable de l'impact que peut avoir la fin du service. Même quand les utilisateurs, prévenus de longue date, n'ont pas engagé les actions de reprise de données ou de changement de système. Peut être qu'il faudrait faire signer des conditions d'utilisation avant tout lancement d'application ?
Vers une nouvelle agilité à développer pour les utilisateurs
L'arrêt de Google Reader montre bien que la démarche de Google est très différente de la réalité dans l'entreprise.
Pourtant la "consumerisation" du SI est considérée comme une tendance forte. Elle est mise en exergue avec l'arrivée de terminaux amenés par les utilisateurs (BYOD) qui utilisent les services en ligne se développant dans le Cloud public. Ces services pouvant s’arrêter sans prévenir.
On va donc implicitement vers une plus grande responsabilisation des utilisateurs, a laquelle il ne sont pas habitués. Que ce soit sur la prise en main de leur nouveau terminal, sur sa sécurité, la sécurité des données, ou sur l'utilisation des services en lignes.
Cela doit nous faire réfléchir sur les nouveaux besoins d'accompagnement de ces utilisateurs dans un monde où la part de services et équipements venant du monde grand public augmente.
Va t-on vers des cellules de support d'un nouveau genre qui essayent et testent les services en ligne du cloud public sur les différents terminaux, et peuvent aider les utilisateurs à avoir plus d'agilité tout en les conseillant, y compris de façon proactive?