dimanche 17 mars 2013

Vers une DSI en réseau et un DSI community manager?


Plusieurs articles récents reposent la question de la position de la DSI. Certains pour expliquer pourquoi elle doit disparaître, d'autres pour la cantonner dans la salle serveurs... en essayant de fermer la porte à clef!

Au coeur de ce débat la poursuite de la transformation de l'entreprise vers le numérique sous l'emprise des trois forces que les lecteurs de GreenSI connaissent bien: Social, Mobile, Cloud (L'ère post-PC a commencé).

On assiste en fait à la montée en puissance de la "Data" poussée par ces trois forces. Avec le Cloud, une capacité décuplée pour capturer et traiter les données. Avec le mobile et ses capteurs et le social et ses conversations, pour en générer cent fois plus, le tout dans des cycles de mise à disposition toujours plus courts. A noter la parution prochaine d'un livre blanc sur la maîtrise du flux d'information (Un océan bleu d'information) réunissant plus de 50 experts et auquel GreenSi a participé.

Et comme le constate l'étude récente de Forrester pour Colt (http://www.colt.net/cio-research/)les DSI ont une collaboration très faible avec les entités en contact avec les clients, justement celles les plus exposées à la transformation numérique.



Et comme la nature a horreur du vide, les positions sont en train de se déplacer autour de la donnée. Ce qui fait prédire à certains l'arrivée du Marketing pour piloter la transformation numérique (Une nouvelle réalité entre le directeur du marketing et le DSI), et à d'autres, l'émergence d'un Chief Data Officer (Qui sera le chef des big data ?)

Ce qui est commun a tous ces constats, c'est que la DSI est scindée entre deux rôles antagonistes: la gestion d'une infrastructure centralisée (hardware + software) et la participation à l'innovation décentralisée.
Comment réconcilier ces deux rôles quand on a une histoire et des modèles de gouvernance IT qui lui font pencher pour la centralisation?

Et donc la tentation de vouloir centraliser tous les projets numériques à la DSI et de renforcer "la résistance" des métiers qui vont chercher à s'émanciper pour l'acquisition de leur technologies.


Les arguments pour éviter la prolifération des projets directement par chaque Direction métier sont pourtant légions:
  • solutions multiples et fragmentées entre fournisseurs,
  • non sécurisées (dit papa, c'est quoi un LDAP ?)
  • développées sans garantie (voire sans contrat avec un bon de commande de 10 lignes),
  • aucune maîtrise, parfois chiffrage, du récurrent et des compétences de support
  • qui se recouvrent entres elles, quand elles ne sont pas en doublons tout simplement...
Sans parler des fournisseurs qui veulent "verrouiller" LEUR Direction métier avec leur plateforme aux standards fermés, avant de partir en guerre contre le fournisseur de la Direction d'à coté. Et parfois on se demande si on ne marche pas sur la tête quand 3 entités métiers vous contactent pour développer un portail... vers les mêmes clients. Idem avec les applications iPhone qui sont très tendances en ce moment. Chez vous aussi ?


Le rôle régalien d'une Direction des Systèmes d'Information est donc incoutournable, même si ce n'est pas la DSI dans saconfiguration actuelle, ni dans ses compétences actuelles. D'où certainement ce début de fébrilité pour déplacer les murs.
Mais pour éviter le modèle centralisé pas toujours efficace pour innover, et qui finirait par aspirer tous les projets et toute l'entreprise numérique au fur et à mesure de sa transformation, pourquoi ne pas explorer la voie de la décentralisation?

Pourquoi ne pas décentraliser une partie de la DSI dans les métiers?Du moins, en décentralisant les compétences qui permettraient d'éviter le scénario catastrophe décrit précédemment, et d'accompagner les métiers dans leur transformation en s'appuyant sur le Cloud, le Social et le Mobile.

C'est le modèle qui a émergé avec les équipes "Digital factory" ou "Décisionnel" par le passé quand il a fallu mettre en place des organisations très réactives et avec des compétences spécifiques pour répondre à la construction du e-commerce et de l'analyse de données. Mais ces équipes sont souvent devenues "indépendantes de la DSI" et parfois se sont même fait un malin plaisir a court-circuiter la DSI, y compris sur des sujets de nature a être centralisés comme les plateformes. Et rebelote sur la fragmentation des compétences entre directions métiers aux objectifs différents.




Pour éviter ce nouveau travers, une piste serait un(e) Directeur des SI qui a la majorité de ses équipes dans les directions mais qui les manage hiérarchiquement, les faits tourner pour "fertiliser" tous les départements avec le numérique, et développe leurs compétences pour aborder le Cloud, le Social et le Mobile. Un DSI "community manager" avec un noyau d'équipe très resserré pour supporter ses troupes "sur le front", dans les métiers. Pour cela il recrute, pilote un budget formation et innovation pour développer les compétences de ses équipes et les maintenir a niveau dans ce monde technologique qui évolue a grande vitesse. Et qui dit réseau, ne dit pas forcément que réseau interne avec ses troupes, mais aussi animation de la communauté externe de compétences technologiques pouvant accompagner l'entreprise dans sa mutation.

Mais ce DSI n'est plus garant de la livraison des projets, dont la responsabilité est aux métiers.
Une rupture majeure par rapport au modèle actuel ou la DSI "prend la commande des métiers" et est souvent critiquée pour ses retards de livraison et ses dépassement de budget, et rarement félicitée quand tout se passe bien. Vous allez me dire qu'on vient de re-inventer "la régie" des SSII qui placent leurs ressources. Peut-être, mais avec la gestion des compétences en plus et l'alignement de ses objectifs avec ceux de transformation de l'entreprise. Ce qui n'est pas le cas avec une SSII externe à l'entreprise.

Le DSI conserve aussi le pilotage de l'infrastructure centralisée mais en tant que fournisseur de services (appuyé sur le régalien pour tout fonctionne ensemble), rôle sur lequel il n'est pas challengé en interne quand il compétitif par rapport au marché. Et quand il ne l'est pas, la revue de sa politique d'externalisation est aussi un rôle qu'il a toujours assumé par le passé et qu'il partage en bonne intelligence avec les achats.


L'image serait donc celle d'une DSI en réseau et d'un DSI animateur de la communauté "entreprise numérique"?Un modèle où la DSI est garante de la plateforme centralisée utilisée par tous, et de la compétence en transformation numérique de "troupes d'élites" décentralisées, dans des métiers qui pilotent eux mêmes leurs projets et leur ROI.

Cette évolution vous parait-elle réaliste? A suivre...

mardi 12 mars 2013

Une ville numérique a urbaniser rapidement pour éviter la tour de Babel

Une ville numérique a urbaniser rapidement pour éviter la tour de Babel

La ville numérique est très tendance en ce début d'année! Au moins pour les chargés de communication territoriale.

Montpellier Agglomération profite de la présence d'IBM sur son territoire (site de fabrication européen des grands ordinateurs depuis 1965 et localisation d'un datacenter) pour signer un partenariat autour de la "SmartCity".

Nice Côte d'Azur, qui organise en Juin l'Innovative City Convention, avait fait de même l'an dernier et bénéficié de l'expertise d'industriels dans le cadre de partenariats ou de projets européens.

Grand Lyon de son coté a annoncé le mois dernier ses objectifs en matière de "ville intelligente et durable", avec une orientation forte sur la mobilité.
A chaque fois, une volonté affirmée de la ville ou de l'agglomeration, mais aussi l'appui de budgets et de projets d'industriels et de "bâtisseurs" implantés localement.

Et le bal des annonces ne va certainement pas s'essouffler à l'approche de la manifestation 5Plus City Forum. Pendant deux jours les 20 et 21 mars, elle va rassembler au Palais des congrès d'Issy-les-Moulineaux, les experts de la ville de demain entourés de politiques (Jean-Paul Planchou VP du Conseil Régional d'Ile de France, Jean Louis Missika en charge de l'innovation à la Ville de Paris, André Santini le Maire d'Issy les Moulineaux, ... ). Un signe qui ne trompe pas. Il fait bon s'afficher en habits numériques en 2013.

Le troisième opus de ce congrès dédié à l'innovation sera sur le thème de "ma vie et ma ville dans 5 ans" : quels seront les innovations numériques de rupture qui vont impacter le citoyen dans 5 ans.

Comme le présente Carlos Moreno, conseiller scientifique à GDF SUEZ, l'autre grand acteur de la "smart city", qui fera le discours d'introduction de 5Plus City Forum: "toute ville est un système complexe, au sens étymologique du terme (qui vient du latin complexus, « entrelacé »). Car la ville est une agrégation d’êtres humains dont les besoins vitaux, d’épanouissement et de développement se croisent de multiples manières. Cela donne lieu à des ensembles de systèmes et de sous-systèmes, qui viennent s’épouser sous forme de services et d’usages pour se loger, se déplacer, se nourrir, se divertir, se soigner, s’éduquer etc."

Alors pourquoi parle t-on de ville numérique en ce moment? Mirage ou réalité?
Et bien peut être tout simplement parce que les technologies numériques se développent, sont plus accessibles, libèrent les données et l'intelligence pour nous permettre de repenser tous nos systèmes. Les systèmes, ces ensembles d'éléments indépendants qui interagissent entre eux et fonctionnent comme un tout, et qui vont si bien aux villes. Le numérique est tout simplement en train de repenser la ville en tant que système.

Le numérique permet de repenser les interactions entre les acteurs des systèmes:

  • comme le web 1.0 puis 2.0 a repensé les communications, puis les relations entre personnes,
  • comme l'internet des objets va repenser les interactions en machines et entre machines et humains. Des objets connectés dont le nombre va dépasser celui de la population mondiale dans quelques années.
Le numérique rend aussi plus accessible les points d'accès au réseau d'interconnexion entre ces acteurs, avec les smartphones et les tablettes qui ont multipliés la consommation de l'internet en mobilité, et avec eux les "Apps" qui ont amené les données et l'intelligence au creux de la main des citoyens.

La vile numérique est donc une réalité. Même là où on ne communique pas dessus!
Sa construction peut certainement être stimulée par les acteurs de la cité, avec la communication comme premier moyen de focaliser les énergies et de fixer le cap. Mais la ville numérique c'est surtout un processus de transformation numérique, qui a déjà touché l'entreprise et les citoyens, et qui débarque dans un système complexe, la ville. Et c'est pour cela que GreenSI s'y intéresse.

Alors comment transformer nos villes avec le numérique?
Prenons l’exemple de quatre systèmes dans la ville: les transports, l'énergie, l'eau, les services aux citoyens. Cette transformation s'attaque à tous ces systèmes séparément et globalement.

Elle s'attaque à la mobilité et cherche à l'optimiser avec de l'information en temps réel pour que chaque élément autonome puisse prendre les bonnes décisions, pour chaque mode de transport ou inter modes de transport (multi-modalité), avec l'objectif de fluidifier globalement les déplacements de tous. Et les parkings, les loueurs, le co-voiturage et toutes les nouvelles formes de partage de nos déplacements qui vont se développer grâce au numérique, viennent y amener leurs services, pour diversifier et renforcer les services publics classiques (Voir article autopartage).

Elle s'attaque à l'efficacité énergétique, notamment au niveau des bâtiments ou des résidences, ces sous-systèmes de la ville qui concentrent une partie de sa population. Comment en optimiser les consommations et influencer les comportements individuels, promouvoir les eco-gestes et les consignes, pour un résultat collectif partagé.

Elle s'attaque à la gestion des réseaux d'eau, potable, assainissement et pluvial, car la ville est un maillage d'infrastructures collectives que la densité de population rend plus efficaces qu'une gestion non collective. Mais pour aller plus loin dans l'efficacité, des chaines numériques de supervision doivent se développer.

Pour l'eau, tous les compteurs sont équipés d'un émetteur qui va envoyer régulièrement sa mesure de consommation. La ville équipée en récepteurs, va les recevoir, les trier, les dédoublonner et les suivre pour détecter les fuites d'eau entre l'usine et les particuliers (fuites sous-souterraines dans les réseaux) qui pourront être rapidement réparées. Et dans le cas du réseau pluvial qui évacue les volumes d'eau "tombés du ciel" et difficilement prévisibles, ce suivi temps réel est complété par des données météo géolocalisées pour prédire les volumes attendus dans chaque rue et pouvoir anticiper leur évacuation. C'est l'assurance pour la ville de répondre au risque d'inondation en pilotant dynamiquement ses flux comme à Bordeaux avec le système Ramsès de la Communauté Urbaine (photo).

 

La ville entrelacement complexe de systèmes, ou entrelacement de systèmes complexes, amène à l'idée de construire le suivi de toutes ces données depuis un tableau de bord global pour la collectivité. Un "city dashboard" comme disent les anglosaxons.

Plusieurs expérimentations sont en cours, y compris en France. Au moins dans un premier temps pour mesurer et avoir une "photo régulière" de "ce qui se passe" et se poser les bonnes questions. C'est là que la notion d'architecture commence a apparaître pour donner du sens et croiser des données issues de multiples systèmes et chaînes de mesure.

Mais pour piloter cet ensemble, il faudra plus qu'un tableau de bord, un volant et des vitesses par exemple. Et ces interfaces existantes (volant, vitesses...)  sont déjà bien ancrées au coeur du pilotage opérationnel de chacun des réseaux, et sont complexes a mettre en œuvre de façon centralisée. Est-ce d'ailleurs nécessaire? Pas si sûr finalement. L'internet en tant que système complexe a montré qu'il y avait une autre voie que la centralisation.

Enfin, et c'est souvent la partie la plus visible, la ville numérique est la transformation des services publics aux citoyens avec l'aide des technologies. C'est là que le réseau internet, ses applications mobiles, les tablettes, le NFC avec sa sécurité ou ses paiements sans contact, les cartes magnétiques ou les cartes SIM, pour ne citer qu'eux, permettent de repenser tous les services de la ville.

Car la ville numérique est centrée sur le citoyen. Comme le web 2.0 a évolué pour se centrer sur l'internaute. C'est lui, le citoyen, qui est l'un des acteurs du système depuis toujours, mais qui avec le numérique, a maintenant les moyens de plus s'impliquer, de contrôler, d'agir.

Et ne peut-on voir l'open data (l'ouverture des données des différents services) comme la "prise universelle" permettant a tous les acteurs, collectivités, industriels, citoyens, d'amener leur pierre numérique à cette construction. De faire que le tout vaut mieux que la somme des parties, par croisement des données, et que notre système complexe Ville, soit in fine plus intelligent, pour le bénéfice de tous.

Tableau de bord, données, open data, interopérabilité... pour GreenSI, au coeur de cette transformation numérique il y a la capacité à générer, partager et faire parler les données et a architecturer les échanges. Et là les  architectes des SI ont des choses à raconter. Vous savez ceux qui il y a plus de 10 ans ont emprunté à la ville son concept d'urbanisation pour décrire et développer les systèmes d'information qui ne sont plus cloisonnés en silos.

Et bien ces architectes vont maintenant pouvoir rendre à la ville leur savoir et expliquer aux collectivités comment elles doivent s'organiser pour urbaniser ces nouveaux réseaux, y injecter les données et produire des services numériques.

Car comme pour le développement de l'internet, l'émergence de standards sera essentielle pour que le système fonctionne comme un tout.

Et pour cela nul besoin de tout planifier ou de tout réglementer. Les deux tentations les plus généralement rencontrées, surtout chez ceux qui voudraient en tirer un avantage et inventer "le péage numérique" en nous expliquant que tout doit passer par chez eux. Et bien non!

L'idée est de spécifier les zones d'échanges, les standards d'ouverture et d'interopérabilité au sens large, et de laisser la liberté totale sur le reste.
Un nouveau territoire numérique où le rôle des DSI des collectivités locales va se renforcer et où le partenariat public privé appliqué aux systèmes d'information trouve naturellement toute sa place. Les premières initiatives comme City Protocol ont déjà vues le jour, mais un modèle d'innovation ouverte reste à inventer. Faisons le point dans quelques mois.

Et terminons par l'histoire de cette fameuse tour (source Wikipedia).
Babylone est la première des sociétés hiérarchiques et spécialisées, préfigurant toutes les civilisations suivantes avec leurs classes sociales, elle est fondée sur la rétention d'information et donc de la valeur. L'information et la valeur sont thésaurisées (capitalisées) par les classes nobles et sacerdotales. Le gros de la population reçoit une information simplifiée, dénuée d'intérêt, inopérante, destinée à produire une image insensée du monde: la superstition, entretenue par le clergé. C'est dans cette volonté de promouvoir des langages secrets que réside le pouvoir des classes supérieures, et aussi la cause de la confusion des langages et leur multiplication parmi les peuples. Les humains de Babel trouvent ainsi leur punition dans le système de pouvoir qu'ils ont eux-mêmes inventé.

Sans commentaire...

L'humour de ceux qui aiment le numérique