jeudi 23 décembre 2010

L'ERP: le dernier des dinosaures pourrait évoluer en ERP 2.0

Je donne en Janvier a des élèves ingénieurs en dernière année de l'Ecole des Mines, un cours sur la mise en place des ERP. A chaque actualisation de mon cours, un peu avant Noël, je me pose la question du sens de ce cours au delà du coté pédagogique "brut" sur la compréhension de cet animal tentaculaire qu'est l'ERP, sur le coté "historique" de l'évolution des systèmes d'information qu'il permet de retracer et sur les méthodes de conduite des changements qu'il a fallu développer pour le mettre en place.


Finalement est-ce que l'ERP n'est pas le dernier des dinosaures que ces élèves ne rencontreront que sous la forme de squelettes ou d'individus en voie extinction ?


Chaque année, j'ai progressivement complété mon cours pour mettre en lumière l'émergence de nouvelles ruptures dans le modèle de l'ERP client serveur longtemps représenté par le premier individu de l'espèce SAP R3 (dès 1992) : 
  • les architectures web et le navigateur comme client, qui ont bouleversé l'approche client-serveur,
  • le CRM qui s'est développé d'abord en dehors de l'ERP puisqu'il n'était pas tourné vers la gestion des ressources de l'entreprise mais vers ses clients, puis a été intégré avec plus ou moins de succès dans les offres progiciels,
  • les échecs de nombreux projets ERP, liés à la complexité de la coordination dans un monde où les besoins des entreprises évoluent très vite et où les méthodes de gestion de projet se satisfont d'un taux de réussite de 70%,
  • l'ergonomie perfectible de certains progiciels qui a conduit au développement de systèmes périphériques à l'ERP pour saisir et parfois valider des informations, avant qu'elles ne soient chargées dans un ERP réservé a des spécialistes et auxquels n'ont pas accès ceux qui produisent l'information et qui pourraient l'utiliser au quotidien,
  • Sans parler de la multiplicité des tableurs bureautiques qui redondent l'information des ERP et qui souvent sont devenus les vrais systèmes décisionnels de l'entreprise, a coté des systèmes décisionnels embarqués dans l'ERP qui bizarrement est souvent limité à faire du reporting,
  • l'open source, avec Compiere ou tinyERP (maintenant OpenERP) dont le fondateurtout juste majeur, etait venu en 2005 présenter à la classe comment après avoir développé le système de gestion de la PME de son oncle, il allait concurrencer SAP en basculant le code dans une communauté Open source. Et en plus il l'a fait, bravo Fabien Pinckaers !
  • les difficultés des grands éditeurs, qui une fois le marché des grands comptes internationaux et nationaux saturé, ont essayé de proposer des offres pour les PME, plus simples et pré-configurées,
  • la SOA ou les architectures orientées services qui ont fait tomber la querelle du "best of breed versus ERP unique". En d'autres termes, doit-on prendre le meilleur dans chaque domaine fonctionnel ou celui qui couvre au mieux tous les domaines ? L'avenir est maintenant à l'intégration flexible de services pour couvrir le périmètre fonctionnel choisi,
  • le SaaS avec les premières offres locatives permettant de balayer le modèle d'investissement initial et la complexité de mise en place d'une infrastructure,
Il faut cependant reconnaître qu'ils ont la peau dure ces dinosaures!
Car après toutes ces ruptures, l'ERP se porte encore bien. Certainement porté par la nécessité d'une poignée d'intégrateurs spécialisés, de sécuriser la manne financière des projets d'intégration qui la fait vivre, mais aussi par l'inertie de systèmes dont la durée de vie est entre 7 et 15 ans et donc qui ne se remplacent qu'une fois tous les 10 ans en moyenne. Et puis reconnaissons leurs que pour les 80% des tâches qu'ils automatisent, ils ne le font finalement pas si mal que cela. Ce qu'on leur reproche c'est souvent la gestion des cas particuliers et la flexibilité demandé pour les 20% des cas singuliers.
Ils sont même assis sur une mine d'or : les données de l'entreprise. Et même si leurs modules décisionnels font souvent plus du reporting que de l'analyse prédictive, on en a de plus en plus besoin de ces données (quand elles sont justes).

Cependant en 2011 une nouvelle rupture se profile a l'horizon et va certainement contribuer à orienter l'avenir des ERP : le développement des réseaux sociaux d'entreprise (RSE) et avec eux la construction de l'entreprise numérique et l'émergence de nouvelles formes de collaboration dans l'entreprise et entre entreprises.


Certains voient dans ces RSE, un des leviers majeurs de la future collaboration en entreprise. Or les ERP, ont en leur temps été vendus sur la refonte de la collaboration de l'entreprise autour d'une base de donnée unique. Une collaboration modélisée par des processus, flexibles et configurables, pour coller à la tendance du moment des années 80, le re-engineering de processus (BPR - Business Process Reengineering).


Le RSE n'est-il pas un des moyens de collaboration, centré sur l'individu, permettant d'aller là où les processus sont devenus trop rigides ou quand la formalisation du processus n'est tout simplement pas possible ?
Les RSE sont aussi un bon moyen de capturer de l'information et d'initier des processus plus rapidement.


Le couplage entre l'ERP et le RSE est donc certainement amené à se développer et je pense est porteur des gènes de l'ERP 2.0


Par exemple, comment fluidifier les échanges autour de la réception d'une facture numérisée par exemple ? La reconnaissance numérique n'étant pas fiable à 100% et les erreurs ou manques d'information existant aussi sur les factures des fournisseurs, le processus modélisé à l'extrême pour être déterministe dans tous les cas de figure est certainement une utopie qui risque de coûter cher à ceux qui vont se lancer dans cette aventure. La règle des 80-20 incite au contraire à n'automatiser que 80% des cas les plus fréquents et laisser faire la collaboration "humaine" pour les autres cas, quitte a l'assister un peu avec de l'informatique. 


C'est là que le RSE, allant plus loin que l'e-mail aujourd'hui utilisé pour cela, peut jouer un rôle déterminant pour permettre a un groupe de personnes d’échanger de l'information, des fichiers multi-médias, d'interagir en temps réel avec du micro-blogging et de rechercher des compétences dans la base de données. Ceci afin de rectifier les erreurs et les manques d'information et d'affecter la facture au bon projet par exemple.

Saleforce, un des progiciel CRM en SaaS du marché, a déjà tenté l'aventure fin 2010 et intégré au coeur de son progiciel une brique de réseau social - Chatter - permettant de collaborer autour des opportunités ou des contacts, des objets de sa base de données. C'est la valeur ajoutée que je trouve a ce type de solutions qui je pense préfigure l'intégration entre les ERP et les RSE. Attention cependant a ne pas croire que Chatter est devenu "LE" RSE de l'entreprise car la promesse du RSE va nettement au delà.

Recherchez donc dans les ERP de vos entreprises et retrouvez-y tous les processus qui demandent beaucoup d'exceptions, qui coûtent cher à maintenir car très évolutifs, voire qui n'ont jamais marché! Vous venez certainement d'identifier les processus qui seront les premiers à bénéficier de l'intégration entre le RSE et l'ERP, ceux qui peuvent bénéficier de la force de réactivité d'un réseau et d'un minimum de déterminisme pré-établi.


Les éditeurs d'ERP vont donc certainement commencer à nous vanter le Graal de l'ERP 2.0. Certains avec une guerre de retard, nous expliquant que leur ergonomie s'est rapprochée du  web avec des "widgets à la Facebook" et que maintenant ils sont disponibles en SaaS. Ces deux batailles, ergonomie et SaaS sont déjà perdues et ces fonctionnalités ne sont pas un plus mais une nécessité pour survivre. Pour mériter le terme d'ERP 2.0 il en faudra plus!
Il faut comme pour le Web 2.0 remettre l'individu au coeur de la solution et en faire sa solution qu'il va adopter et non à laquelle il doit s'adapter.


L'ERP 2.0 c'est celui saura capitaliser sur les fondamentaux de l'ERP, la base de données unique pour gérer l'ensemble des ressources de l'entreprise et qui saura :
  • ouvrir ses modes de collaboration pour intelligemment enrichir les processus avec l'appui de réseaux sociaux
  • accompagner la numérisation totale de tous les échanges de l'entreprise numérique
  • replacer l'individu au coeur de cette entreprise avec un poste de travail d'accès à l'ERP et à la collaboration
Voila la feuille de route d'une espèce qui me semble être amenée a survivre. Peut être sous la forme d'un grand oiseau, plus léger et plus adaptable que le quadrupède qui lui a servi d’ancêtre pendant 40ans et dont le squelette fera le bonheur des paléontologues de l'informatique dans les années qui viennent. Alors si vous le croisez, vous savez ce qui vous reste à faire.

jeudi 11 novembre 2010

OpenData, tendance de fond pour les SI des collectivités ?

Ce qui émerge comme une tendance forte pour les SI gouvernementaux et des collectivités locales est l’Open Data. Un « forum européen sur l'open data» se tiendra d'ailleurs en France à Rennes, ville pionnière pour l'initiation de ce mouvement, le 29 novembre (plaquette). Mais Bordeaux, Montpellier et Paris pour ne citer qu'elles ont aussi des projets, démontrant le dynamisme de la France sur ce sujet suite à la politique européenne datant de 2005.

Mais de quoi parle-t-on ? L'open data est le terme utilisé quand l’Etat à la volonté d’ouvrir au public les données de l’administration ; et de passer d’une logique où le gouvernement protège ses données à une logique de diffusion massive. Ce mouvement a été initié dans des pays anglo-saxons : Australie, États-Unis (http://www.data.gov/), et Royaume Unis quand James Cameron a ouvert un portail après son élection (http://data.gov.uk/).
Le site de Rennes Metropole étant : http://www.data.rennes-metropole.fr/
Ces portails permettent d'accéder à des milliers de données publiques sous diverses formes, du simple pdf ou tableur en passant par des services (c'est la cible) intégrables dans d'autres SI par le biais d'API. Et dans ce cas là accès à des données temps réels!

Car l'enjeu pour la collectivité ou l'Etat est de créer de la valeur, et pour cela trouver ceux qui sont mieux placés pour le faire et les inciter à développer cette valeur (parfois avec un appel a projet ou un concours). Généralement on pense à des start-ups qui vont développer des services innovants qu'ils sauront valoriser:
  • les données des stations de vélo Star de Rennes, exploitées par d'autres pour faire des applications de réalité virtuelle 

  • les données des transports en commun
  • les données géolocalisées de la ville, utilisée par l'application "Vivre à Rennes" sur iPhone
  • ...
Une normalisation des interfaces de programmation est en cours c'est l'Open311. Le déploiement de capteurs dans la ville par les différents opérateurs (pollution, circulation, énergie, eau...) multiplie de façon exponentielle les données qui peuvent être partagées en temps réel.Aujourd'hui on en est encore au stade des premiers projets. Le modèle économique de l'ensemble n'est pas encore démontré une fois passé les premières subventions et récompenses de projets. L'émergence d'une nouvelle citoyenneté demandant plus de services citoyens est certes mise en avant, mais l'Internet a montré que les services payants étaient difficiles à vendre.

D'autre part, tout en appréciant les efforts de l'Administration pour se moderniser, comme la mise en oeuvre de service-public.fr par exemple, l'État français est rarement le plus rapide à déployer les nouvelles technologies. La période électorale qui démarre n'est pas non plus propice à de grands projets sur le plan national.

Les collectivités locales seront donc certainement plus dynamiques que l'État, mais je pense que seules les grandes villes auront les moyens matériels et financiers pour s'engouffrer dans cette voie. C'est pourquoi sur la période 2011-2015 je parlerai plus d'une tendance « Open City Data" qui ne concernera certainement pas plus de 10-15 villes (en tant que citoyen je ne demande qu'a me tromper, mais je ne me fais pas trop d'illusions !)

Enfin en d'ici 2015 la majorité de l'internet se consommera via des terminaux mobiles, téléphones et autres terminaux connectés. "Vivre sa mobilité" sera donc certainement un axe majeur de développement des services puisant les données dans les réservoirs de l'open data local. Encore une raison qui milite pour les collectivités locales par rapport aux grandes administrations.

Cette tendance va demander aux systèmes d'information de ces grandes collectivités de s'ouvrir, de traiter des millions de données et d'aborder le temps réel. Mais c'est une rare occasion de structurer leurs systèmes "de production" souvent éclipsés par les systèmes de gestion. Pour cela elles pourront s'inspirer des SI d'entreprises déjà habituées à traiter l'information comme un flux et à gérer l'ensemble de ces sources en réseaux. Car si le SI d'une grande collectivité se met à "cahoter", ce sera tout l'écosystème qui aura été créé qui ne sera plus irrigué.

Donc finalement pour y aller, je pense qu'il faut effectivement une vraie volonté politique, car une fois la démarche engagée il sera difficile de revenir en arrière.


Des liens vers les premières bases : 
  • http://www.data-publica.com/
  • http://www.nosdonnees.fr/

L'humour de ceux qui aiment le numérique