Cette année c'est Fleur Pellerin, ancienne secrétaire d'État au numérique à l'initiative de la French Tech et maintenant Présidente de Korelya capital, qui a fait la conférence d'ouverture.
Avec le recul, la French Tech - qui partait d'un manque de visibilité de l'écosystème d'innovation français et notamment des startups, d'un manque d'outils pour permettre cette visibilité, parfois bridée administrativement - s'est transformé en 5 ans en une démarche d'innovation à l'échelle d'un pays.
C'est une transformation qui a été réalisée par l'écosystème lui-même s'étant emparé de la French Tech mais aussi parce que les successeurs de Fleur Pellerin (Axelle Lemaire, Mounir Majoubi), ont su en garder l'esprit et relayer l'initiative pendant leur mandat.
C'est une approche à laquelle le Ministère du logement ne nous a pas habitué quand chaque Ministre veut laisser son nom à la postérité avec une nouvelle réduction fiscale ;-)
On retrouve d'ailleurs dans la méthode French Tech les fondamentaux d'une démarche d'innovation ouverte ou de transformation collaborative. L'adhésion, la diffusion, les ambassadeurs... sont les réels indicateurs de la vivacité. Le "nœud central" de la French Tech continue à financer quelques opérations de visibilité comme le déplacement au CES de Las Vegas, mais les territoires ont repris la main en structurant localement les initiatives privées. Les grands groupes s'y sont également engouffrés pour venir y respirer cet air frais de jouvence.
La FrenchTech a donc déjà largement transformé les villes et les régions en plus de son fort rayonnement à l'international. D'une certaine façon elle a créé un terreau favorable pour le développement de la Cité de futur, celui de ses "transformateurs".
Aujourd'hui, les jeunes diplômés veulent devenir entrepreneurs et cherchent ces territoires où ils pourront mettre en œuvre leurs idées. Ils acceptent les risques liés à l'échec, et rejoindront peut-être les grandes entreprises comme leurs parents, mais plus tard. C'est un changement majeur et un moteur d'innovation des territoires qui sauront allier pôles d'éducation, et pôles économiques et d'innovation.
Cette multitude d'acteurs est efficace pour innover plus vite et tester de multiples pistes jusqu'à ce qu'un modèle dominant émerge. C'est le darwinisme appliqué à l'innovation, qui revient à accepter (et financer) une forte part d'échecs.
Le domaine de la mobilité dans les villes est certainement celui qui est le plus en ébullition.
Il y a bien sûr les grandes plateformes qui ont déstabilisé l'équilibre des taxis il y a 4 ans, et qui ont réussi à trouver une place depuis, mais l'enjeu de la mobilité en ville c'est bien sûr la mobilité plus respectueuse de l'environnement.
Avec 1,8 milliard de voitures dans le monde, la concentration de la population en ville (en 2050 près de 70% des 9 milliards d’habitants) implique la concentration des véhicules. Ce modèle n'est pas viable et des villes chinoises et indiennes peuvent aujourd'hui en témoigner avec des taux de pollution records. Paris n'est pas en reste avec l'augmentation chaque année du nombre de jours d'alertes.
Ce sont donc la révolution de l'électrique, de moyens alternatifs et du numérique (optimisation) qui semblent pouvoir faire évoluer les villes vers un modèle plus durable. Ce terrain de jeu est encore finalement peu défriché.
Comme dans d'autres domaines on voit l'intérêt de l'arrivée de grandes plateformes pour organiser cette optimisation. Par exemple les parisiens ont souvent un vélo dans leur cave mais il n'est pas utilisé. Quand Gobee.bike dépose ses vélos en libre service dans les rues, que l'on peut utiliser et laisser n'importe où, leur plateforme permet de les suivre, de rééquilibrer leurs positions et surtout donne au citoyen une application pour les consommer.
On mesure ainsi la valeur de la plateforme par rapport à l'objet vélo. Les parisiens ont tout pour organiser eux-mêmes un service de vélo en libre service en prêtant leurs vélos, mais il leur maque un élément essentiel dans le modèle : la plateforme.
La collectivité a toujours joué ce rôle de plateforme et surtout de régulation en organisant le service pour les citoyens dans les transports. Aujourd'hui elle est en train de se faire dépasser. C'est l'un des sujets débattus cette même semaine au Cercle Colbert, think tank qui œuvre pour une nouvelle gestion publique locale, et qui organisait une conférence sur le thème "Crise de la ville, Futurs de l'urbain".
Pour Isabelle Baraud-Serfaty, Maître de conférence à Sciences Po et fondatrice d’Ibicity, la notion même d'autorité organisatrice est remise en cause par le digital, l'individualisation et le concept de "ville as a service" (comme dirait un adepte des plateformes) - ou de ville servicielle.
Pour Patrick Braouezec, Vice-Président de la Métropole du Grand Paris, les métropoles doivent penser rayonnement des métropoles plutôt qu'attractivité et ainsi enrayer l'urbanisation galopante.
La synthèse de GreenSI, c'est que le moteur de la Cité du Futur est bien la plateforme.
Une plateforme qui doit intégrer un rayonnement large, avec une interopérabilité vers les autres plateformes, donc plus inclusif que les modèles qui se développent actuellement. L'interopérabilité qui permet la combinaison des modes de transports peut également être atteinte par une plateforme dédiée à l'optimisation des flux, pouvant également combiner des flux de plusieurs services (la livraison de colis est par exemple un service de transport, comme la mobilité).
Le lancement à Paris des Gobee.bike (verts) et cette semaine des Mobike (oranges), ou leur retrait à Reims décidé unilatéralement par Gobee.bike suite aux incivilités de certains habitants, le tout dans le contexte du "fiasco" du Vélib' dont la bascule d'un opérateur - JCDecaux - à l'autre - Smoove - est en train de tourner au cauchemar (bascule choisie et orchestrée par la Ville de Paris). Cela montre tout l'enjeu pour les collectivités d'arriver à organiser autrement le service de mobilité de demain.
Les collectivités ne pourront pas se priver des initiatives privées et du foisonnement d'innovations (et donc de financements) qui s'y attachent. Elles pourront également opérer seules, ou via un délégataire, les opérations de ce qui ne sera à l'avenir qu'une partie du service. Mais pour les citoyens, dans une logique de ville servicielle, elles devront également favoriser les échanges et l'interopérabilité et peut-être étendre leur compétence sur les données pour cela.
Signe des temps, la Ville de Paris organisait également cette semaine des ateliers "Rendez-vous Data", lancés par Anne Hidalgo elle-même. Deux jours de réflexion sur la donnée au service de la transformation et de l'open data. Pas l'open data "1.0" de la simple transparence mais celui des échanges de données de qualité, que l'on retrouve dans les plateformes de données comme opendatasoft, mais également au cœur des projets Smart City de seconde génération comme "ONDijon" celui du Grand Dijon.
Ce cas d'école du "vélo parisien début 2018" est également la révélation que les acteurs chinois peu connus peuvent maintenant débarquer sur de nouveaux marchés en France, comme les plateformes américaines l'ont fait ces dix dernières années. Pour Fleur Pellerin il y a encore des places à prendre dans ce domaine des solutions pour la Smart City avec de l’innovation « made in France », à la French Tech de s'en saisir.
Pour GreenSI, la Smart City c'est la ville à l'ère du numérique, c'est à dire la réinvention des usages de tous les acteurs par le numérique dans un même système complexe.Cela va demander plus de cohérence et de coordination que le numérique dans d'autres secteurs ne reposant que sur la libre concurrence, donc nécessairement de l'open innovation.
Maintenant, quelle serait l'alternative aux plateformes, souvent associées au contrôle par peu d'acteurs et donc la suspiscion d'un service biaisé aux règles pas toujours claires ?
Maddy Keynote a exploité le filon du buzz de la blockchain dans tous ses thèmes. Finalement en tant que nouvelle architecture de confiance décentralisée, la blockchain est une alternative au remplacement des architectures très centralisées des plateformes.
Dans les domaines où ces architectures vont se développer à grande échelle, comme c'est le cas avec pour l'instant uniquement les crypto-monnaies, c'est l'opportunité de redistribution de la puissance économique, notamment celle des premiers entrants comme les GAFAs.
Certes, mais pour GreenSI cela semble un peu tôt pour rencontrer des blockchains dans les projets sur le terrain. On est donc au mieux à la phase d'investissements avec certainement beaucoup d'échecs pour se confronter à la réalité (énergétique, économique, pouvoir,...)
Pour la Smart City qui cherche encore son modèle et son organisation GreenSI pense qu'on n'y est pas encore. Les premiers entrants des dix dernières années ont construit des "cathédrales technologiques" qui ont mal vieilli seules, car elles n'étaient pas ouvertes. Elles ont rarement développé l'avantage du premier entrant et les nouvelles plateformes n'ont aucun mal à proposer leur offre. Donc avant d'aller explorer avec la blockchain l'ouverture totalement décentralisée, GreenSI voit plutôt pour la Smart City une étape intermédiaire de multiples plateformes interopérables.
Ce qui semble sûr c'est que la Cité du Futur aura besoin d'une architecture numérique qui influencera fortement le développement de ses échanges, et son propre développement. Les collectivités devraient s'en emparer dès maintenant et réfléchir à comment exercer cette nouvelle influence numérique qu'elles doivent pouvoir incarner, sinon pour les citoyens ça risque rapidement de faire pschitt... ;-)