mercredi 19 juillet 2017

CDO : Chief Data & Intelligence Officer

Le dernier billet de GreenSI abordait la façon de penser les données dans l'entreprise à l'ère du digital: devenir data-boulimique, a l'instar des GAFAs dont la puissance repose autant sur la quantité de données qu'ils ont accumulées que sur leur capacité à les exploiter en temps réel.

Rater cette révolution de la donnée étant, pour GreenSI, le moyen le plus sûr de rater la révolution suivante, celle de l'intelligence artificielle, dont le volet qui attire le plus les investissements concerne l'apprentissage (machine learning) et reposera justement sur cette capacité à collecter en masse des données et agir en temps réel.

Dans ce contexte, le rôle du CDO (Chief DATA Officer), moins glamour dans la presse que celui de l'autre CDO (le Chief Digital Officer), est certainement promis à un bel avenir dans les entreprises qui ont pris conscience de cette évolution amenée par les technologies numériques.


Un avenir qui après l'ère "post-PC" marquée par le développement du Social + Mobile + Cloud (qui a fait l'objet des premiers billets de GreenSI dès 2010 sur la transformation numérique) sera marqué pour Gartner par un nouveau triplet : Intelligence + Digital + Mesh.
Dans Intelligence, se cache la révolution de la donnée et les débuts de l'intelligence artificielle en entreprise. La donnée est donc la matière première de la révolution des systèmes intelligents, ou "Smart", préfigurée par l'arrivée des objets intelligents, des applications intelligentes et des premières applications de l'intelligence artificielle en entreprise.

La question de la gouvernance de la donnée dans l'entreprise devient donc centrale pour libérer ce potentiel.

L'erreur serait de confier cette question uniquement à la DSI sous prétexte que, historiquement, la DSI gère les infrastructures sur lesquelles sont stockées les données. Ce serait une erreur car la DSI ne porte pas de résultats financiers (P&L) or l'enjeu c'est bien l'avenir des services de l'entreprise pour se développer avec les données ou l'avantage compétitif délivré par des processus plus réactifs.

Le cabinet d'analystes Gartner qui a réalisé fin 2016 une enquête sur cette fonction auprès des CDO dans les entreprises clientes de ses services, estime que leur nombre a déjà atteint 3.500 au niveau mondial, et que c'est l'un des segments les plus dynamiques des cadres d'entreprises. Il prévoit même une certaine compétition entre les entreprises pour attirer les talents et donc un turnover rapide des candidats aux États -Unis.

Contrairement aux Chief Digital Officers, qui peuvent se plaindre de ne pas avoir de grandes équipes ni même parfois d'avoir un budget dédié, le "CDO Office" devient une nouvelle fonction commerciale dans les organisations, reprenant parfois les fonctions et les équipes opérationnelles d'équipes existantes comme celles de la qualité des données, de l'intégration de données ou de la gestion des bases de données (MDM, Marketing,...). Le développement des "CDO Office" étant la tendance de 2017 et selon Gartner leur budget en croissance de plus de 66% atteignent déjà en moyenne les $6,5 millions.

En Europe l'adoption des CDO est en retard par rapport aux Etats-Unis, selon le CDOclub qui organise des conférences dans le Monde pour rassembler les CDO (qui en dénombrait également 3.000 en 2017).

En France, l'EBG et Informatica ont animé cette année un groupe de travail pour mieux cerner les profils des CDO et auquel j'ai participé. Ce baromètre sur les nouvelles missions du CDO sera présenté le 19 octobre 2017 et permettra de mieux éclairer ces missions en France et de montrer leurs évolutions par rapport à 2016.

De l'analyse de GreenSI, l'enjeu de la fonction CDO n'est pas de rationaliser l'existant en matière de système décisionnels souvent imparfaits, mais de permettre le développement du "smart", de l'innovation stratégique autour des données, et des nouveaux business. Dans ce contexte les missions du CDO sont donc clairement tournées vers le développement de toute l'entreprise par les données et notamment :
  • l'orchestration du changement vers une culture axée sur les données,
  • les projets d'innovation commerciale avec les données,
  • la mise en œuvre, seul ou avec les autres directions, de la valorisation de ces données.
L'étape juste après la donnée étant celle de l'algorithme, dans certaines entreprises les CDO devront essayer de développer les capacités de l'entreprise à analyser ces données avec les nouveaux moyens que leur amènent maintenant l'Intelligence Artificielle.
Ce que nous apprennent sur ce sujet les GAFAs et l'analyse de CB insights ci-dessous, c'est que le moyen le plus rapide d'acquérir ces compétences reste encore de faire l'acquisition des startups qui ont démontré qu'elles les avaient...


Leur appétit a commencé il y a 4 ans et les choses semblent s'accélérer.
Enfin, la gouvernance des données ne doit pas être oubliée dans les fonctions du CDO, en lien avec les autres organes de gouvernance de l'entreprise.

Notamment dans la perspective de la nouvelle réglementation européenne RGPD (GDPR en anglais) qui entrera en vigueur en mai 2018. Mais celle-ci ne doit surtout pas prendre le dessus sous peine de concentrer les énergies à expliquer pourquoi il ne faut rien faire à cause des risques, au lieu d'imaginer les moyens de développer la création de valeur et la génération de revenus. L'éternel problème du verre à moitié plein ou à moitié vide. 

Pour GreenSI ce risque est réel car la RGPD (avec ses pénalités pouvant aller jusqu'à 4% du chiffre d'affaires mondial)  jette la confusion sur les enjeux des données dans les organisations qui seront mal préparées. Tant mieux pour ceux qui voient le verre à moitié plein, ils prendront de vitesse leurs concurrents moins optimistes.
Même si la réciprocité est prévue par le RGPD et qu'indirectement la réglementation s'applique donc aux sociétés non européennes qui ne peuvent en tirer un avantage concurrentiel direct sur les sociétés européennes, les GAFAs sont aussi des experts en réglementation et gestion du temps, comme le montre cette semaine l'annulation du redressement de Google...


La transformation numérique des entreprises aborde donc un nouveau virage, celui de l'Intelligence Artificielle.

Le CDO et le "CDO Office" quand il s'agit d'une entité marketing ou commerciale déjà structurée dans l'entreprise, vont y jouer un rôle majeur d'accélération pour repenser les services de l'entreprise autour de la valorisation des données tout en contribuant à mettre en place une nouvelle gouvernance des données.
Ce rôle de Chief Data Officer n'est pas nouveau puisqu'il est identifié depuis au moins 2013, mais les budgets et les outils sont aujourd'hui là pour qu'il ait un impact de plus en plus grand dans les organisations.

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