Une plateforme qui connectera tous les objets de l'entreprise, en remontera les données via un réseau et exposera ces données sous la forme d'API prêtes à s'intégrer dans vos applications ou sous la forme d'un tableau de bord prêt à l'emploi. L'internet des objets serait donc en train de réaliser sa promesse de 30 à 50 milliards d'objets en 2020 et surtout des milliards d'économies en performance industrielle et nouveaux services ?
Mais ce qui ne rassure pas GreenSI ce sont toujours les discours un peu trop marketing, avec des idées simplistes qui sèment la confusion chez les décideurs IoT, qu'ils soient en train d'urbaniser leur "smart city" ou de moderniser leur "usine 4.0". Ce billet va essayer d'éclairer une de ces idées, souvent poussées par ceux qui auraient un intérêt à ce qu'elles se réalisent...
L'internet des objets sera interopérable
Pour GreenSI, dans l'idée même de l'internet des objets, donc une nouvelle ère de l'internet qui va connecter à l'échelle de la planète les objets en plus des humains, la notion d'interopérabilité finira par s'imposer.Un feu rouge ou un réverbère de marque X devra pouvoir envoyer des informations à une plateforme Y par le réseau Z. Cette interopérabilité sera soit "restreinte" au sein de grands écosystèmes qui auront décidé de partager des standards communs, soit native par l'émergence de standards plus globaux comme dans la v1 de l'internet avec IP ou Http.
A la clef, notamment au niveau des équipements et des réseaux, la capacité de trouver les business modèles qui financeront cet internet avec des logiciels plus intelligents qui dégageront des économies ou de nouveaux revenus en exploitants ces nouvelles données.
Sans cette valorisation, l'internet des objets sera stérile et surtout non financé, mais comme pour la ruée vers l'or il aura enrichi les vendeurs de pioches.
On se souvient il y a 30 ans du hardware "PC compatible IBM" qui en se déployant a été le fédérateur de l'industrie logicielle qui a pu se développer comme on l'a connue par la suite.
Si cette interopérabilité n'arrive pas, l'internet des objets risque d'être réduit à un "Internet des silos" comme l'appelait Philippe Krief de la fondation Eclipse dans une de ses conférences.
Des silos comme aujourd'hui les distributeurs automatiques de billets (DAB), ces objets connectés partout en ville depuis 30 ans qui continuent de ne délivrer que des billets, avec une interopérabilité limitée aux banques - on peut retirer des billets dans le DAB d'une banque en ayant un compte dans une seconde - alors qu'en 30 ans ils auraient pu devenir multi-services et générer des revenus additionnels (au delà du chargement des cartes de mobiles).
Tous ceux qui ne jurent que par une plateforme unique, voir un duopole, ont certainement l'agenda caché de vouloir reproduire le réseau des DAB et de vendre de pioches.
Le billet publié cette semaine sur Les Echos pour "Faire de la France un nouveau laboratoire mondial de l'Internet des objets" a attiré l'attention de GreenSI.
La première vision simpliste de ce billet est de ne mettre en avant que la partie réseau alors que la plateforme IoT commence bien sûr par les objets. Et la France regorge de Fablabs pour les fabriquer, c'est une compétence reconnue et enviée, comme avec celui #FrenchTech d'Orléans : le Lab'O.
La France a aussi un mouvement des "makers" très dynamique et même d'une Citée de l'objet connecté à Angers, également #FrenchTech, une ville qui va accueillir en octobre 2017 le prochain WEF, le forum mondial de l'électronique, une technologie de base de l'IoT. L'atout de la France sur ce premier niveau du modèle IoT est donc certain. Sur le niveau des applications également il ne fait aucun doute.
La seconde vision simpliste est surtout de limiter les réseaux connectés aux objets à deux réseaux, Lora et Sigfox, ceux qui ont certainement les budgets marketing les mieux fournis.
Pourtant l'IoT en France et l'avenir de l'Internet ne s'écrira pas avec seulement ces deux sigles, souvent seuls cités par la presse. Même en France ça n'est déjà plus le cas quand on analyse les usages dans le détail et aux États-Unis l'histoire reste à écrire.
Il y a bien sûr de multiples moyens de connecter les objets industriels en commençant par le Wifi 802.11 où la bonne vielle carte SIM en 3G ou 4G. Et puis ce serait oublier les réseaux déjà en place dans les villes pour télé-relever en France les compteurs d'eau et de gaz (LPWA 169Mhz) et qui sont autant d'atouts pour la France comme laboratoire de l'IoT pour tous les usages dans l'environnement ou pour la performance énergétique quand on recherche une longue portée et une très faible consommation d'énergie ou capter à l'intérieur des bâtiments.
Sans compter comme nous le rappelle l'analyste Gartner, les réseaux qui arrivent prochainement à maturité comme la 5G ou le NB-IoT et qui vont redistribuer les cartes. Les standards sont donc encore largement ouverts.
Sur le long terme, la question de la technologie réseau est surtout celle de sa pérennité pour l'entretenir et maintenir un coût d'accès (abonnement) abordable.
La pérennité des acteurs financés par des levées de fonds sera fonction de l'atteinte rapide des objectifs commerciaux fixés par les actionnaires. A l'inverse avoir une première base installée d'usages stables comme le comptage des fluides et une roadmap de déploiement du réseau financée pour cet usage jusqu'en 2022, avec des engagements jusqu'en 2042, est certainement un atout solide pour la longue portée 169MHz et son Alliance Wize. La technologie n'est donc pas tout dans ces choix, l'existence de suffisamment de clients avec des usages sur le moyen-long terme est aussi essentiel.
Alors pour ne pas tomber systématiquement dans la simplification, l'image à garder pour le moyen terme c'est d'imaginer l'internet des objets comme un internet interopérable à trois niveaux, les objets, les réseaux (via des gateways) et les plateformes pour développer les usages.
Il y aura des milliards d'objets mais aussi des dizaines de réseaux disponibles sur un territoire, et c'est tant mieux pour réduire les futures zones blanches et choisir le réseau le plus adapté en fonction des usages souhaités.
Un internet des objets plateforme de développement
L'Internet des objets doit être également être vu comme une plate-forme de développement aussi diversifiée et interopérable qu'innovante. Il impacte déjà les architectures des SI pour intégrer le temps-réel et la sécurité et fait en fait émerger de nouvelles.Diversifiée car comme pour les réseaux, il serait illusoire de croire qu'il n'y aura que quelques plates-formes sur lesquelles on pourra développer les technologies de l'IoT.
L'histoire des GAFAs qui ont dominé l'Internet 1.0 et 2.0 avec leurs plateformes mondiales centralisées ne sera pas facile à reproduire pour l'Internet des objets car il faudrait être à la fois leader sur le matériel, de la voiture au bracelet montre en passant par la machine outils, et en même temps sur le logiciel dans tous les métiers de l'entreprise.
Android a certes pris un temps d'avance mais Android est ouvert et pour l'instant son modèle n'est pas celui du contrôle.
L'analyste IDC présente un classement des éditeurs de plateformes, qui se verraient bien en nouveaux GAFAs de l'Internet des objets: IBM Watson, PTC Thingworx, GE Predix...
Des plateformes qui sont fonctionnellement redondantes en partie avec les services offerts par ceux qui opèrent les réseaux pour gérer les objets ou les configurer. En revanche elle vont plus loin sur le traitement des données et les tableaux de bords temps réel.
Mais comme trop souvent dans ces classements d'analystes, les solutions open source sont oubliées. Ce graphique n'est donc pas complet et les revenus de ces éditeurs ne sont pas pertinents pour apprécier les leaders d'une chaîne complète "objet - réseau - plateforme - applications smart".
Or dans l'Internet des objets l'open source est omniprésent dans les choix logiciels mais aussi matériels, par exemple avec la plateforme de cartes Arduino, un standard ouvert qui permet de faire des prototypes d'objets ou avec le Raspberry Pi sous Linux pour plus de puissance de calcul embarquée.
La société Smile a d'ailleurs écrit un ouvrage pour recenser les solutions open source pour l'IoT et un autre pour les solutions Linux dans des systèmes embarqués. On pourra y vérifier le poids de l'open source.
Côté logiciel on va retrouver l'incontournable Node-RED qui permet de créer le "câblage numérique" nécessaire pour les données le long de ces nouvelles chaînes de mesures. Un code qui s'exécute ensuite soit dans l'objet soit dans le Cloud.
Ensuite côté portails ou applications mobiles pour développer les usages et valoriser les données, l'open source a déjà démontré sa capacité à être une plateforme incontournable pour de simples applications web (Symfony2, Angular, ...) à l'analyse des données massives (Hadoop, Spark...).
Donc pour échapper au chant des sirènes marketing, la bonne question à poser aux vendeurs de technologies est finalement simple: comment votre solution est interopérable horizontalement avec vos pairs et verticalement dans la chaîne de communication ?
Si elle ne l'est pas aujourd'hui, elle devra l'être demain, sinon les projets IoT termineront dans les limbes de "l'internet des silos". Des silos souvent relayés par la presse et les analystes qui aiment bien les histoires simples, mais après les premiers prototypes, ces histoires simplistes pourraient mal se terminer pour les investissements à long terme.