mardi 20 juin 2017

La transformation numérique au service de la transition énergétique

Cette semaine on ne pouvait pas rater Viva Technology qui revenait, pour sa seconde édition, faire vibrer l'innovation et la technologie mondiale au cœur de Paris, avec quand même une majorité de pépites françaises
.
Mais la technologie n'est rien sans les usages, fusse t-elle un feu d'artifice.

Il était facile de l'oublier en parcourant ces allées occupées par des robots, des drones, des applications les plus folles de réalité virtuelle ou en écoutant le brouhaha des promesses de l'Intelligence Artificielle. Comme pour un 14 juillet, ce fut une parade de l'innovation et de technologies qui démontre la capacité de mobilisation de la France autour du numérique.

Maintenant, imaginons cette déferlante d'innovations, de technologies, et d'énergie de nos jeunes startupeurs, se pencher sur un problème concret qui concernera plus de 70% de la population mondiale en 2050, les citadins. On se dit que rien ne pourra lui résister.

Ce problème c'est celui de l'environnement et de la transition énergétique qui est devant nous mais donc les premiers signes sont déjà visibles : congestion du trafic, pollution de l'air, boulimie énergétique... autant de problèmes communs que les grandes villes vont devoir résoudre.

Les troupes mobilisées pour le résoudre c'est celles de DataCity, coordonnées par le NUMA, pour mobiliser l'intelligence et l'innovation des petites et grandes entreprises afin de réinventer les villes en exploitant leurs données.
Les données, on en parle tout le temps - et personne ne contestera l'entrée dans l'ère de l'économie de la donnée - mais comment les mobiliser collectivement pour une cause commune est la question moins triviale à laquelle s'est attachée ce programme.

DataCity, programme d'innovation ouverte, est donc cette idée simple que la mise en commun des données au niveau d'une ville permet de la réinventer en développant de nouveaux services et en optimisant globalement son fonctionnement. 

C'est par exemple l'analyse de la localisation des tweets la nuit, ou des données (anonymes) des opérateurs permettant d'optimiser l'éclairage urbain là où il y en a besoin, ou d'identifier les lieux de vie nocturne pour adapter l'offre de sécurité à ces zones. Autre exemple, quand la circulation individuelle baisse en ville, ce bénéfice est effacé par l'augmentation annuelle de 15% du e-commerce et des livraisons, de plus en plus rapides. Comment optimiser ces livraisons ?

D'une façon générale les villes ont besoin de mieux connaître en temps réel et à long terme les flux urbains, ouvrant par là de nouveaux modes de gestion et d'organisation des services pour optimiser ces flux, mais aussi délivrer de nouveaux services aux habitants comme pouvoir leur dire s'il est déjà trop tard pour sortir leur bac poubelle ou si le camion n'est pas encore passé.

C'est donc le 6 juin, dans une salle des fêtes de l'hôtel de ville pleine à craquer (plus de 600 personnes) qu'Anne Hidalgo, Maire de paris, a ouvert le "Datacity Demo Day", la cérémonie qui a motivé toutes ces équipes pendant 8 mois pour venir en ce jour y présenter fièrement leurs résultats.


Y sont venus des projets qui mixent toutes les technologies disponibles et toutes les données des opérateurs de la ville, pour de nouveaux usages qui réinventent la mobilité en ville ou l'efficacité énergétique des bâtiments et de la ville toute entière.

Au sein de ces projets se trouvaient des startups qui ont choisi de confronter leurs innovations et leurs technologies à des cas concrets et de relever les défis posés dans chaque domaine par 9 grandes entreprise. 
Ces dernières sont opérateurs ou aménageur de la ville (5 pour la première édition en 2015), comme Bouygues Energie Services, La Poste, Nexity, RATP ou Suez.

Une façon de passer de la technologie à l'usage et en alignant les défis à la cause plus grande de la durabilité de la ville, de faire que chacun contribue à cet objectif commun.

A l'issue de ces tests de prototypes par les startups, les entreprises et la ville de Paris bénéficient des solutions, et les industriels envisagent de déployer ces systèmes dans d'autres villes où ils sont présents.

L'économie mondiale de la donnée ne s'arrête donc pas à la grande porte de la ville.

Pour inventer les services urbains il faut maintenant analyser les grandes bases de données, du public ou du privé, avec beaucoup de données locales. C'est là que les nouvelles technologies de "machine learning" prennent de l'importance.
 

Mais les challenges à cette démarche sont énormes, comme ceux de la protection des données personnelles, du respect de l'intérêt général.

Et en même temps, les salaires des datascientists s'envolent et les économies d'échelle risquent de ne faire émerger que quelques plateformes mondiales (américaines ?) qui seules auront les algorithmes les plus avancés.
Mais le défi est relevé par les villes et une approche collective et coopérative avec les opérateurs est certainement une réponse à ce challenge. Cette démarche DataCity dépasse la seule logique d'opendata généralement mise en oeuvre, car elle la couple à une démarche d'open innovation et lui cherche un modèle économique.

Ce DemoDay ne pouvait d'ailleurs pas mieux tomber juste après l'annonce, contestée partout dans le Monde, du Président américain, de ne pas appliquer l'accord de Paris sur le climat. Le C40 qui réunit les 40 plus grandes villes mondiales, dont la Maire de Paris assure actuellement la présidence, a décidé de riposter et de maintenir ses engagements pour le Climat. Dans les outils à leur disposition, le programme DataCity, déjà répliqué à Casablanca, va donc être amené à être déployé dans ces villes.

La façon dont les données - et tout le numérique - peuvent être mobilisées pour contribuer à atteindre des objectifs environnementaux n'est pas nouveau, mais GreenSI pense qu'elle est maintenant mieux perçue par tous.

Le numérique est le moteur qui fait émerger, en masse, un ensemble de solutions, sans pour autant trouver leur origine dans la réponse à un problème commun. Une "cacophonie technologique" de plus en plus palpable à travers la presse et les salons spécialisés.
De plus, le numérique a encore plus de potentiel avec le passage de l’internet que l'on connaît, à celui des objets connectés et de l'analyse en masse des données par des algorithmes permettant des analyses de plus en plus rapides voir prédictives.

La transition énergétique est un défi commun dont il manque parfois un moteur pour en construire des réponses. Les accords internationaux sont essentiels pour mettre en marche ce moteur et les villes sont en train de prendre le relais. 

Le numérique est donc sans aucun doute un des moteurs de la transition écologique.

Mais le numérique va devoir aussi répondre au problème qu'il créée lui-même en terme de déchets électroniques et de consommation énergétique.

Pour cela, le numérique devra devenir plus vert (Green IT), un sujet pour GreenSI pas encore assez sous les projecteurs de la presse ni enseigné dans les écoles, et surtout en mettant ses technologies au service d'une gestion plus efficace et plus durable des ressources (IT for green) comme DataCity a démontré par deux fois que c'était possible.

Ce que l'on observe avec cette démarche, au-delà de la technologie, c'est l'émergence d'écosystèmes tout aussi essentiels qui travaillent ensemble et se coordonnent. La feuille de route du numérique dans la ville devrait donc se construire autour de trois axes pour "motoriser" la transition énergétique:
  • des données ouvertes, pour trouver une utilité collective et des services concrets, au-delà des discours de souveraineté et d'égos parfois portés par l'open data.
  • des outils « smart », qui s'appuient sur ces données pour optimiser les processus et imaginer de nouveaux usages. L'économie collaborative a montré la voie et à déjà changé la façon de se déplacer avec le co-voiturage.
  • mais surtout des approches « agiles », donc itératives au niveau local, en réponse à la complexité et l’interdépendance des écosystèmes concernés. Il faudra certainement inventer un nouvel urbanisme pour concilier la planification long terme et l'agilité à court terme.
La ville de demain sera nécessairement durable et la transformation numérique est déjà à son service pour relever le défi. Souhaitons-lui qu'elle réussisse.
Previous Post
Next Post
Related Posts

L'humour de ceux qui aiment le numérique