#FlipYourMind est une série de billets de GreenSI sur le thème de la transformation digitale. Ne cherchons pas à agir à l'ère du digital tout en pensant encore comme à l'ère précédente. Si vous lisez ceci c'est certainement que vous avez choisi de prendre la pilule rouge ;-) |
Pour faire sa place dans l'arène des entreprises numériques, tous les retours d'expériences sont formels, il ne suffit malheureusement pas de simplement de nommer un Chief Digital Officer et d'ouvrir une page sur Facebook.
Une fois passée la phase de sensibilisation du management au digital, puis de génération de projets, avec par exemple l'ouverture de Labs ou d'organisation de Hackathons, c'est bien une transformation en profondeur de l'entreprise qui est en jeu maintenant.
Cette transformation va demander de revisiter ce que l'on fait par habitude et de savoir s'il ne faut pas tout simplement arrêter de le faire pour financer, par ces économies, une nouvelle façon de faire exploitant mieux le numérique et son écosystème.
Mais quand il s'agit de systèmes d'information c'est plus facile à dire qu'à faire...
Or, tous les nouveaux produits et services ont maintenant une composante digitale reposant sur de nouveaux systèmes d'information interfacé avec les anciens systèmes. Il va donc être difficile de faire l'impasse sur cette question : comment arrêter de faire comme avant si ça n'a plus de sens?
Dans l'entreprise "non transformée" les donneurs d'ordres (maître d'ouvrage) sont à ce poste parce qu'ils se sont montrés de bons gestionnaires. Ils adorent donc ce qui est prévisible, planifié, et fuient donc l'idée de devoir tout ré-inventer. De plus, leur façon de faire a été codée dans les applications (parfois "en dur"), les tableurs et les méthodes utilisées par leurs équipes, quand ce n'est pas gravé dans la culture du service. Alors ne vous étonnez pas que quand la division X accepte de lancer un nouveau projet, qu'elle demande aussi qu'il n'y ait aucune régression fonctionnelle pour les utilisateurs. Changer la façon de faire n'est pas dans les habitudes !
La non-régression fonctionnelle est devenue un principe directeur de l'évolution des SI !
Alors avouez que dit comme cela on frise la caricature. Cette roue crantée qui doit empécher le retour en arrière est devenue un objectif affiché de stabilité dans un monde pourtant en forte mutation.
Mais au fait, pourquoi ne pourrait-il y avoir de régression? Pourquoi s'interdire de ne plus proposer une fonctionnalité aux utilisateurs?
Parce que c'est écrit dans les contrats? Ils doivent être bien détaillés ces contrats pour confondre la finalité et la fonctionnalité pour l'atteindre!
GreenSI est convaincu que la plupart des barrières qui érigent la non-régression en principe fondateur sont mentales et que le digital nous demande de renverser notre façon de penser. Flip your mind!
Car dans le digital cette notion n'est pas si forte, bien au contraire.
Google est le spécialiste du lancement de services en ligne qui après 12 à 18 mois sont tout simplement supprimés (ex. Wave, Health, recherche dans Twitter en temps réel...) quand ils ne sont pas modifiés (ex. Photos réintégré dans Drive). Idem pour les API de ces plateformes qui évoluent et demandent à tout un écosystème de s'adapter.
La modification des services des GAFAs se fait en fonction des retours de leurs utilisateurs et parfois aussi pour des questions stratégiques. On est très loin de la non-régression.
Cette semaine on a eu l'annonce par le français BlablaCar de sa version de covoiturage pour les trajets du quotidien vers son lieu de travail ("back to the future" pour covoiturage.fr !). Et bien l'application Blabla Lines, lançée pour l'occasion, ne permet pas de payer via la plateforme mais demande de règler... en liquide ! Quelle belle régression fonctionnelle à l'heure de l'internet et d'une des plus belles valorisation française. Cela pourrait faire sourire. Et pourtant Blablacar à raison. Le but est de tester le nouveau service rapidement et de collecter des données sur les usages, pas sur les paiements... CQFD
Ce qui ne surprend pas GreenSI car Blablacar Tech, le bras armé technologique interne de Blablacar est souvent présent pour partager son expérience dans les conférences sur l'agilité et devops, deux démarches qui sont au cœur du développement de sa plateforme.
Donc, pour GreenSI, une entreprise qui conserve la non-régression fonctionnelle comme un principe fondateur est une entreprise qui n'écoute pas ses utilisateurs, ou pire, qui parle pour eux sans les écouter.
Le digital a inversé la notion de donneur d'ordre. Elle transforme donc le rôle de la maîtrise d'ouvrage (voir MOA, lâchez prise sur la maîtrise des usages).
Certains comme ING Direct l'ont bien compris et depuis longtemps. Cette banque s'est engagée dans l'agilité en 2015 avec comme résultat visible pour ses clients que même pour une opération aussi simple qu'un virement de compte à compte, celui-ci peut décider si cela lui convient. Aujourd'hui le client est satisfait mais un jour peut être ce ne sera plus le cas, car les usages auront changés ou que la fonction ne sera plus adaptée, par exemple à un nouveau terminal qu'il a décidé d'utiliser.
Agir à l'ère du digital c'est aborder la construction de nouveaux services avec le design thinking et l'agilité sous toutes ses formes.
Penser à l'ère du digital, c'est abandonner la non-régression fonctionnelle comme un A PRIORI incontournable.
Oui, on peut repartir de "presque zéro" dans une relation clients avec un "minimum viable product" (MVP) qui reposera les bases et un socle de concepts fondamentaux pour la reconstruire, puis l'ouvrira à des clients recrutés pour construire cette nouvelle relation ou de nouveaux clients. Ensuite, c'est la démarche agile et "lean" qui permet d'itérer sur ce socle, service après service, en fonction de la priorisation des clients, mesurée en conditions réelles.
Pour cela, il faudra oublier le développement de produit tel qu'on le connaît, où la régression fonctionnelle est un clapet anti-retour et anti-innovation, pour passer au développement des clients et de la relation clients.
Le rôle du MVP - Minimum Viable Product - est d'ailleurs de recueillir les retours des clients pour tester ce socle et les nouveaux services. C'est ce que nous rappelle Blablacar Lines. Et peut-être qu'à l'issue de ce test un "pivot" permettra de repositionner le modèle sur la véritable attente des clients une fois mesurée et connue.
Dans "MVP" il y a le mot "minimum". Mais la culture du management de l'entreprise n'est pas habituée à ce mot qui y est peu valorisé. Il est plus facile de s'annoncer comme porteur du projet "Méga truc" ou "Super bidule", que du "produit minimum". Là, on voit que la culture de l'entreprise peut aussi nous freiner ;-)
Pourtant, "minimum" n'indique pas un manque mais au contraire une formidable opportunité de construction. Ceux qui l'ont compris ont développé des services ré-inventés. Les autres ont reproduit dans le monde digital ce qu'ils avaient déjà et surtout sans cette rupture créatrice de valeur pour l'entreprise.
Pour GreenSI seul le développement de cette culture, en trouvant les bons leviers pour changer les comportements, permettra aux managers de faire des choix audacieux sur les sujets du numérique, et de réellement engager une transformation digitale entrée dans sa phase de changements en profondeur.
Ne ratez pas le prochain billet #FlipYouMind