lundi 21 mars 2016

La fin justifie la position, les moyens suivront !

La victoire de Google AlphaGo, le programme d'intelligence artificielle (IA) de sa filiale DeepMind, contre un champion européen il y a quelques mois (5-0) et contre le champion du monde Sud-Coréen (4-1) la semaine dernière, nous démontre que les algorithmes font de sérieux progrès dans le raisonnement et les processus dé décision.

Un domaine où l'Homme est un expert, maintenant challengé par la machine, mais où l'entreprise est souvent un mauvais élève, challengé elle par les startups.

Le Go, comme les Échecs, est un jeu de stratégie combinatoire abstrait. La victoire temporaire ou définitive (la capture d'un prisonnier, d'une pièce aux échecs, le mat...) s'obtient par une combinaison à partir d'une position permettant de la jouer. La stratégie consiste donc à jouer pour se créer des opportunités de combinaison gagnantes. On ne pense pas la victoire mais les conditions de la victoire que l'on créé à chaque mouvement, dès l'ouverture.

Pour avoir joué aux échecs pendant très longtemps, j'avais déjà remarqué qu'avec le numérique ce même type de stratégie de positions, non totalement déterministes depuis l'origine, se retrouvaient, voire étaient favorisées. Qu'il fallait savoir placer des pièces et sortir des pions à l'avance qui serviraient plus tard.


Voici pour GreenSI cinq signes des liens entre numérique et stratégie de positions :

LE PIVOT: pivoter est le mot à la mode dans les startups qui cherchent encore leur business modèle. Ce qui ne les empêchent pas de se faire financer !

Critéo par exemple, où Jean-baptiste Rudelle son fondateur aborde son aventure dans un livre (On m'avait dit que c'était impossible), et qui a changé quatre fois de modèle économique avant de trouver à quoi pouvait bien servir la technologie de catégorisation qu'ils avaient inventé. C'est la dernière combinaison qui était la bonne et leur a permis de devenir le numéro un mondial de la publicité à la performance (l'annonceur ne paye que si l'internaute clique).

Google évalue les sociétés qu'il rachète sur la valeur potentielle des données qu'elles capturent. Une approche qui permettra le pivot des produits et services autour d'un coeur de données qui vont les rendre possibles.


L'AGILITE: la démarche itérative de construction qui pose un socle et itère dessus en priorisant en permanence les nouvelles fonctionnalités de chaque itération, suite aux retours des itérations précédentes. Elle permet aussi le "lean", c'est à dire l'amélioration continue et l'entreprise "apprenante".

Avec l'agilité la notion de "victoire" est définie au départ, et concerne la satisfaction du client ou de l'utilisateur, la motivation des développeurs (sprint goal) et se gagne, combinaison de coups après combinaison, sans savoir jamais prévu totalement au début ce qui sera réellement livré à la fin. La seule chose dont on sera sûr, c'est que l'on aura gagné la satisfaction client ! Car c'est la seule chose que l'on suit pour décider du coup suivant. Et en faisant cela, on se créé un terreau favorable d'opportunités facilement atteignables et visibles par les clients.


L'ARCHITECTURE: c'est le fondement du SI et bien sûr de l'entreprise numérique. La capacité de ce socle est une position déterminante pour trouver ensuite les combinaisons gagnantes dans les projets.

Imaginez que votre SI est totalement ouvert en API sécurisées comme Amazon l'a imposé à ses équipes. Tout nouveau projet devient un simple portail qui réutilise ces données sans se préoccuper de savoir où elles se trouvent, ni d'aller "négocier" avec des responsables d'applications qui les garderaient un peu trop fermées...

Tout projet se réaliserait plus rapidement qu'aujourd'hui. Mieux, cela éviterait les redondances de données que ce projet aurait amenées, s'il avait fait tout seul.


Le respect de l'architecture la renforce et ouvre encore plus de nouvelles combinaisons gagnantes.

L'EXPERIENCE UTILISATEUR (UX) : elle permet de qualifier le bénéfice et le ressenti de l'utilisateur lors de l'utilisation d'un objet fonctionnel ou d'une interface homme-machine.

Pour en faire une victoire, qui se traduira par l'adoption massive de la fonctionnalité, elle demande elle aussi un socle et un tâtonnement autour de ce socle. Elle n'est pas une fonctionnalité en tant que telle, mais se traduit dans la façon d'amener chaque fonctionnalité.

Elle réduit drastiquement l'effort de conduite des changements lors de la phase de déploiement puisque l'utilisateur adhère et adopte le produit qu'il a co-construit. l'UX prépare donc les opportunités dans l'adoption qui conduiront à la victoire.

LA MARQUE: comme l'expérience utilisateur, elle traduit une promesse de l'entreprise, qui devient ensuite une attente de ses clients ou de ses employés quand on parle de marque employeur.

Elle est très présente dans l'économie traditionnelle, mais devient encore plus déterminante dans l'économie numérique. Ce n'est donc pas un hasard que les marques du numériques trustent les classements internationaux toutes catégories confondues.



La marque ne se construit pas en un jour, mais progressivement avec chaque nouvelle initiative de l'entreprise.

Elle représente la stratégie de position par excellence, qui se traduira ensuite en combinaisons gagnantes. Deux entreprises positionnées différemment auront des résultats différents pour le lancement du même produit ou service. D'où l'importance à attacher a ce positionnement.

Des produits qui pourront émerger de façon plus ou moins efficace si les territoires fertiles, qui permettront les combinaisons gagnantes et le pivot rapide, ont bien été préparés avec : l'architecture, l'expérience utilisateur ou l'agilité.

Le cerveau de l'homme excelle dans ces jeux de positions (Echecs, Go, Dames, Othello, Shogi, Awellé, ...) et ce depuis très longtemps sur tous les continents. Pourtant l'entreprise traditionnelle n'est clairement pas un bon élève des stratégies de positions.

Elle a du mal a abandonner ses modèles et son mode de pensé totalement déterministes. A chercher la victoire en un coup, ou une seule combinaison. C'est peut-être pour cela que de nouvelles formes d'organisation émergent (entreprise libérée) pour se fier plus à l'Homme et moins aux concepts déterministes imaginés à Harvard il y a longtemps. En attendant que la machine excelle aussi dans ce domaine et remplace l'Homme par des algorithmes...

L'entreprise traditionnelle adore les processus ! Le mode de pensée rassurant qui a justement tout prévu à l'avance.

Elle pense schéma directeur avec une suite de projets qui vont délivrer les fonctions de demain. Quand ce n'est pas un plan quinquennal. Et bien sûr le temps de concevoir ces projets gagnants, de les décider et de les mettre en oeuvre, il ne va rien se passer. Car dans les 12 prochains  mois,Uber restera un mode transport, Amazon un libraire et Salesforce un outil de CRM. Et certains consultants en font leur gagne pain...

Vous y croyez vraiment ou on vous oblige à le croire ?!


Non bien sûr !

Uber sera aussi un mode de livraison de colis et peut-être un loueur de voitures, Amazon est déjà une plateforme d'objets connectés et d'intelligence artificielle au cœur de la logistique de la maison qui anticipera tous vos besoins, et Salesforce est aussi une plateforme d'objets connectés et de développement pour l'entreprise numérique qui vise les marchés mondiaux. Peut-être même sans passer par la case DSI... Tout schéma directeur de plus de 18 mois doit se concentrer sur les plateformes et les compétences et non sur les projets. Sur la position qui permettra les combinaisons. Car le temps qu'ils arrivent le monde numérique aura déjà changé.

L'entreprise agile doit donc penser Positions, Architecture, Marque, Expérience Utilisateur, pour créer le terreau favorable lui permettant de rapidement lancer un nouveau produit, de le déployer ou de Pivoter.

La stratégie à adopter n'est donc pas de chercher la bonne combinaison aujourd'hui, mais de créer en permanence le terreau favorable qui créera les opportunités de demain. Et pour cela, tout projet, même minime, qui permet l'acquisition d'une nouvelle compétence clef, doit être lancé immédiatement, pour un apprentissage rapide et une consolidation de cette compétence dans une plateforme.

Les plateformes du numérique sont la concrétisation de l'accumulation des combinaisons qui conduiront à la victoire. C'est le nouveau terrain de jeu qui remplace le goban ou les 64 cases du plateau d'échecs, dans une économie devenue mondiale et temps réelle avec Internet.

Le jeu de Go est ancien. Il n'a pas attendu l'ère numérique pour démontrer l'excellence du cerveau humain pour les stratégies combinatoires.
Mais alors pourquoi :
  • la plupart des entreprises on a du mal à adopter ces stratégies et se complaisent dans le déterminisme et la recherche de la combinaison gagnantes sans les avoir jamais préparées?
  • de savoir ce qui va être fait dans 18 mois semble plus important pour les décideurs, même si on perd le marché ou rate le projet, que d'avoir gagné le marché sans savoir 18 mois avant comment on allait faire ?
  • personne ne veut financer les infrastructures, l'apprentissage de nouvelles compétences ou l'architecture, alors qu'elles sont clefs pour les opportunités de l'entreprise de demain ?
  • on pense encore applications et non plateformes, et que l'égo du chef de projet, ou sa "business unit" sont plus importants, que sa contribution à une démarche de construction collective ?
GreenSI appelle à penser stratégie de positions.  Et à oublier le vieil adage: "la fin justifie les moyens".

Non ! La victoire justifie surtout la position que l'entreprise numérique doit prendre. Les moyens suivront au fur et à mesure des premiers retours des explorateurs de ces nouveaux territoires conquis !

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