Animateur de la table ronde, GreenSI a choisi d'y revenir cette semaine pour illustrer la formidable évolution des usages qui va de pair avec la transformation numérique des villes.
Avec 2,2 milliards de personnes interconnectées via leur smartphone (+23% en 2014.), 4,9 milliards d’objets connectés en 2015, dont une majorité individuels, et 25 à 50 milliards annoncés en 2020 selon les estimations, le plus grand "rassemblement" d'humains sur la planète, c'est le Cloud.
En dix ans, le Cloud est devenu une place de marché globale autour
de laquelle
s'organisent les échanges, se creusent les inégalités (entre ceux qui y
ont accès et les autres) et se redistribuent les cartes.
Un
rôle que la ville a joué ces 2000 dernières années, quand elle s'est
construite autour des échanges économiques, au carrefour des routes, et a
développé sa propre sécurité, parfois même sa propre monnaie. Mais son
modèle n'est devenu dominant que ces 200 dernières années, avec
l'arrivée de nouvelles technologies (assainissement, eau,
électricité...) rendant ce modèle "dense et vertical" efficace et
tenable. En France, c'est 80% de la population (statistiques) qui vit aujourd'hui en milieu urbain.
Cette première étape franchie, la ville
de demain sera celle qui saura entrer en symbiose avec le Cloud.
Pour cela, mobiliser l’intelligence de ses citoyens pour rendre son modèle durable et encore plus efficace. Car
le Cloud, c'est à dire l'ensemble des services numériques et des
données auxquels les internautes peuvent accéder depuis leur smartphone,
leur ordinateur et leurs objets connectés, est en train de s'imposer
pour produire de nouvelles formes d'organisations dans tous les
secteurs.
Dans les transports, au delà de la question de la remise en cause des réglementations existantes, il
n'y a aucun doute sur le fait que, la géolocalisation des personnes et
de l'offre, permet d'optimiser le système de transport, et donc, entre
autres, de réduire la pollution. Que ce soit pour prendre un taxi, connaître l'offre de transport en commun ou pour trouver la voiture partagée la plus proche.
La pollution, sujet majeure des villes qui revient régulièrement sur le devant de la scène, et cette semaine avec un rapport du Sénat
qui en montre l'aberration économique. Alors pourquoi ne pas imaginer à
moyen terme, des villes ne reposant que sur un parc de véhicules de
transports partagés et mutualisés pour tous les habitants?
Dans
les services de proximité, le prêt d'un appareil entre voisins
(perceuse, tondeuse,...) est plus économique, pour son portefeuille et
pour l'environnement, qu'aller en voiture en louer un à 40 km, puis le
ramener 2h plus tard. Surtout que ces appareils sont utilisés un faible
pourcentage de leur temps. L'économie du partage, c'est souvent celle du
bon sens.
C'est donc de la capacité non
utilisée qui est in fine proposée, au lieu de produire un nouvel
équipement, et d'utiliser plus de ressources. Quand
on y réfléchi, la densification des villes n'a pas encore exploité la
surabondance des équipements (amenés par les habitants) par rapport aux
besoins globaux. Une approche qui d'ailleurs n'est pas sans rappeler l'origine du... Cloud!
Et
oui, quand on possède ses propres datacenters, ils sont dimensionnés
"sur la pointe", et en général utilisé à moins de 50% de leur capacité.
Pire, ces serveurs sont alimentés 100% du temps, car on a pas encore
inventé le serveur "start & go" comme dans l'automobile. Une
capacité non utilisée, qui a donné l'idée à Amazon, au départ un simple libraire sur internet, d'imaginer AWS (Amazon Web Services) pour partager cette capacité inutilisée et développer un nouveau modèle d'hébergement mutualisé, depuis devenu célèbre et générant une bonne partie de ses revenus.
Le
Cloud et la ville ont donc beaucoup à partager. Avec au moins deux
impacts qui ont été débattus lors de la table ronde rassemblant des
élus, des "aménageurs" du territoire, physique ou numérique, et des
startups (qui seront cités par la suite):
- la fin des cathédrales technologiques centralisées
- le rôle de l'économie collaborative
La fin des cathédrales technologiques centralisées
La
ville a abordé, ces 10 dernières années, sa transformation numérique
avec l'organisation de véritables "schémas directeurs" d'évolution vers
des "villes intelligentes". S'appropriant le
terme "Intelligente", ou "smart", pour mettre en avant le potentiel
d'optimisation de son modèle qu'il lui reste à optimiser avec le
numérique, après avoir organisé presque totalement l'espace physique.
Barcelone et Montréal,
par exemple communiquent largement sur cette transformation engagée des
deux côtés de l'Atlantique. Car c'est bien de l'optimisation d'un
modèle d'organisation dont on parle.
Mais l'image (communiquée par les premiers projets)
du "Centre de Commande" qui contrôlerait tout dans la ville, via la
technologie et la collecte de toutes les interactions qui seraient
analysées en temps réel, est en train de s'estomper.
Une illusion entretenue, sans surprise, par les budgets marketing des vendeurs de technologies comme IBM ou Cisco, pour ne citer qu'eux.
Le
Cloud et ses économies d'échelle, montre que les capteurs, les réseaux
et les citoyens connectés sont bien dans la ville, mais que les services se développent plus facilement dans le Cloud, parfois à l’échelle de la planète.
La question pour la ville, n'est donc pas de construire son "centre de commande" centralisé et ses services, mais de s'assurer qu'elle est bien "cloud ready" pour bénéficier des prochaines innovations qui vont déferler de cette plateforme de services.
Cloud ready:
c'est à dire vérifier que, du citoyen à l'accès au Cloud, il y a de
moins en moins de barrières pour développer, partout, de nouveaux usages
avec de nouvelles plateformes de services. Les retours d'expériences
des dernières années montrant que la difficulté principale est bien au
niveau de la participation citoyenne, et de la réduction de la fracture
numérique. C'est donc sur ce terrain que l'élu doit maintenant
convaincre, évangéliser et lever toutes les barrières.
L'excellente
nouvelle amenée par cette vision est pour les villes de tailles
intermédiaires. Celles qui n'avaient pas les moyens de suivre la
surenchère des budgets des premiers projets de "Smartcity". Car elles
vont pouvoir accéder a des plateformes mutualisées, en développer localement les usages, et sans en payer totalement les investissements.
Et pour sensibiliser ces villes aux enjeux du numérique, Pascale Luciani-Boyer, élue à Saint-Maur des Fossés et membre du Conseil National du Numérique, a compilé un ouvrage qui se veut éclairant pour les décideurs politiques et administratifs de la puissance publique: l'élu(e) face au numérique.
Un
ouvrage qui fait prendre conscience aux élus de l'évolution demandée
des compétences territoriales, depuis les NTIC, en passant par les TIC
et vers le Numérique, consacré par la formule "Tous pour Tous".
L'économie collaborative pour prendre le relais
Car pour le développement des usages et la construction des services, des organisations citoyennes (comme Metropop) ou des startups, sont en train de s'emparer de certain sujets, avec les moyens et les méthodes de l'économie du partage et de la participation des citoyens. Des acteurs qui comprennent bien le mobile, le collaboratif, l'expérience utilisateur et demain les objets connectés, et qui se concentrent sur la création de liens, de valeur et de relations de proximité. Le lien entre le local et le Cloud, cette connexion de la ville et de ses citoyens à la plateforme d'innovation que le Cloud représente.Chez Welp, le premier site d'entraide gratuit entre particuliers qui lance cette semaine sa campagne décalée "Welp une mamie", c'est Marie Treppoz qui nous explique que son projet repose sur l'idée de créer du lien entre personnes, entre générations.
Une façon de retrouver l'entraide naturelle entre les habitants qui s'est peut être perdue dans le modèle de la grande ville. Vous voulez aider, allez vous inscrire sur le site. Vous cherchez de l'aide (pour vous ou un proche) allez vous mettre en relation. En cette période de canicule et de vacances, on comprend bien le service amené et délivré par les habitants avec ce type d'initiatives.
Chez Kawaa, pour Corinne Dardelet, le message est clair, on est là pour créer des rencontres dans la vie réelle! La technologie, via une plateforme, est donc mise au service de la relation et de la communication de proximité. Tordre le coup à l'idée que les réseaux sociaux ne créé pas de "vrais" relations. Une idée ancienne mais dont le modèle s'affine, et surtout nous propose des alternatives aux grandes plateformes américaines reposant uniquement sur la valorisation des données personnelles.
Des acteurs du privé comme SoLocal (ex. Pages jaunes) se lancent d'ailleurs dans ces services de proximité avec Hamak, a l'instar d'Amazon qui réalise des expérimentations dans plusieurs pays.
On mesure pour les villes, le potentiel de reconnecter toutes les initiatives locales existante, et toutes les communautés locales, a ce type de plateformes. Et celui d'éviter que chaque association, ou chaque comité de quartier, réinvente ses propres outils, avec peu de chance qu'ils atteignent le seuil de la masse critique.
Le rôle de la municipalité est donc certainement clef pour encourager, montrer la voie, mais aussi être exemplaire en utilisant ces plateformes pour ses propres actions (sociales ou pas). A Issy-les-Moulineaux où s'est tenue la conférence et où tout ou presque a été expérimenté autour de "Smart City", c'est l'orientation prise par Issy-Média, avec Eric Legale son Directeur Général, qui stimule toutes ces initiatives et ces innovations pour faire émerger les "Smart Citizens".
La force de "la multitude" et de ses citoyens connectés permettra à la ville de mobiliser l’intelligence de ses citoyens.
C'est dans ce sens et vers le Cloud que les projets de villes intelligentes vont certainement réorienter une partie de leur efforts à l'avenir. Car l'économie collaborative est aussi pour la ville un moyen de valoriser les initiatives de chacun (réduction des déplacements, lien social, temps gagné, économies,...) et donc d'amener un modèle économique, et non technologique, à la ville intelligente.