lundi 26 août 2013

Suivez Instagram et Pinterest, car la photo sociale pourrait bientôt arriver en entreprise

Les vacances sont là pour nous rappeler que nous vivons dans un monde d'images. De la photo prise juste "au cas ou" (le numéro de sa place de parking à l'aéroport par exemple) à la photo sophistiquée avec des filtres (sépia, carte postale,...) ou la photo souvenirs pour durer, en passant par la photo sociale prise pour les autres. Elles sont partout.

Toutes des photos numériques bien sûr

Regardez les touristes dans la rue. En trois ans le smartphone est devenu la forme dominante d'appareils photos. 

Et ceux qui imitent les reflex d'antan sont aussi en très grand majorité numériques. Les leaders de la photo, Canon, Nikon, Fujiifilm,... sont à la peine, devant ces clients qu'ils n'arrivent pas à garder. Et ils n'ont plus le  monopole du haut de gamme car Nokia et Samsung annoncent des "photophones" encore plus sophistiqués: 41 millions de pixels de résolution pour le Nokia Lumnia 1020 en approche!

L'évolution de l'image grand public, qui est passée de l'argentique au numérique, et la reconfiguration de son industrie est un sujet plein d'enseignements sur l'évolution des usages et sur le développement du numérique. GreenSI l'a déjà abordée avec Kodak, mais c'est l'occasion avec la photo sociale de revenir sur le sujet.

Avant, c'était cher, compliqué et souvent... flou!

La photo argentique "démocratique" était de piètre qualité. Toutes n'étaient généralement pas développées (petit tour par Wikipedia pour la génération Y qui se demande ce qu'est le développement de photos!), à tel point que certaines offres de développements ne faisaient payer que les photos "réussies" (non floues). Et une fois développées, on choisissait lesquelles faire refaire et le nombre d'exemplaires pour les partager avec la famille et les amis.
Le numérique a tué le développement de photos. On n'a plus besoin de passer par le papier pour les partager. Et finalement c'était peut-être cela le vrai usage démocratique de la photo argentique: le partage d'images dans le temps (durabilité) et dans l'espace (autour de nous).
Le numérique a étendu l'espace à la planète. Au début via l'email (la taille des pièces jointes était une limite), puis via des albums partagés, et maintenant via les réseaux sociaux généralistes (Facebook, Twitter, Google+, ...) ou spécialisés (Pinterest, Instagram, ...).

En fait la photo a peut-être toujours été sociale

Mais la technologie en limitait la diffusion dans l'espace. Le numérique a révélé son plein potentiel. Peut être au détriment de son "partage dans le temps" (sa conservation). Car il n'est pas évident que la photo numérique ne soit pas une régression pour le partage dans le temps, vu les dangers auxquelles les photos numériques sont exposées : supports magnétiques fragiles, perte des clefs USB, formats parfois propriétaires, plateforme "cloud' sans toujours une réversibilité garantie, ...

Comme c'est souvent le cas dans les transformations de rupture, les utilisateurs ont renoncé à une caractéristique (la durabilité) pour en développer une autre (le partage dans l'espace). Personne ne croyait non plus aux tablettes, car elles n'ont pas de clavier. Et pourtant elles ont ouvert l'ère du tactile où le toucher remplace le clavier.

Les chiffres d'IDC sont sans appel: le marché est passé de 145 millions d'appareils photo vendus dans le monde en 2010 à 76 millions en 2012 et 59 millions en 2013. Et ces chiffres sont très faibles devant la croissance des smartphones comme le montre le graphique ci-contre du Wall Street Journal.

Quand au nombre de photos, il a lui été multiplié par au moins 10, une fois les contraintes du cout de développement et du stockage libérées, ouvrant ainsi la porte a tous ces nouveaux usages.

La clef c'est donc maintenant le stockage dans le Cloud pour permettre le partage et de nouveaux usages. 


Il est intéressant de noter que ceux qui ont développé les premières plateformes de partages d'album (PhotoBox, HP,...) ont comme mode de valorisation le développement ou l'impression de photos. Ils ont totalement raté la socialisation des photos qu'ils stockaient dans un but d'en toucher les revenus d'un développement en perte de vitesse.

Les albums étaient même limités en taille sans pouvoir acheter de la capacité supplémentaire. Alors que le modèle économique, d'abord de Facebook, puis de Pinterest et Instagram, reposent sur le trafic et la publicité, et donc une meilleure connaissance des photographes.

Un changement de modèle, passant du volume (nombre de photos développées) à l'usage (valeur de celui/celle qui regarde la photo et de la relation qu'une marque peut avoir avec lui/elle). A méditer dans votre propre industrie...

Les nouveaux services de la photo sociale

Aujourd'hui deux plateformes sociales, spécialisées sur la photo, dominent les échanges de photos Instagram et Pinterest.

Elles ont connues des croissances énormes ces dernières années avec des approches radicalement différentes. 130 millions d'utilisateurs actifs dans le monde pour Instagram (Juin 2013), dont 1,8 million de visiteurs uniques en France (Médiamétrie Août 13) et 20 millions pour Pinterest (Juillet 2013), dont 157 000 utilisateurs actifs en France (Juillet 2013). A tel point que Facebook voyant le danger a racheté Instagram, une équipe d'un peu plus de 10 personnes, pour $1 milliard il y a un an.
Instagram a créé sa spécificité autour de la photo elle-même, avec ses filtres que l'on peut appliquer et transformer une photo de sac-poubelle au coin de la rue, en œuvre d'art. Sérieux! Et vos followers vont pouvoir la partager sans fin. Bon, ça c'est l'objectif (sans jeu de mots) mais peu y arrivent et nombreuses photos restent des photos de... sacs-poubelles ;-)

Instagram est présent sur mobiles iOS, Android et débarque sur Windows Phone. Car Instagram c'est de la photo "instantanée", qui capture un instant ou une émotion principalement en mobilié, et que l'on peut amplifier ou modifier en y appliquant des filtres. Beaucoup de points communs avec le positionnement de Polaroid, en son temps, quand on y réfléchit.

Pinterest lui arrive "à faire sortir l'objet" de la photo ou de l'image. On voit le sac-poubelle, on oublie le décors, et on a envie de le partager (l'objet) mais aussi de l'acheter. La photo n'est qu'un support à la mise en valeur des objets. Enfin, là encore c'est l'objectif!

Mais Pinterest n'a pas d'application mobile contrairement à Instagram. Enfin, Pinterest est accessible sur mobile et surtout sur tablette, mais c'est un accès proche du site internet pour consulter ses albums et non une application mobile pour prendre des photos.

Les photos dans Pinterest sont en fait des images "trouvées" sur des sites web que l'on va "clipser dans son album" (Pin it), même si bien sûr on peut aussi y charger des photos qui sont sur son disque dur ou son mobile. Et sans surprise, il y beaucoup de photos de professionnels sur Pinterest. En tout cas de qualité.

Déjà parce qu'en copiant les photos des sites webs on fait son choix dans des photos déjà travaillées et surtout parce que les marketeurs ont compris l'intérêt qu'ils avaient a mettre en avant leurs produits sur Pinterest. Et comme sur Pinterest il n'y a pas d'outils de retouches ou de filtres, la photo doit être belle dès le départ.

Le contraste est donc frappant entre les usages d'Instagram et de Pinterest. Y compris dans les audiences, avec une majorité féminine depuis le départ pour Pinterest. Et pourtant les deux applications sont bien dans le même domaine du partage de photos sociales.

GreenSI voit en Pinterest l'avenir de certains magazines féminins (aussi masculins mais moins nombreux), qui sous prétexte d'articles (au contenu souvent pas très fouillé), mettent en scène des objets et des vêtements, avec la référence des magasins où les acheter et parfois même le prix. La navigation visuelle dans ces images est une façon de découvrir des objets, des astuces, des vêtements,... de les partager et peut être de créer une envie d'achat.

L'avenir d'Instagram lui est maintenant scellé au destin de Facebook. Son initiative récente pour gérer des vidéos de 15s (comme Vine avec avec des vidéos de 6s et acheté par Twitter), indique qu'Instagram va certainement devenir un canal multimédia, pas uniquement centré sur la photo. Facebook va chercher à y valoriser de la publicité vidéo, domaine où Youtube, service de Google principal concurrent de Facebook, règne en maître. A suivre...

Et dans l'entreprise ?

 

Dans l'entreprise, les usages de la photo sont réels, mais ne sont pas encore structurés.

Mis à part pour des applications spécialisées comme les photothèques ("médiacenters") dans les Directions de la Communication des entreprises soucieuses de leur image et de leurs publications. Le risque juridique associé à la diffusion des images est peut être un réel frein dans l'entreprise, contrairement aux usages grand public qui se laissent plus de liberté...

Pourtant les smartphones en entreprises intègrent tous aussi maintenant un appareil photo de qualité. Le BYOD va augmenter le parc global de smartphones en entreprises, avec ceux des salariés non équipés par leur entreprise. GreenSI est donc persuadé que la photo et la vidéo vont devoir se gérer et s'organiser massivement dans l'entreprise.  Surtout dans la sphère du collaboratif, comme pour la photo sociale a laquelle on va trouver des usages (une photo vaux mieux qu'un long discours, non?) mais aussi du coté des applications métiers.

Des offres entreprises, gérant mieux le droit à l'image comme celle de Wikipixels, ont émergé ces dernières années.





Une fois de plus l'internet et le grand public auront montré la voie à l'entreprise. 

Alors, soyez à l'affut des usages, car certains sont déjà applicables et réutilisables dans votre SI. Lesquels? Ce sera pour un prochain billet mais n'hésitez pas à laisser des commentaires et partager votre expérience si vous avez déjà commencé la route.

jeudi 1 août 2013

Publicis + Omnicom: le dernier des dinosaures dans la pub ?







Publicis et Omnicom, les deux plus grands groupes consolidés dans la publicité et la communication, viennent d'annoncer leur "fusion d'égaux". L'ensemble résultant sera (sans surprise!) le n°1 mondial avec un chiffre d'affaires de $23 milliards et 130.000 employés. Deux fois plus gros que le n°2, l'anglais WPP.


Rien de surprenant, dans une industrie où la course à la taille permet a un petit nombre de contrôler tous les achats d'espaces publicitaires, la seule porte de sortie pour atteindre le client final, qu'il soit consommateur ou entreprise.

Mais le numérique change la donne de cette industrie et GreenSI voit dans cette fusion un signal d'accélération de sa transformation numérique.

Pourquoi le numérique change la donne dans la publicité et la communication?

La publicité, ce sont des marques, conseillées par des agences pour utiliser des médias où elles y achètent de l'espace pour cibler des clients. Avec une stratégie de verrouillage des espaces, la clef entre les marques et les clients. Enfin c'était...

Nouveaux territoires de chasse

Le numérique ouvre de nouveaux territoires de communication, accessibles avec de nouveaux terminaux, qui sont autant d'espaces à conquérir qui concurrencent les espaces traditionnels, car ils sont maitrisés par de nouveaux acteurs qui les mettent directement à disposition des marques, des médias et de clients. Il va déplacer les fameux espaces publicitaires sur le terminal du client et peut être même bientôt sur ses lunettes connectées! 

Regardez autour de vous, les gens sont plus penchés sur leur mobile que sur le panneau de pub avoisinant. Et la photo qui a fait le tour de la planète pour l'élection du pape François nous rappelle que le mobile est devenu quelque chose d'ordinaire en quelques années.


 


La TV, où ces agences sont dominantes, se transforme en TV connectées et se regarde maintenant en TV sociale en utilisant Twitter ou les réseaux sociaux. Les premières publicités combinées TV+Twitter apparaissent aux États-Unis. Et puis Google et Apple aimeraient bien que la TV devienne une sorte de PC reliée à leurs stores de films et d'applications. Bien sûr pour garder la main sur la relation directe avec le consommateur et sa carte bancaire soigneusement conservée dans leurs bases de données. Et comme il n'y a que 24h dans une journée, même dans un monde numérique, la croissance de ces usages va mécaniquement entrainer la décroissance du temps passé sur les espaces de publicité TV traditionnels.



Mais le numérique amène aussi les 200 millions de blogs dans le monde et le contenu créé par les consommateurs eux-même. Car le phénomène est loin de se tarir à raison de 3 millions de nouveaux blogs par mois en 2013. Déjà, un internaute sur trois déclare acheter des produits suite à des informations trouvées sur les blogs, et un sur quatre en fait même de la publicité.

Il y a aussi l'effet indirect des blogs: leur agrégation en nouveaux médias (Huffington Post, Techcrunch, ...) ou avec des médias traditionnels (comme GreenSI sur ZDNet). Des nouveaux médias qui veulent maintenant atteindre directement les clients, sans passer par la case achat d'espace centralisé, par exemple avec de l'habillage de leur site ou des évènements. Et maintenant vous comprenez pourquoi votre ZDnet prends parfois les couleurs de Microsoft ou de Numergy...

Nouvelles plateformes

Ensuite parce que le numérique, via Internet, fabrique des plateformes mondiales (Google, Facebook, Twitter,...) plus facilement que par des acquisitions dans chaque pays. Le chiffre d'affaires de Google au premier trimestre est de 14 milliards (3 x Publicis + Omnicom), dont la majorité dans la publicité Internet et maintenant sur mobile, là où les grandes agences grandissent vite mais n'ont pas cette taille. Le comble pour un modèle construit sur les économies d'échelle c'est certainement de réaliser qu'on est un nain...

Les résultats de Facebook publiés cette semaine ont fait remonter le cours de bourse à l'annonce des 40% de ses revenus déjà sur le mobile. CQFD.
Or les investissements nécessaires pour collecter et traiter les données de ces plateformes et l'innovation technologique qu'elles demandent, nécessitent des économies d'échelle amenées par cette mondialisation. Et au premier plan le "big data" qui permet de dépasser la communication massive unilatérale et d'aller vers quelque chose de plus dynamique et personnalisée en y ajoutant les données de la relation client. La publicité cherche ce Graal de la relation depuis longtemps et il commence à apparaitre. Et d'ailleurs la publicité non personnalisée est de plus en plus rejeté et assimilée à du spam. Et le premier anti-spam de la planète c'est certainement Google avec Gmail qui filtre automatiquement les messages, comme par hasard...
Nouvelles règles du jeu

Enfin parce que le numérique change progressivement les règles de fonctionnement des espaces publicitaires: une campagne sera de moins en moins de la programmation massive d'espace mais plus de la vente instantanée et ciblée de publicité pour maximiser le taux de clic.

Des sociétés comme Criteo ont développé des technologies pour déterminer quelle publicité afficher a un internaute pour maximiser les chances qu'il clique sur le lien.
Comment? En capturant le plus de données possible sur cet internaute ou sur ceux qui lui ressemble lors de sa navigation sur tous les sites qui veulent bénéficier de ces recommandation. C'est pour GreenSI de très bons exemples de "big data", un concept parfois un peu fumeux. La performance de ses algorithmes a fait passer Critéo en quelques années de simple fournisseur de technologie a nouvel acteur du marché des espaces. Des espaces que l'on n'achète plus en masse à l'avance (Critéo le fait collectivement) et qui améliorent les rendements. Pour GreenSI les grandes agences ne pourront pas ignorer longtemps le "big data" et les algorithmes temps-réel. C'est une des industries de prédilection.


On voit donc que le numérique créé de nouveaux chemins pour réorganiser la chaine de valeur et jette de nouvelles hypothèses sur ce qu'est la publicité dans un monde hyper connecté et relationnel. Les périmètres des activités des marques, des agences et des médias sont chambooulés. La donnée devient essentielle et les nouveaux acteurs qui maitrisent la technologie et crée des plateformes pour maitriser la relation temps réelle personnalisée avec les marques et les clients. Il y aura peu d'élus et les autres utiliseront ces plateformes.

Pourquoi fusionner alors ?

Dans ce contexte Publicis a commencé dès 2006 ses rachats d'agence interactives apparues avec Internet. Assez tôt pour être présent sur la communication digitale tout azimut qui représente maintenant 30% de ses revenus. Idem pour Omnicom sur un marché différent.

La question c'est de savoir si cette fusion permet à ces deux entreprises, de mieux aborder ensemble cette transformation, que séparément?
La bourse reste attentive et n'affiche pas l'emballement que l'on aurait pu attendre il y a 5 ans. Elle sait que la conduite des changements est généralement plus complexe quand la taille augmente. Or le challenge de Publicis et Omnicom c'est bien la transformation numérique. Et sur ce plan, mise à part pour la mutualisation des investissements et la course à la technologie, on sait peut de chose même si cela suscite beaucoup d'enthousiasme.

Jacques Seguela, pourra bientôt dire "Ne dites pas à ma mère que je suis dans la technologie,... elle me croit dans la publicité".  Et GreenSI se pose la question si Publicis n'aurait pas du poursuivre sa transformation en achetant plutôt des actifs technologiques au lieu d'un égal. Par exemple, Criteo, fondée par des français devrait rentrer en bourse à New York à l'automne...

L'avenir dira si cette prise de risques valait les opportunités qu'elle va amener. Mais ce qui est intéressant dans cette annonce, c'est que c'est un signal fort pour toute l'industrie de la publicité et la communication que le digital est train de devenir "the new normal". Ce moment où plus de la moitié de la valeur est tirée du numérique. Une période propice à des investissements technologiques importants dans cette industrie et certainement même à du recrutement de compétences IT. Affutez vos CVs ;-)

L'humour de ceux qui aiment le numérique