jeudi 1 août 2013

Publicis + Omnicom: le dernier des dinosaures dans la pub ?







Publicis et Omnicom, les deux plus grands groupes consolidés dans la publicité et la communication, viennent d'annoncer leur "fusion d'égaux". L'ensemble résultant sera (sans surprise!) le n°1 mondial avec un chiffre d'affaires de $23 milliards et 130.000 employés. Deux fois plus gros que le n°2, l'anglais WPP.


Rien de surprenant, dans une industrie où la course à la taille permet a un petit nombre de contrôler tous les achats d'espaces publicitaires, la seule porte de sortie pour atteindre le client final, qu'il soit consommateur ou entreprise.

Mais le numérique change la donne de cette industrie et GreenSI voit dans cette fusion un signal d'accélération de sa transformation numérique.

Pourquoi le numérique change la donne dans la publicité et la communication?

La publicité, ce sont des marques, conseillées par des agences pour utiliser des médias où elles y achètent de l'espace pour cibler des clients. Avec une stratégie de verrouillage des espaces, la clef entre les marques et les clients. Enfin c'était...

Nouveaux territoires de chasse

Le numérique ouvre de nouveaux territoires de communication, accessibles avec de nouveaux terminaux, qui sont autant d'espaces à conquérir qui concurrencent les espaces traditionnels, car ils sont maitrisés par de nouveaux acteurs qui les mettent directement à disposition des marques, des médias et de clients. Il va déplacer les fameux espaces publicitaires sur le terminal du client et peut être même bientôt sur ses lunettes connectées! 

Regardez autour de vous, les gens sont plus penchés sur leur mobile que sur le panneau de pub avoisinant. Et la photo qui a fait le tour de la planète pour l'élection du pape François nous rappelle que le mobile est devenu quelque chose d'ordinaire en quelques années.


 


La TV, où ces agences sont dominantes, se transforme en TV connectées et se regarde maintenant en TV sociale en utilisant Twitter ou les réseaux sociaux. Les premières publicités combinées TV+Twitter apparaissent aux États-Unis. Et puis Google et Apple aimeraient bien que la TV devienne une sorte de PC reliée à leurs stores de films et d'applications. Bien sûr pour garder la main sur la relation directe avec le consommateur et sa carte bancaire soigneusement conservée dans leurs bases de données. Et comme il n'y a que 24h dans une journée, même dans un monde numérique, la croissance de ces usages va mécaniquement entrainer la décroissance du temps passé sur les espaces de publicité TV traditionnels.



Mais le numérique amène aussi les 200 millions de blogs dans le monde et le contenu créé par les consommateurs eux-même. Car le phénomène est loin de se tarir à raison de 3 millions de nouveaux blogs par mois en 2013. Déjà, un internaute sur trois déclare acheter des produits suite à des informations trouvées sur les blogs, et un sur quatre en fait même de la publicité.

Il y a aussi l'effet indirect des blogs: leur agrégation en nouveaux médias (Huffington Post, Techcrunch, ...) ou avec des médias traditionnels (comme GreenSI sur ZDNet). Des nouveaux médias qui veulent maintenant atteindre directement les clients, sans passer par la case achat d'espace centralisé, par exemple avec de l'habillage de leur site ou des évènements. Et maintenant vous comprenez pourquoi votre ZDnet prends parfois les couleurs de Microsoft ou de Numergy...

Nouvelles plateformes

Ensuite parce que le numérique, via Internet, fabrique des plateformes mondiales (Google, Facebook, Twitter,...) plus facilement que par des acquisitions dans chaque pays. Le chiffre d'affaires de Google au premier trimestre est de 14 milliards (3 x Publicis + Omnicom), dont la majorité dans la publicité Internet et maintenant sur mobile, là où les grandes agences grandissent vite mais n'ont pas cette taille. Le comble pour un modèle construit sur les économies d'échelle c'est certainement de réaliser qu'on est un nain...

Les résultats de Facebook publiés cette semaine ont fait remonter le cours de bourse à l'annonce des 40% de ses revenus déjà sur le mobile. CQFD.
Or les investissements nécessaires pour collecter et traiter les données de ces plateformes et l'innovation technologique qu'elles demandent, nécessitent des économies d'échelle amenées par cette mondialisation. Et au premier plan le "big data" qui permet de dépasser la communication massive unilatérale et d'aller vers quelque chose de plus dynamique et personnalisée en y ajoutant les données de la relation client. La publicité cherche ce Graal de la relation depuis longtemps et il commence à apparaitre. Et d'ailleurs la publicité non personnalisée est de plus en plus rejeté et assimilée à du spam. Et le premier anti-spam de la planète c'est certainement Google avec Gmail qui filtre automatiquement les messages, comme par hasard...
Nouvelles règles du jeu

Enfin parce que le numérique change progressivement les règles de fonctionnement des espaces publicitaires: une campagne sera de moins en moins de la programmation massive d'espace mais plus de la vente instantanée et ciblée de publicité pour maximiser le taux de clic.

Des sociétés comme Criteo ont développé des technologies pour déterminer quelle publicité afficher a un internaute pour maximiser les chances qu'il clique sur le lien.
Comment? En capturant le plus de données possible sur cet internaute ou sur ceux qui lui ressemble lors de sa navigation sur tous les sites qui veulent bénéficier de ces recommandation. C'est pour GreenSI de très bons exemples de "big data", un concept parfois un peu fumeux. La performance de ses algorithmes a fait passer Critéo en quelques années de simple fournisseur de technologie a nouvel acteur du marché des espaces. Des espaces que l'on n'achète plus en masse à l'avance (Critéo le fait collectivement) et qui améliorent les rendements. Pour GreenSI les grandes agences ne pourront pas ignorer longtemps le "big data" et les algorithmes temps-réel. C'est une des industries de prédilection.


On voit donc que le numérique créé de nouveaux chemins pour réorganiser la chaine de valeur et jette de nouvelles hypothèses sur ce qu'est la publicité dans un monde hyper connecté et relationnel. Les périmètres des activités des marques, des agences et des médias sont chambooulés. La donnée devient essentielle et les nouveaux acteurs qui maitrisent la technologie et crée des plateformes pour maitriser la relation temps réelle personnalisée avec les marques et les clients. Il y aura peu d'élus et les autres utiliseront ces plateformes.

Pourquoi fusionner alors ?

Dans ce contexte Publicis a commencé dès 2006 ses rachats d'agence interactives apparues avec Internet. Assez tôt pour être présent sur la communication digitale tout azimut qui représente maintenant 30% de ses revenus. Idem pour Omnicom sur un marché différent.

La question c'est de savoir si cette fusion permet à ces deux entreprises, de mieux aborder ensemble cette transformation, que séparément?
La bourse reste attentive et n'affiche pas l'emballement que l'on aurait pu attendre il y a 5 ans. Elle sait que la conduite des changements est généralement plus complexe quand la taille augmente. Or le challenge de Publicis et Omnicom c'est bien la transformation numérique. Et sur ce plan, mise à part pour la mutualisation des investissements et la course à la technologie, on sait peut de chose même si cela suscite beaucoup d'enthousiasme.

Jacques Seguela, pourra bientôt dire "Ne dites pas à ma mère que je suis dans la technologie,... elle me croit dans la publicité".  Et GreenSI se pose la question si Publicis n'aurait pas du poursuivre sa transformation en achetant plutôt des actifs technologiques au lieu d'un égal. Par exemple, Criteo, fondée par des français devrait rentrer en bourse à New York à l'automne...

L'avenir dira si cette prise de risques valait les opportunités qu'elle va amener. Mais ce qui est intéressant dans cette annonce, c'est que c'est un signal fort pour toute l'industrie de la publicité et la communication que le digital est train de devenir "the new normal". Ce moment où plus de la moitié de la valeur est tirée du numérique. Une période propice à des investissements technologiques importants dans cette industrie et certainement même à du recrutement de compétences IT. Affutez vos CVs ;-)
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