lundi 15 juillet 2013

One Strategy: une nouvelle organisation chez Microsoft. Pour se poser les bonnes questions?

Cette semaine marquera un jalon dans l'histoire de Microsoft avec l'annonce de sa nouvelle organisation "One Microsoft, one Strategy".

Depuis le départ de Bill Gates (Juin 2007) et l'arrivée de Steve Ballmer, les mauvaises langues diront qu'il ne s'est rien passé chez Microsoft et le cours de Bourse, qui reflète le potentiel d'une valeur, n'a pas bougé (Microsoft à quand le rebond ?) contrairement a ses nouveaux concurrents.



Quand dans le même temps l'environnement de Microsoft et des DSI a lui a été totalement modifié:


  • fin du PC annoncée et le chinois Lenovo n°1 mondial devant HP - tout un symbole,
  • dispersion de Windows entre 5 versions encore utilisées
  • dominance de Chrome et Firefox dans les navigateurs
  • omniprésence des tablettes et des smartphones, avec la domination d'Apple et Samsung
  • Internet mobile dominant et anniversaire des 5 ans de l'Apps Store, et le potentiel d'Android
  • les nouvelles destinations sur Intenet: Facebook, Google et les réseaux sociaux qui se partagent les revenus de la publicité
  • le cloud computing est rentré dans les mœurs comme le SaaS pour la bureautique et les applications, avec la domination d'Amazon et Google
  • le concept même d'Office, ce bundle d'applications intégrées, est dépassé par l'utilisation d'applications plus simples mais centrées sur un seul usage
  • ...
Certes, dans chaque domaine Microsoft a lancé une bataille.
Ce qui faisait dire à GreenSi il a deux mois "Stratégie de Microsoft: toutes voiles dehors" en se demandant si il ne fallait pas faire des choix. Mais de l’aveu même de Bill Gates en Février 2013 le problème c'est que Microsoft n'innove pas assez.

Alors la réponse de Steve Ballmer (par email a ses salariés) et qui pour les analystes s'est faite attendre (opinion du magazine Forbes), c'est de regrouper les différentes divisions indépendantes en "un seul Microsoft" et de lui donner une seule stratégie. Et l'objectif d’innover plus rapidement, avec plus d’efficacité et de potentiel dans un monde qui change vite.

Sceptiques?
Surtout pour ceux qui se souviennent que c'est Steve Ballmer qui a séparé les divisions Serveurs&Tools, Windows et On-line...

Et bien disons que la théorie du management lui donne raison d'explorer cette voie. Une théorie que l'on retrouve dans d'autres industries et d'autres époques. "Together as one" est le nom de programmes internes dans des centaines d'entreprises je pense. Le sempiternel débat entre le conglomérat souvent plus agile et le groupe unifié à priori plus puissant.


Mais ce qui est amusant c'est que "One strategy" est un papier célèbre écrit en 2009 avec des professeurs de la Harvard Business School et un certain Steven Sinofsky... patron exécutif de Microsoft! 

Qui a aussi produit un livre toujours disponible sur Amazon et relativement bien noté 4,5/5 par ses lecteurs. On imagine que Steve Ballmer l'a aussi lu ;-).

La théorie de Steven Sinofsky, qui ne surprendra aucune startup, c'est que si on aligne les capacités, les processus et les comportements de chaque entité de l'entreprise, elle peut stimuler l'innovation en connectant le potentiel des opportunités stratégiques a son exécution opérationnelle

Parce que le problème n'est pas toujours, de ne pas avoir de vision et de ne pas voir les opportunités stratégiques. Microsoft a montré qu'ils en avait une et notamment dans le tactile avec les tables Surface longtemps avant l'iPad.
Mais c'est de faire que l'entreprise, qui avance les deux mains sur le guidon, sache capturer ces opportunités, internes ou externes, les faire siennes et les délivrer. Car souvent elles sont dérangeantes pour l'ordre interne établi et cannibalisent ou remettent en cause des produits existants. Au fait, Steven Sinofsky a quitté Microsoft en novembre dernier après 23 ans de service. Il s'occupe maintenant de startups dans la Silicon Valley et donne des cours à Harvard. 

Le diagnostic de Steve Ballmer est donc certainement le bon. Il est bien accueilli par la Bourse et par les différentes retombées de presse. Certains y voient une copie d'Apple quand un autre Steve avait repris les rennes pour réaligner toutes les énergies et démontrer, contre toutes les idées reçues, que l'industrie des PC, de la musique, des livres et de la téléphonie, pouvaient se prendre en une seule bataille. Si elle était menée par vagues coordonnées (iMac, iPod, iPhone, iPad). Steve Jobs avait confirmé que l'iPad était en projet avant l'iPhone, mais n'a été lancé que plus tard.

Mais pour GreenSI, Microsoft s'est juste trouvé une organisation pour faire le ménage et faire remonter ses questions stratégiques. Qui maintenant peuvent être traitées comme la bataille de "One Microsoft" et pas une bataille entre divisions.

Et ces questions stratégiques tournent autour de la "consumérisation de l'IT".

Car Microsoft principal fournisseur des DSI et des entreprises il y a 5 ans, est aussi entrainé comme ses clients, dans cette bascule de pouvoir et de l'innovation, de l'entreprise vers les consommateurs.

Et à la différence d'un Apple qui compte sur les consommateurs pour faire rentrer ses technologies dans l'entreprise (BYOD), ou d'un Google qui s'appuie sur les équipements des autres (via Android), pour y faire rentrer ses services, Microsoft n'a pas de cheval de Troie pour sa stratégie B2B.

Alors en attendant, Microsoft cherche a renouveler ses contrats sur plusieurs années, avec les DSI déjà clientes. Pour gagner du temps. Et dans le même temps engranger les derniers revenus des licences dans un monde qui bascule dans le SaaS en auditant les licences et les usages de de ses clients. C'est ce que plusieurs DSI m'ont confié récemment. Et ils ne seraient pas les seuls, d'autres éditeurs (bleus et rouges) seraient aussi très actifs dans ce domaine.
Ce qui pourrait d'ailleurs se retourner contre eux et être un accélérateur du divorce avec les DSI. Mais cela n'est peut être pas si grave vu le nombre de futurologues qui disent que la DSI va disparaître. Alors avant de partir messieurs, si vous pouviez signer jusqu'en 2020... ;-)


Pourtant trois pistes au moins existent pour Microsoft pour fédérer une base de consommateurs, suffisamment large (en centaines de millions), et prête à utiliser les produits Microsoft dans l'entreprise. Donc rompre avec une stratégie B2B poussée par des distributeurs ou des commerciaux grands comptes :

  • le Nokia Lumnia (les ventes des autres smartphones sous OS Windows sont marginales),
  • Office largement utilisée dans l'entreprise (mais ne l'est plus nécessairement à la maison),
  • et la Xbox 360 (dont la nouvelle version s’appelle justement la Xbox One).
Mais si Microsoft n'arrive pas a s'ancrer durablement dans le B2C auprès des consommateurs, pour soutenir sa stratégie vers les entreprises, il ne lui restera plus qu'a de se recentrer sur le B2B (serveurs, SGBD, ERP...) ou de se couper en deux: entreprises (B2B) et consommateurs (B2C).

"One Strategy, Two Microsoft" la prochaine étape? Qu'en pensez vous ?
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