Début décembre, le cinquième rapport sur la maturité de l'open data en Europe (Open Data Maturity Report 2019)
a été publié sur le portail européen dédié à l'open data. Ce rapport
est la référence pour observer factuellement le développement des
données ouvertes dans l'Europe des 28. Il pose également les bases d'un modèle d'évaluation du niveau de maturité de cette ouverture par rapport à quatre dimensions: politique, portail, impact et qualité.
Un modèle que l'entreprise pourrait d'ailleurs s'approprier pour
apprécier sa propre ouverture dans le cadre de l'économie des
plateformes.
La France s'y retrouve en bonne position dans le trio de tête des "Pionniers", avec l'Irlande et l'Espagne, devant les 3 autres groupes que sont les "Accélérateurs" (Fast-Tracker), les "Suiveurs" et les "Débutants",
classés par rapport à la maturité de chaque État membre. Le nombre de
pays du groupe "Accélérateur" est passé de 16 en 2018 à 8 en 2019, ce
qui pour cette 5em édition segmente beaucoup plus le peloton de tête, au
dessus des 70% de maturité.
Ce
rapport a été publié pour la première fois en 2015. Cinq ans après le
début de l'open data en France et juste après "l'euphorie" de la période
2012-2014 qui a conduit à la loi "République Numérique" en 2016,
embarquant l'ouverture par défaut des données des collectivités de plus
de 3.500 habitants. Le niveau de maturité global européen a continué
d'augmenter de manière significative jusqu'en 2017. Après
ces années d'accélération de la maturité des données ouvertes, l'Europe
est maintenant entrée dans une phase de consolidation.
C'est bien sûr la phase la plus importante puisqu'elle permet de commencer à mesurer l'impact et la qualité de cette ouverture, deux dimensions ajoutées dans le rapport depuis l'an dernier.
En terme d'impact, l'enjeu est de mesurer la réutilisation des données ouvertes et l'impact de ces réutilisations dans quatre domaine : politique, social, environnemental et économique.
Le
simple fait qu'un État, qu'une Métropole, qu'une commune ou qu'une
administration s'intéresse à l'impact, voire mesure l'impact, de
l'ouverture des données qu'elle produit, est déjà un signe de grande
maturité.
Cet impact va se traduire par des applications, des
produits ou des services, modifiés ou développés grâce à la publication
de ces données, qui vont eux mêmes déboucher sur la valorisation de ces
données, que ce soit des gains d'efficacité du service public ou des
revenus pour des acteurs économiques.
La création de nouveaux
services aux usagers est rendue possible par ces données, comme dans le
Transport qui a développé des calculateurs d’itinéraires avec un réel
impact sur les décisions de déplacement ou de consommation de loisirs
des habitants. Les acteurs de service du territoire peuvent ainsi
bénéficier de ces données en open data pour enrichir leurs offres et
innover. Pour la collectivité l'enjeu est de faire que cela se traduise
pour le territoire par des retombées locales et donc la possibilité
d'inciter ces acteurs locaux à dégager ces externalités sur le
territoire, et non ailleurs.
La perspective que, les territoires riches en données seront économiquement plus dynamiques
que les autres, est certainement en train de se révéler à l'échelle
territoriale, après que les GAFAs l'ait magistralement démontré avec
leurs plateformes à un niveau plus global. La tendance à la
"plateformisation de l'économie", se déclinera aussi à l'échelon local
et pour l'efficacité du secteur public, ouvrant ainsi la porte aux
collectivités qui sauront s'en saisir.
Pour GreenSI cela devrait d'ailleurs être le moteur principal,
plus que l'ouverture parce que c'est dans la Loi. Certains collectivités
l'ont bien compris, et s'organisent pour flécher les retombées de ces
valorisations et en faire bénéficier leur territoire.
On constate également dans ce rapport que la maturité amène une évolution de la quantité vers la qualité.
L'époque
ou pour publier le plus de jeux de données on les éclatait pas commune
pour en faire plus (x 30.000) est révolue ! Un jeu de données nationales
accessibles avec une seule API, qui filtrera elle même le paramètre
commune, sera plus facile à utiliser pour les ré-utilisateurs. Des
ré-utilisateurs qui ont besoin d'être écoutés, que l'on réponde à leurs
commentaires laissés sur les portails, bref, qu'une véritable communauté
soit crée et animée autour de cette ré-utilisation et des ses nouveaux
usages.
Les critères de réussite passent,
de maîtriser la publication, condition nécessaire mais plus suffisante,
à la réutilisation, qui seule peut créer de l'impact.
On
constate que les États ont investi dans la gouvernance des données
ouvertes pour garantir l’efficacité des publications et la réutilisation
à tous les niveaux de leur gouvernement. Les portails open data
nationaux, qui préfigurent les futures plateformes d'échanges de
données, progressent avec une maturité moyenne de 67%. Mais surtout ils
sont en train de s'approprier des outils classiques des entreprises
comme l’analyse des comportements de leurs utilisateurs, les outils
d'analyse Web et l'ouverture via des APIs.
Une gouvernance des
données dédiée, complétée par l'émergence de
nouveaux rôles comme les RSSI pour les aspects sécurité, les DPO pour
les données personnelles et même des CDO - Chief Data Officer - dans de
grandes collectivités, vont permettre
aux administrations et collectivités d'articuler une véritable stratégie de
maîtrise et d'ouverture des données. Une véritable intension et non uniquement respect du réglementaire.
Cette stratégie deviendra encore plus
essentielle avec les développements des premières applications de
l'intelligence artificielle dans les services publics et le développement des centres de pilotage intelligents des grandes agglomérations, à l'image de Dijon Métropole
qui vient ce 19 décembre de créer un poste de "responsable de la
gouvernance des données" et un "comité d'éthique sur la gouvernance des
données urbaines", piloté par un élu.
Mais ce rapport nous montre
aussi que plusieurs modèles de gouvernance existent et peuvent nous
inspirer, à commencer par celui de l'Irlande, qui selon les critères de ce rapport, est la référence dans presque tous les domaines.