dimanche 1 septembre 2019

CRM: mais pourquoi Salesforce rachète Tableau ?

Pour ce premier billet de rentrée, GreenSI fait un point sur l'évolution du domaine de la relation client communément appelé CRM. 

C'est un domaine clef de la transformation digitale qui technologiquement est fortement utilisateur du Cloud avec le SaaS (7 CRM sur 10 sont vendus en SaaS) et intégré aux réseaux sociaux.

Un billet précédent (ERP Digital: quand CRM et SCM ne feront plus qu'un) a montré, que dans une économie numérique, le CRM s'intégrait naturellement à la Supply chain pour le bénéfice d'une expérience clients unifiée et d'un meilleur pilotage du coût client.

Enfin, côté offre de logiciels et services, malgré qu'il soit le plus grand marché applicatif, le CRM est en croissance annuelle de 15%, et même 20% pour le CRM en SaaS - selon les chiffres du cabinet Gartner -  ce qui montre factuellement le niveau d'investissement des entreprises avec des projets qui concernent en priorité le marketing (pour la prise en charge de la totalité de l'expérience utilisateur), par rapport aux domaines historiques des ventes ou de la relation client, et même du eCommerce.
En 2019, ce segment du marché informatique est donc très dynamique et est le premier marché pour les applications. Alors quoi de neuf sous le soleil qui a l'air de briller pour ceux qui sont engagés dans cette aventure ?
Le signe qui a alerté les radars de GreenSI qu'il se passait quelque chose, est la récente boulimie de son leader, Salesforce. Ce dernier domine sans partage les domaines des ventes et du services client, est dominé dans le domaine du marketing (par Adobe) et du eCommerce (par SAP), et conquiers de nouveaux clients par rapport aux ténors des ERP, (SAP et Oracle), qui eux se concentrent sur leur base existante. 

Salesforce ne se voit plus simplement comme un compétiteur sur le CRM mais bien comme une plateforme qui va devoir assurer son développement contre Facebook, Amazon ou Apple, dont les stratégies de contrôle de la relation clients, dans les 5 prochaines années, peuvent en faire des alternatives pour les entreprises.

Ainsi, en juin, Salesforce a réalisé la plus grosse acquisition de son histoire (15,7 milliards) avec Tableau Software pour se renforcer dans l'analyse et la visualisation de données. Puis en juillet la rumeur de l'acquisition de ClickSoftware, éditeur spécialisé dans la gestion des équipes de terrain ("field service") monte, et est confirmée début août avec une mise en œuvre fin octobre 2019.

Deux acquisitions dans des domaines connexes au marché du CRM, qui pour GreenSI confirment un virage vers la data et l'intégration avec la supply chain, dans un contexte où l’expérience clients est aujourd’hui l'une des portes d'entrée de la transformation numérique.

Dans le domaine du service client ou Salesforce est leader, la supply chain qui permet de délivrer le service, passe dans de nombreuses industries par la gestion d'interventions d'agents mobiles ou de véhicules sur le terrain. C'est dans cette perspective d'un meilleur service, d'une coordination renforcée entre le terrain et les centres d'appels, et de l'enrichissement des fonctions actuelles de "field service" assez légères, que s'analyse l'acquisition de ClickSoftware.
C'est donc une acquisition d'évolution des fonctionnalités du domaine. On peut s'attendre à de nouvelles acquisitions des acteurs du CRM pour se rapprocher plus de la supply chain et des données logistiques, notamment dans le B2B dans le domaine du transport mais GreenSI y reviendra dans un prochain billet.

En revanche, l'acquisition de Tableau est-elle plus disruptive pour le CRM.


Tableau c'est la visualisation de données simplifiée, reposant sur une architecture dans le Cloud pour qu'elle soit "élastique" en allant chercher la puissance nécessaire à ces traitements à la demande, et permettant ainsi aux utilisateurs de tester à la volée tous les croisements qui leur passent par la tête. 

La donnée client est depuis l'origine du CRM, le cœur de cette démarche centrée sur le client.
Les capacités analytiques pour l'analyser se sont développées avec des modules spécifiques dit de "business intelligence" puis les modules marketing ont automatisé les processus clients avec cette donnée.

A moins de vouloir refondre totalement ces fonctionnalités analytiques, on se demande quand même pourquoi Salesforce a fait cette acquisition.
Mais avec le développement de l'omnicanal, les données clients ne sont plus uniquement dans l'entreprise et encore moins dans la base CRM. Cela pourrait même coûter une fortune en interfaces de vouloir toutes les y mettre. Einstein, l'IA maison de Salesforce, ne sait pour l'instant travailler qu'avec des données contenues dans Salesforce, ce qui limite son potentiel. D'autre part le besoin de traitement de ces données devient quasi temps réel quand il s'agit de tracker les clients sur les canaux digitaux pour leur faire la meilleure offre puis de mobiliser son eCommerce pour prendre le relais.

La question de l'accès à toutes les données influençant l'expérience client, complexifiée récemment par les mécanismes d'anonymisation du RGPD, et le fonctionnement en temps réel demandé par le digital, sont des barrières actuelles des systèmes CRM. Il faut une nouvelle approche pour les contourner. 
Avec l'acquisition de Tableau, Salesforce semble avoir choisi d'y répondre en déplaçant son centre de gravité pour être une plateforme de traitement de données dans le Cloud. Car Tableau est intégrable à toutes les bases de données sources, dont celles des ERP. C'est une posture qui va devenir intéressante avec le développement de l'intelligence artificielle et du prédictif, pour y développer des algorithmes et les mettre à disposition des utilisateurs. Salesforce a fait ses premiers rachats dans ce domaine des algorithmes en 2016 avec PredictionIO et Krux, et GreenSI ne serait pas surpris qu'Enstein ne vienne se positionner sur cette plateforme de données au lieu de rester interne à Salesforce. On peut également faire le rapprochement avec l'acquisition de Mulesoft (pour $6,5 milliards), spécialiste des plateformes API, et donc au cœur de l'interopérabilité demandée par l'omnicanal.

Cette acquisition est d'une certaine façon la réponse de Salesforce à ses concurrents qui ont commencé à s'allier pour offrir une vision plus globale des données, au-delà du CRM.  C'est le projet Open Data Initiative, comme quoi, pour les habitués de ce blog, l'open data n'est pas limité au domaine de la Smart City et du secteur public.

En effet, l'an dernier Adobe (gestion des données marketing), Microsoft (CRM et ERP Dynamics) et SAP (HANA) ont décidé de travailler de concert sur ce projet pour avoir un modèle de données commun à leurs applications et favoriser une vision client à 360° et se préparer aux échanges temps réel d'information personnalisées et à l'arrivée intelligence artificielle avec des algorithmes plus avancés de machine learning.

Ci-contre la présentation de l'initiative de Microsoft, qui se met au centre, mais qui surtout y associe son Cloud Azure et ses services de traitement de données dont ceux à base d'IA.

Le CRM ne peut donc plus être cloisonné, même si avec l'ajout successif de modules il a déjà étendu sa capacité à intégrer plus de données depuis son origine. La dernière acquisition de Salesforce est certainement le signe que la capacité à les traiter en dehors des modules du CRM va devenir de plus en plus déterminante.

Cette acquisition va également bousculer les DSI qui vont devoir se positionner par rapport à cette stratégie car dans les entreprises, le CRM piloté par la Direction Clientèle est parfois assez séparé des projets de Datalake pilotés par la Direction Financière. Mais aussi en creux, pour ceux qui ont fait le choix du cinquième larron - Oracle - de se demander si de faire cavalier seul quand les autres créent des écosystèmes sera payant sur le long terme.
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