dimanche 20 janvier 2019

Êtes-vous prêt.e.s pour la rupture de la 5G ?

L'agitation sur le CES2019 étant retombée, la question de savoir si la France avait envoyé trop ou pas assez de startups ne faisant plus les titres, on va pouvoir maintenant analyser cette formidable source d'informations sur la technologie mondiale et en tirer des actions concrètes pour sa propre stratégie. Ce billet se propose d'explorer une technologie qui a l'air de venir plus vite que prévue, la 5G. Êtes-vous prêt.e.s pour la rupture ?

Avec l'intelligence artificielle, la 5G a clairement été mise en avant à ce CES 2019. Mais contrairement à l'IA qui avait déjà été la star d'au moins deux CES avec Alexa d'Amazon depuis 2017, c'est la première sortie d'ampleur et grand public pour la 5G, en dehors des salons pour initiés comme le Mobile World Congress.

Deux PDG de deux opérateurs déployant des pilotes 5G ont fait le déplacement à Las Vegas pour les keynotes, Hans Vestberg(Verizon) et John Donovan (AT&T).

Pour insister sur la disponibilité de la technologie, le premier client 5G de Verizon, un certain Clayton vivant à Houston, a même été contacté en visioconférence pendant la plénière et a fièrement affiché en direct un "speedtest" à 690Mb/s sur son ordinateur, une valeur qu'il a déclaré plus faible que d'habitude. Comme quoi l'effet démo ce n'est pas une légende puisque le débit de la 5G annoncé pour marquer les esprits est d'au moins 1 Gb/s.
Mais à quoi peut servir un débit plus de 20 fois supérieur au débit de 30Mb/s demandé pour utiliser l'application actuellement la plus consommatrice en débit temps réel au domicile, la télévision 4K 

Bien sûr, sur mobile c'est différent et ce débit peut en booster l'usage, mais l'écran étant plus petit son besoin en débit est aussi plus faible.
Donc pour GreenSI, pour l'instant, ce débit ne sert pas à grand-chose pour la majorité des particuliers qui vivent en zones urbaines et en l'état des applications actuelles. Pour ceux à la campagne, cela reste une promesse alléchante, mais attention aux chimères car si le bas débit est prometteur, le modèle économique pour financer un réseau servant peu d'abonnés reste toujours aussi compliqué que ce soit la 3, la 4 ou la 5G.

Ce sera plus vraisemblablement du côté de l'entreprise qu'il faudra à court terme aller chercher les nouvelles applications qui vont vraiment exploiter - et financer - ce nouveau réseau mobile.

La première fausse bonne idée à tuer c'est que la 5G, après la 4G et la 3G, ne serait qu'une augmentation du débit. Verizon a d'ailleurs égrené dans la keynote de Hans Vestberg les huit capacités (bizarrement appelées monnaies - "currencies") de la 5G. Il a invité sur scène des sociétés partenaires pour parler de chacune.

Au moins deux de ces capacités sont des ruptures par rapport à d'autres technologies et vont permettre réellement de développer de nouvelles applications. Il s'agit de la latence de 5ms (temps nécessaire au réseau pour répondre à une requête) et même 1ms sur le papier, ce qui rend possible le quasi temps réel à distance, et de la densité d'un million d'équipements connectés par km2 associé à un débit de 10Tb/s.
Ce sont ces caractéristiques qui vont rendre possible le passage à l'échelle de tout ce qu'on peut déjà lire sur les objets, les maisons ou les voitures connectés, la réalité augmentée ou virtuelle en temps réel et surtout à distance. Tous les analystes parlent de 30 à 50 milliards d'objets connectés en 2030, en restant plus discret sur l'énergie pour les alimenter et la saturation des réseaux pour les connecter...

Ce sont également ces mêmes caractéristiques qui vont certainement limiter les applications d'un autre buzz du moment, l'accès internet par satellite. Alors que le meilleur réseau gagne...



La performance de la 5G ce sera de déployer un réseau plus dense, exploitant des fréquences plus élevées que la 4G (ondes "millimétriques"), pour obtenir ces débits et cette vitesse, d'où la capacité de traiter plus de connexions dans chacune des (plus petites) cellules.


Si la 5G devient une opportunité de marché de masse, GreenSI pense que sera dans celui des objets connectés. Il est en effet toujours plus facile de déployer un nouveau réseau avec de nouveaux équipements et de nouvelles applications, que de changer tous les téléphones, modems et box de ceux qui ont déjà un accès. La 5G demande de lourds investissements pour les opérateurs, l'achat de nouvelles fréquences (même s'ils vont aussi réutiliser celles de la 4G), qu'il faudra bien amortir avec des revenus supplémentaires, sans cannibaliser leurs offres actuelles qui financent la fin du retour sur investissement de la génération précédente. 

Et puis n'oublions pas que les opérateurs veulent se refaire après avoir été "dépouillés" par les GAFAs d'une grande partie de la valeur du déploiement des réseaux internet et internet mobile. La 5G ce sera donc certainement le début de tentatives de repositionnement dans la chaîne de valeur et l'écosystème de l'accès internet - puces des smartphones, modems, électronique objets connectés, équipementiers télécoms, opérateurs, logiciels, etc., de tous ceux qui pensent ne pas être rémunérés à leur juste effort (voir Delta - Free a tout compris à la maison connectée).

L'annonce de deux partenariats entre Verizon et des labs d'entreprises - Disney et Times - sont le signe que la 5G va permettre de réinventer la diffusion d'information. Une démo de Times montre comment on passe de la simple vidéo d'une news à la possibilité d'explorer l'information et littéralement de se projeter sur les lieux d'un événement.

Ces labs ont donc pour mission d'imaginer ces nouvelles expériences utilisateurs, comme une information plus immersive, qui feront la différence, permettront aux producteurs de contenus de se différencier tout en stimulant l'adoption par les internautes des nouveaux smartphones qui permettront d'en bénéficier.

AT&T est aussi convaincu du potentiel de rupture amené par la 5G. Il a présenté sa vision de l'hôpital connecté et du stade connecté. C'est au Rush Medical Center à Chicago que pour AT&T s'invente l'hôpital du futur, avec en complément de la 5G le nécessaire "Edge computing" qui rendu nécessaire pour la gestion en local de la profusion des données générées (voir Edge, qui va gérer les données ?).
Contrairement à Apple qui a lancé seul il y a 10 ans la dernière rupture dans les smartphone avec l'iPhone, la 5G sera plutôt une technologie collective où certains vont essayer d'en tirer plus de bénéfices que d'autres, souvent en prenant plus de risques, plus tôt. 
La nouvelle expérience client sera donc clef pour vendre la valeur de la 5G.

Cependant, d'autres axes de recherche de ces nouveaux modèles existent certainement dans les entreprises autour du travail à distance et, de façon plus classique avec une nouvelle technologie, de la productivité.
La 5G donne la sécurité d'un pilotage à distance d'opérations demandant de la précision. Les opérations à distance par des chirurgiens pilotant des robots situés à côté du patient ont déjà été réalisées avec des équipements très sophistiqués. La 5G promet d'en faire une commodité. 
Avec la 5G on peut imaginer des drones connectés avec un débit permettant de prendre des vues avec une meilleure résolution et même de les piloter à distance. En laissant un drone sur un site isolé, quand une alerte remonte, on peut l'activer et le piloter pour rapidement avoir des données sur la situation et mieux décider de la suite à donner. On peut également imaginer scanner régulièrement ses installations pour mettre à jour leur "jumeau numérique". L'exploitation de cette capacité d'échange de données massives va également rendre plus attirante les applications de réalité augmentée et virtuelle.



La santé, la production et l'industrie plus largement, le transport et la distribution vont certainement être les premiers secteurs avec des applications concrètes... une fois les réseaux déployés. Car il est vraisemblable que les priorités de couverture du territoire soient définies en fonction des usages et de leur valeur pour l'opérateur. Le classique problème de la poule et de l'œuf.

En France l’arrivée de la 5G est attendue pour 2020, comme dans plusieurs autres pays dans le monde dont les États-Unis, la Chine ou la Corée du Sud. Mais ce calendrier pourrait être bousculé par la bataille économique que les États-Unis livrent à la Chine et notamment les multiples actions engagées contre Huawei - un investisseur majeur en R&D 5G - ces derniers mois. La maitrise technologique de la Chine, dans l'IA, les drones ou l'e-commerce, commence à agacer le bureau ovale. La dernière en date visant à bloquer la vente de puces américaines à Huawei et ZTE, ambiance...

La 5G est donc clairement une réelle opportunité de rupture pour les entreprises, et certainement une opportunité de redistribuer les cartes des télécoms data dans les 10 prochaines années. Mais son déploiement, au-delà des premiers "uses cases" localisés, pourra prendre du temps. Il est donc encore un peu tôt pour la majorité des entreprises pour démarrer des expérimentations en 2019, en revanche de comprendre les limites actuelles de son modèle d'opérations, avec le prisme des capacités futures de la 5G, est certainement un bon moyen de s'y préparer.
Et si je pouvais opérer une machine à distance, laquelle ça serait ? A vos labs, prêts, partez !
_________________________ 

NB: GreenSI a décidé en 2019 d'utiliser un peu d'écriture "inclusive", comme dans le titre de ce billet, pour rappeler que la féminisation des métiers de l'informatique doit rester un objectif dans l'intérêt de tous.
Previous Post
Next Post
Related Posts

L'humour de ceux qui aiment le numérique