dimanche 21 octobre 2018

Edge computing : qui va gérer les données ?



Quand les premiers ordinateurs sont apparus, leur temps de marche était la ressource critique. Les pupitreurs qui rentraient les programmes et les données dans la machine faisaient partie de l'équipe informatique - qui ne s'appelait pas encore DSI - pour en optimiser son utilisation.

Puis, avec moins de contraintes sur la puissance de calcul, l'informatique s'est mise au service d'utilisateurs pour qu'ils rentrent eux-mêmes les données dans des bases de données et des applications gérées par les équipes informatiques. Une répartition des rôles "contenu" et "contenant" s'est effectuée avec des utilisateurs qui exploitent ces infrastructures informatiques surdimensionnées, au mieux, à moitié de leur capacité.

Avec le développement de la collecte et du traitement de données en masse pour développer des "jumeaux numériques", alimenter des modèles, et en faire des terrains de jeux de collaboration numérique, la puissance est de nouveau une ressource clef. La question de la répartition des tâches pour bien gérer ces données, essentielles à ces modèles, se pose à nouveau entre les utilisateurs métiers et les équipes informatiques. Essayons de l'illustrer avec ce billet.


C'est le cas par exemple quand un industriel scanne son usine, en fait ensuite un modèle 3D objet lié à des capteurs qui permettent d'en suivre le fonctionnement. La donnée est créée dans les appareils de mesure dans l'usine, sur des cartes SD, et doit terminer dans un modèle 3D accessible dans le Cloud, voire dans l'application actuelle de GMAO.
C'est également le cas quand un constructeur immobilier exploite la maquette numérique d'un bâtiment pour le construire (BIM - Building Information Modeling).

Pour le cabinet d'analyse Gartner, d'ici 2021, la moitié des grandes sociétés industrielles utiliseront ces "jumeaux numériques" pour gagner 10% d'efficacité supplémentaire dans les processus concernés. Cette question va donc concerner de plus en plus de DSI dans les années qui arrivent.

Ce qui change aujourd'hui c'est l'impact de la massification de la collecte de données sur le terrain, par des équipements dédiés à cette activité, qui sont les nouveaux périphériques du système d'information.
Le transport de ces données depuis leur lieu de mesure demande de la bande passante, bien au-delà des besoins pour faire tourner un ERP déjà présent dans l'usine. Et puis quand il s'agit d'objets connectés, il faut parfois du temps-réel avec peu de latence, pour en remonter l'état. Enfin, les modèles demandent beaucoup de puissance de calcul, ce qui a ouvert de nouvelles opportunités dans l'entreprise, aux machines de jeux et surtout à leurs puces GPU. Le retour de Nvidia face à Intel ou AMD.
L'informatique industrielle (OT) existe depuis longtemps mais elle est restée isolée du reste de l'informatique de gestion (IT). Hasard linguistique amusant, c'est l'IOT qui cherche à unifier IT et OT ;-)

Bienvenue dans l' "Edge" !

L'Edge Computing est un nouveau territoire à maîtriser pour le système d'information, avant d'être une méthode d'optimisation du Cloud qui consiste à traiter les données à la périphérie du réseau, d'où son nom, au plus près de la source des données. L'Edge est donc l'expression du besoin d'une infrastructure répartie avec de la puissance de calcul et des données structurées et maîtrisées dans un processus industriel.
Dans l'Edge, la puissance et la capacité de stockage vont redevenir des facteurs limitants.

De mieux les organiser est donc une question clef pour l'entreprise, industrielle au départ mais rapidement pour toutes les entreprises. Mais qui va s'en charger ?

Les utilisateurs vont-ils se former et apprendre à gérer les données ou sous-traiter ce processus à des sociétés spécialisées ?

La DSI est-elle prête à reprendre du service sur ce sujet et s'impliquer à la fois sur ces nouveaux périphériques autonomes et sur la qualité de leurs données ?



Pour comprendre le changement demandé à l'entreprise, prenons l'exemple d'une entreprise minière qui collecte ses données d'exploitation (ex. volumes excavés) avec des drones qui survolent tous les jours la mine. Si vous lisez GreenSI vous savez que le drone se fait sa place dans l'entreprise et qu'il est loin de n'être vu que comme un moyen de livraison de pizzas ;-) Le drone est une technologie dont les bénéfices sont dès aujourd'hui importants pour ses capacités de scanner 3D, et encore plus demain avec les développements de l'intelligence artificielle et la reconnaissance d'images.

Les drones entrent dans la catégorie des dispositifs périphériques intégrés complexes, au même titre que les automobiles, les tracteurs connectés (voir Les robots sont dans le pré) ou les locomotives connectées de la SNCF. Des périphériques qui peuvent même être en réseau pour partager les données de capteurs, du stockage ou de la capacité de calcul. Des périphériques à la frontière du système d'information.

Pour faire voler un drone professionnel avec la stabilité nécessaire à la capture de données géolocalisées, il faut un pilote de droneprofessionnel, dont le métier est... la capture de données. Ce sont les pupitreurs des temps modernes.

Ils déchargent ces données - des milliers de fichiers photos et de fichiers de lidar - dans un logiciel de traitement pour les structurer et en faire un modèle, qui ira mettre à jour d'autres modèles historisés. Les bases de données sont généralement propriétaires, parfois objets, et très différentes des bases SQL.

Le changement demandé à la DSI pour aborder ce monde est important : peu de standards, par définition non centralisée, de nouveaux équipements périphériques à maîtriser, de nouveaux métiers associés à ces périphériques et à la gestion des données voir un brin de mathématiques pour les modéliser.
Pourtant, à un moment de la chaîne, ces données seront devenues intelligibles par les systèmes actuels du SI qu'elles auront enrichi, et de nouvelles applications intelligentes et collaboratives vont pouvoir être développées, et impliquer les autres utilisateurs de l'entreprise. La performance de ces applications dépendra de la maîtrise des données en amont dans le "Edge".

Ainsi, à mesure que la quantité de données produites augmente, la puissance de calcul passe dans le "Edge" pour traiter ces nouveaux flux. La promesse de nouvelles opportunités est forte et contribue à la transformation digitale des entreprises. Mais tout cela fera flop et restera sur les cartes SD et dans des logiciels bureautiques, si l'entreprise ne prends pas conscience de l'importance des pupitreurs et de la maîtrise des données dans ces nouveaux systèmes d'information étendus au-delà des frontières actuelles.
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