dimanche 23 septembre 2018

La FoodTech propose de scanner pour mieux manger !

Cette semaine GreenSI est retourné à la #FoodUseTech, au Palais des Congrès de Dijon, dont la première édition l'an dernier avait fait l'objet d'un billet sur l'innovation.
Cette manifestation qui rassemble tout l'écosystème de la FoodTech permet d'apprécier la transformation en cours tout au long de sa chaîne de valeur, de la Production alimentaire à l'Expérience de consommation, en passant par la Transformation des matières premières, et l'incontournable Distribution.
La perspective, de la dynamique de cette chaîne, est essentielle pour comprendre sa réorganisation avec le numérique et pas uniquement aborder son "marronnier" : la tentative de résistance de la distribution face à Amazon.


Pour GreenSI, en se promenant dans les allées des exposants de la #FoodUseTech, c'est certainement l'expérience client qui a le plus évolué entre ces deux éditions. Les données qui circulent le long de cette chaîne de valeur n'y sont d'ailleurs pas pour rien, comme on va le voir dans ce billet.

Ces vacances vous n'avez pas pu manquer Yukal'application mobile qui permet de scanner les produits avec son smartphone et de voir quels sont leurs ingrédients d'avoir son avis sur leur qualité nutritionnelle, de mauvais à excellent.
Cet usage a explosé fin 2017 et en 2018 et l'application a aujourd'hui plus de 2 millions d'utilisateurs. Cela ne vous a donc peut-être pas échappé de voir dans les allées de votre supermarché des clients qui scannent les produits avec leur smartphone avant de les choisir... ou de les reposer.

Plusieurs startups présentes à #FoodUseTech se sont lancées sur ce créneau de la traçabilité alimentaire pour répondre à une attente de plus en plus forte, le bien manger. Leur cible, réinventer l'expérience consommateur, quitte à bousculer les usages. 
L'idée de scanner un produit n'est pas nouvelle, mais elle était réservée à une petite partie des usages autour de la sécurité alimentaire ou des allergies. Maintenant c'est M. Toutlemonde et Mme Michu qui sont visés.

Parmi ces startups, une a retenu l'attention de GreenSI c'est Scan'Up. Elle vise à recruter ceux qui veulent la simplicité pour faire leurs courses tout en faisant aussi les "bons" choix. Elle renforce l'usage du scanner pour également organiser ses courses, voire les transmettre à un magasin.

L'application mobile que Scan'Up a développé permet aux consommateurs qui l'utilisent de gérer des listes de courses qui exploitent la base de données des produits et de mieux les choisir. Mais elle s'adresse également aux marques pour tester la "co-construction" de produits, bien au-delà du simple parfum de sa crème dessert comme Danette avait pu le faire il y a déjà quelques temps. 
Scan'Up a donc le projet de transformer ses utilisateurs en acteurs du développement de nouveaux produits pour une alimentation plus saine et plus responsable. 

A leur actif par exemple, la nouvelle pizza Franprix, co-créée avec 4112 consom'acteurs depuis juin dernier, qui souhaitent en majorité une pizza classique, végétarienne avec 100% d'ingrédients français. C'est donc une opportunité formidable pour les distributeurs ou les marques de récréer le dialogue avec les consommateurs. GreenSI prédit même que certains revendiqueront un jour de ne plus être des "distributeurs" qui poussent des denrées de la transformation vers la consommation, mais des "concepteur / designeurs", qui connaissent leurs clients et leur amènent les produits qu'ils attendent.

Avec cette approche vous avez peut-être reconnu une marque qui cartonne, "C'est qui le patron", qui établit avec ses clients potentiels les cahiers des charges de ses produits, détaille les composantes des prix, puis les fabriquent et les mettent en rayon chez les distributeurs qui acceptent de travailler avec eux.

L'expression "consom'acteur" n'a jamais été aussi forte, et la donnée est au cœur de cette révolution.




Cette base de données c'est Open Food Facts.
Un projet collaboratif en ligne créé en 2012, dont la base de données en crowdsourcing (mise à jour par les consommateurs eux-mêmes) et en open data(réutilisable par tout le monde) continue de croître énormément : 400.000 produits détaillés pour la France et 640.000 dans le monde.
Elle a aussi été synchronisée avec d'autres bases de données mondiales de produits (dont USDA et ses 175.000 produits).

La nouveauté en 2018 c'est que les producteurs, par exemple Fleury Michon, envoient maintenant directement leurs données car c'est un canal pour atteindre les consommateurs, sans passer par les distributeurs. Et puis le succès de Yuka permet de produire beaucoup de données avec les clients de cette application et d'en reverser à OpenFoodFacts, notamment les photos collectées, même si, de l'avis d'OpenFoodFacts, cet ajout de données est de moindre qualité que celles d'un réseau de militants passionnés ;-) 
 
Vous comprenez maintenant ce que GreenSI veut dire par la donnée qui rends possible la réorganisation de la chaîne de valeur
D'ailleurs les distributeurs ne sont pas en reste car ils ont aussi des produits "en marque distributeurs" dont ils produisent les cahiers des charges pour les faire fabriquer. Mais jusque-là, ils n'impliquaient par le consommateur et, mettons les pieds dans le plat, exploitaient sans vergogne les données historiques de ventes des produits équivalents des producteurs pour lancer ces marques. Ce qui est amusant, c'est que c'est la Commission Européenne, qui vient d'ouvrir une enquête contre Amazon pour abus de position dominante, lui reproche exactement la même chose ;-)

Le Saint Graal du moment des données à forte valeur s'appelle "Nutri-Score" ou la classification NOVA des aliments transformés et ultra-transformés. C'est le choix par exemple de Fleury Michon. Cela permet d'indiquer directement sur le produit les données attendues par les consommateurs, et ne pas se faire dépasser par des applications mobiles, qui un jour pourraient devenir dangereuses...

Un autre distributeur a réagi, c'est System-U, qui a sorti également son application mobile exploitant les mêmes données : "Y a quoi dedans".
Cette base de données qui est en train de disrupter la relation distributeurs a un coût, bien sûr, celui de l'animation d'une communauté engagée de 7500 contributeurs et la motivation de développeurs bénévoles pour maintenir l'application mobile, mais surtout la base de données. Les comptes de l'association, non sponsorisés par les acteurs de la FoodTech - pour garder son indépendance - affichent en 2017 après 5 ans d'existence un budget de... 943 euros ! Budget utilisé pour l'hébergement du serveur et 2 billets de train pour participer à des événements et alimenté par des dons (par ici pour contribuer !)

La grande distribution ne peut donc pas prétexter ne pas avoir eu les moyens financiers de se mobiliser ces dernières années pour donner au consommateur les données de ce qu'elle distribue (au delà des données strictement légales), qu'elle a déjà en partie dans ses propres systèmes d'information...

Mais elle était peut-être trop concentrée sur sa "Supply Chain" et la réduction des marges de ses fournisseurs, et moins sur son "CRM omnicanal" pour délivrer plus de valeur et une meilleur expérience à ses clients. La transformation digitale remet le focus de la chaîne de valeur sur le client et sur la logistique pour le satisfaire.

C'est d'ailleurs également sur ce terrain qu'elle est challengée par Amazon, avec ses magasins Amazon Go sans caisse, dont tout le personnel - car oui il n'y a pas de caissiers mais les rayons ne se remplissent pas seuls ! - est concentré sur cette nouvelle expérience client.
Cet exemple est aussi un cas d'école de l'open data comme il y en a encore peu.

On pourrait s'en inspirer pour remettre l'open data sur les rails de l'efficacité économique et de l'impact sociétal (voir Redéfinir l'open data pour libérer tout son potentiel), alors qu'il patine actuellement sur des obligations règlementaires non assorties à ce jour de sanctions, donc qui ne mobilisent pas grand monde dans les collectivités. D'ailleurs l'association de bénévoles OpenFoodFacts, moteur de cet open data, est indépendante des distributeurs, bien sûr, mais également de la sphère publique et d'une quelconque loi sur la publication des données. Ce qui démontre qu'il y a au moins un autre chemin pour développer un open data à succès.
Une base de données peut donc être essentielle dans la transformation digitale, y compris d'une industrie, quand ces données sont pertinentes pour le client. Elle peut devenir son référentiel partagé, réorganiser la collaboration dans la chaîne de valeur et donner un avantage à ceux qui l'utilisent, sans nécessairement la posséder.
En attendant, préparez-vous a adopter le nouveau geste pour la lire et l'alimenter: scanner !
Previous Post
Next Post
Related Posts

L'humour de ceux qui aiment le numérique