Profitons de la trêve estivale pour observer l'évolution de la transformation digitale des entreprises qui, ces dernières années, semble avoir changé de forme. Pour ceux qui la maîtrisent c'est devenu la période des grandes manœuvres : plus de capital, plus vite, plus l'hybridation entre l'ancien et le nouveau monde.
Pour les autres qui n'avancent pas assez vite ou sans rien vraiment changer, c'est certainement l'illusion de répondre à cette transformation car ils sont encore au cœur du cyclone, mais c'est juste le temps que leur modèle soit totalement remis en cause. Les régulations et autres monopoles ne sont que des retardateurs, car du privé au public, c'est bien de l'adaptation de la forme organisationnelle et sociale de l'entreprise à une société numérique dont on parle, car la société elle-même et ses règles évoluent.
On a beaucoup écrit sur le "Printemps arabe" et le rôle des réseaux sociaux lors des révolutions en Tunisie ou en Libye. On a peut être moins traité des exemples où le politique a maîtrisé les réseaux, en les coupant comme en Irak ou en les régulant comme en Chine.
Cette maîtrise a d'ailleurs permis a ce dernier de laisser se développer une autre race d'entreprises d'État, les BATX, capitalistes mais contrôlées. C'est une forme arrivée juste au bon moment, quand le système planifié arrivait à bout de souffle, et qui a créé des richesses et amplifié à la fois le commerce avec le Monde et au sein de la Chine via les mobiles et les nouvelles plateformes.
Avec le recul si on compare avec la Russie, les oligarques qui ont pris la main sur les grandes entreprises à la fin de l'URSS, n'ont pas réussi une telle performance économique.
Internet ce n'est donc pas qu'une histoire de vendre des choses à l'autre bout de la planète ou d'y faire de la publicité, c'est aussi une histoire de transformation politique majeure et d'équilibre du pouvoir entre les anciens monarques et les nouveaux connectés.
L'Internet n'a pas de frontière. Les plateformes digitales des entreprises doivent répondre à cet Internet politique. En Chine la censure de Facebook, Twitter, YouTube ou Google, a été une première réponse ces dix dernières années, mais la création d'une nouvelle filiale de Facebook en Chine récemment et discrètement, ou l'alliance de Google avec JD.com, montrent que de nouvelles positions sont en train d'être prises... avec la bénédiction de l'état chinois bien sûr. Les nouveaux modèles de la mobilité s'y développent aussi et l'état chinois renonce à la règle de contrôle du capital des JVs si on veut développer des voitures autonomes.
La Chine, un état qui maîtrise les dernières innovations en intelligence artificielle, comme la reconnaissance faciale et la surveillance des réseaux, pour redéfinir sa relation avec les populations. On peut ne pas aimer mais c'est cohérent avec la politique dirigeante en place.
Ce nouvel équilibre économique avec le marché chinois, qui dans le digital est loin de n'être que l'usine du monde, va influencer fortement les stratégies digitales de tous les acteurs, y compris celles des européens dont la dépendance américaine et chinoise se renforce un peu plus tous les jours.
La réponse européenne, via le RGPD, à la maîtrise américaine du commerce des données est certainement à prendre en compte, mais elle verrouille autant les réponses des entreprises européennes. Déjà en retard, elles doivent aussi trouver un nouveau modèle tout en rattrapant ce retard. Car ne perdons pas de vue que les milliards d'internautes sur les plateformes des GAFAs y sont certes sans trop savoir quel pacte ils ont vraiment signé, mais ils l'ont toujours fait de façon volontaire pour répondre à un besoin de connexion devenu primaire dans la pyramide de Maslow.
Au sein des industries c'est également les grandes manœuvres qui ont commencées.
La distribution est le domaine oú c'est le plus flagrant comme l'a traité un billet récent de GreenSI. L'effet Amazon y est maximum. Renforcement des liens entre le physique et le digital, course à la taille comme le montre en France la fusion Darty et Fnac qui regarde maintenant du côté des jouets avec La grande récré. Ceux qui ratent le numérique, comme La Grande recré ou même Toys'r'us le leader mondial, deviennent des proies pour ceux qui ont les plateformes pour valoriser leur actifs.
Ce sont donc les moyens capitalistiques et la vision stratégique de l'entreprise qui deviennent des atouts dans cette transformation car seul un alignement peut permettre de les mobiliser. Mais cela veut aussi dire que l'entreprise a une capacité d'assimilation de ces nouvelles compétences ou de ces nouveaux actifs, car la bataille se joue également dans l'entreprise.
Au sein de l'entreprise il n'y a plus aucun doute que le numérique est un vaste programme de gestion du changement dont le succès ne résidera pas que sur des compétences techniques, mais également sur la gestion des ressources humaines et surtout commerciales.
Cette bataille est conduite par le Chief Digital Officer, même si ce poste a un certain côté éphémère et disparaîtra après la bataille.
Elle ne peut pas se faire sans une implication forte de la DSI mais pas toujours pour les raisons annoncées.
La DSI est essentielle pour mettre en place la Digital Workplace dont l'entreprise à besoin pour sa transformation et donner aux employés les armes numériques dans leur bataille au quotidien, notamment pour valoriser les données. En revanche, la DSI ne doit pas freiner ou influencer, avec sa gouvernance datée, pensée pour l'interne, le développement de la plateforme digitale pour les clients externes. De nouveaux modèles existent mais les fournisseurs historiques de la DSI y perdraient leur pouvoir actuel alors ils déploient un marketing de génie pour le lui faire oublier...
Que ce soit au niveau de la planète, des industries ou des entreprises, la transformation est donc maintenant engagée avec des moyens considérables. La transformation digitale devient encore plus stratégique qu'a ses débuts, au sens que seul son alignement avec la stratégie de l'entreprise peut mobiliser ces moyens.
Voici donc venu le temps des grandes manœuvres. A la rentrée ne vous contentez pas d'une Nième application mobile au business modèle encore nébuleux, mais voyez plus grand pour être à l'échelle des enjeux.
Transformation digitale : les grandes manœuvres
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