Cette tendance sent le marketing à plein nez mais cache un fond de pertinence que GreenSI se propose d'aller gratter avec ce billet.
Ce concept de plateforme sent bon le marketing car certaines sociétés de technologies voudraient fortement vous suggérer, en engageant des budgets marketing importants, qu'il n'y aura qu'UNE plateforme, la leur, et qu'il faudrait rejoindre sans plus tarder les rives de ce nouveau continent de rêve au ciel bleu azur peuplé de belles amazones ;-)
Désolé, mais le futur sera certainement moins uniforme, du moins GreenSI l'espère pour la poursuite de l'innovation qui est généralement inversement proportionnelle au nombre de fournisseurs.
L'État se rêve en plateforme
Commençons par l'État plateforme, un concept tiré d'un article célèbre du MIT (Government as a platform - Tim O'Reilly) et qui avait fait l'objet d'un billet GreenSI un peu plus tôt dans l'année au terme de l'action dans le numérique du gouvernement précédent.Ce concept séduit visiblement toujours le gouvernement actuel puisque Mounir Mahjoubi, le nouveau secrétaire d'État au Numérique le reprend à son compte pour matérialiser le souhait d'avoir une Administration qui offre de meilleurs services numériques aux tiers (citoyens, entreprises, ...) et peut facilement collaborer avec un écosystème.
On retrouve ici en toile de fond le concept
d'une plateforme facilitant la transformation numérique d'un État qui se voudrait plus agile, plus transparent et même plus efficace, si on fait le lien entre numérisation et efficacité.
Les plateformes ont été exploitées avec succès par les GAFA et les BATX en Chine. On compare souvent leur puissance à celle des États (en tout cas GreenSI l'a fait il y a 4 ans) et leurs offres gratuites à des services qui pourraient bien être publics (Pourquoi Google et les GAFAs dérangent les politiques européens? ). De bons exemples sont Google/Waze qui a les données de transport les plus fraîches pour les villes, ou encore Facebook Safety Check utilisé maintenant à chaque attentat pour déclarer que l'on va bien. C'est donc certainement une bonne idée que les États s'inspirent de ces grandes entreprises du numérique pour réformer leurs services aux citoyens.
Après tout ils les connaissent déjà très bien, peut-être même mieux que les États ;-)
Mais c'est certainement une autre bonne idée pour l'État de ne pas vouloir tout faire lui même et de pouvoir impliquer, quand c'est plus rapide ou plus efficace, les citoyens et les services qui ont déjà atteint une maturité dans les populations plutôt que de repartir de zéro et malheureusement souvent de ne jamais les rejoindre.
L'efficacité de l'application SAIP par exemple, créée par l'Etat et finalement moins riche fonctionnellement que le "Safety Check" pour les alertes attentats, a même été récemment critiquée par les sénateurs eux-mêmes.
Le concept de plateforme est donc associé a la transformation agile des organisations et à la capacité de s'ouvrir à un écosystème de partenaires qui l'utilisent.
On peut l'imaginer comme un porte avions bien organisé auquel les État ont certainement une tendance naturelle à s'identifier, sur lequel de façon très organisée, une flotte d'avions peuvent en partir ou y atterrir et effectuer des missions.
Mais GreenSI préfère au contraire voir une construction plus "organique", comme la station Alfa de l'"Empire des milles planètes" pour ceux qui connaissent, dans la bande dessinée et maintenant le film Valérian & Laureline (pour la diversité !), la station spatiale où se retrouvent toutes les espèces de l'Univers.
La capacité à délivrer de nouveaux services à coût marginal
Si beaucoup de ressources sont mutualisées comme la gestion des autorisations, la sécurité, des moteurs de notifications voire des services génériques d'analyse de données, cela réduit les délais et les coûts de mise en œuvre des nouveaux services, pour atteindre un coût marginal. C'est également une solution pour financer des infrastructures mutualisées, de collecte de données par exemple, en les faisant financer par chaque bénéficiaire au volume de données traitées.Demain, ces plateformes mutualiseront également des fonctions exploitant l'intelligence artificielle, grand consommatrices de ressources, que peu auraient pu financer seuls. Cet avantage aura donc plus de valeur pour les petits entreprises que les grandes. L'effet de taille recherché jusqu'à présent sera donc moindre, et c'est peut-être le début d'une ère d'entreprises en réseau plus agiles cherchant leur effet de taille par le marché adressé par leur plateforme, et non leurs bureaux à travers le monde.
Une expérience utilisateur simplifiée
La plateforme permet une expérience utilisateur simplifiée. Cette expérience commence par une seule authentification (si elle a bien été mutualisée) et un ensemble de services qui peuvent échanger des données entre eux.Comme il est difficile de construire une expérience utilisateur pour plusieurs cibles différentes, par exemple B2B et B2C à la fois, une entreprise aura certainement une plateforme par segment de clients et une autre pour l'interne. Un autre bénéfice sera la compréhension fine des usages de chaque utilisateur et de chaque segment de clientèle avec une vision globale sur tous les autres services.
Cette stratégie de plateforme unifiant l'expérience utilisateur implique que tout nouveau service pour un segment bénéficiant déjà d'une plateforme doit rejoindre la plateforme et non être développé comme une nouvelle application distincte. Ça ne fait pas toujours plaisir aux égos des chefs de projets, mais il faut en finir avec les applications indépendantes et basculer dans une évaluation des projets par rapport à ce qu'ils amènent à la plateforme entreprise.
Construite pour développer des écosystèmes
La plateforme technique sous-jacente du concept de plateforme est nécessairement ouverte conçue pour inter-opérer avec des systèmes externes. On retrouvera ici demain la capacité pour l'entreprise a se connecter aux millions d'objets connectés dont les données lui permettront de repenser ses processus et qui ne seront pas tous directement connectés à son SI. Ce sera également l'accès aux millions de micro-services en ligne qui vont émerger et dont elle pourra bénéficier.Les DSI qui pensent pouvoir appliquer les règles traditionnelles de gouvernance du SI à ces plateformes se trompent. Elles vont juste s'en exclure et entraîner leur entreprise dans leur erreur.
La gouvernance d'un écosystème se crée collaborativement, y compris la sécurité.
La plateforme Alfa est une image intéressante de la construction de cet écosystème. À la suite de la rencontre historique Apollo-Soyouz en 1975, d'autres nations envoient des cosmonautes rejoindre la station spatiale, puis les siècles suivants ce sont de nombreux extraterrestres, de toutes formes, qui la rejoignent. Les liens avec les planètes mères sont conservés pour développer ou accélérer le commerce et les échanges.
Les règles de gouvernance de chaque planète mère (dont la Terre) ne sont plus pertinentes sur la plateforme spatiale où la pesanteur est artificielle, et l'énergie, l'eau et l'air sont en quantités limitées.
D'ailleurs quand celle-ci devient trop vaste et risque de s'écraser sur la Terre, sous l'emprise de la gravité, ses occupants décident de l'éloigner de la Terre et s'émancipent de son créateur, tout en continuant de lui délivrer de la valeur au travers des échanges qu'elle rend possible.
Vouloir développer une stratégie de plateforme sans aborder la rupture avec la gouvernance de l'entreprise risquerait de vouer le projet à l'échec.
La plateforme modèle d'évolution des entreprises?
Les plateformes d'entreprises constituent donc le socle technologique, le système d'information, de la réussite commerciale à l'ère du numérique.Elles sont ouvertes pour permettre à une communauté de salariés, de partenaires, de fournisseurs ou de clients de partager et d'améliorer les processus et de développer le business. Sous cet angle, toute entreprise a besoin d'une stratégie de plateforme numérique. À défaut de se transformer elle-même en plateforme, elle peut en rejoindre, comme le montre le développement des Marketplaces que les marques rejoignent pour vendre en ligne. Il est estimé qu'en 2020 40% du commerce en ligne passera par un de ces Marketplaces.
Mais la plateforme est plus qu'un socle technologique. C'est également un business modèle, parfois une marque.
La plateforme joue donc un rôle majeur dans l'intégration des compétences, la collaboration et la communication entre les salariés, les clients et même les objets.
C'est un cadre fondateur pour gérer les écosystèmes de l'entreprise. En fonction du métier et des enjeux, l'entreprise va donc privilégier une plateforme interne pour ses salariés (la plateforme collaborative bien connue mais aussi celle de ses API internes), une plateforme privée pour ses clients et partenaires (les extranets) ou une plateforme publique qui interagira avec les autres plateformes du cyber-espace.
Le passage d'une gouvernance centrée sur l'interne de l'entreprise à une gouvernance tournée vers le développement d'un écosystème est certainement aujourd'hui le défi et le principal frein du modèle des plateformes.