Quand dans la majorité des entreprises les applications opérationnelles les plus avancées pour l'analyse des données utilisent de simples modélisations sur des domaines limités, l'actualité se pose la question de qui sera maître du monde par l'analyse de données ; ainsi que de quand va démarrer la prochaine guerre mondiale dirigée par une intelligence artificielle.
Cette actualité, souvent confuse, est entretenue par les propos de quelques entrepreneurs de talents comme Elon Musk ou Mark Zuckerberg et surtout par des prises de positions publiques de dirigeants du Monde comme Vladimir Poutine ou par le Royaume-Uni qui décide cette semaine de bannir les armes autonomes qui seraient pilotées par une IA.
Mais au milieu de ce brouhaha, les GAFAs continuent de pousser leurs pions - avec le support de startups qui rejoignent leurs "labs" comme à la Station-F (Microsoft) ou à Montréal (Facebook) - lancent des fonds en centaines de millions de dollars, et rachètent des sociétés mais surtout leurs équipes, car le recrutement de talents est de plus en plus compliqué.
Au-delà des questions d'éthique et d'enjeux stratégiques nationaux, d'ailleurs relevés par la France avec une (nouvelle) mission #FranceIA, il n'y a pas de doute que son développement aura un impact sociétal majeur. Ce sera également une rupture clivante dans les entreprises. Il est donc également temps de commencer à prendre en compte ce sujet dans les stratégies d'entreprises.
L'avis du cabinet Gartner avec son classique "hype cycle" sur la "data science" et le "machine learning" nous rappelle que, concrètement, seules l'analyse automatique de photos et vidéos, les techniques d'apprentissage par catégorisation, et la modélisation sont aujourd'hui opérationnelles (pastilles blanches dans la partie droite de la courbe). Ceci qui mènera prochainement à l'analyse de texte, du langage et à la simulation (bleu à droite de la courbe).
C'est une analyse qui tendrait à mettre les projets d'assistants autonomes dans la relation client ("chatbots"), classification automatique de données, d'amélioration des processus par l'analyse d'images ou de vidéos, et l'émergence de centre de pilotage intelligents, dans la catégorie des idées à explorer dès maintenant.
Elle nous confirme également le nombre de sujets au plus haut sur le pic des espoirs (ou angoisses) les plus fous, comme le "deep learning" quand le programme (et la machine à travers lui) ira au-delà de l'apprentissage assisté. C'est AlphaGo, le programme de Google arrêté cette année, qui a rendu célèbre ces techniques en battant le champion du monde 4 parties contre 1. Depuis, en Corée du Sud, les clubs de Go s'inspirent de la nouvelle façon de jouer d'AlphaGo sur ces 4 parties "uniques" pour renouveler les stratégies humaines et les manuels du jeu de Go.
Au delà du buzz, l'IA est donc suffisamment mature pour rentrer dans les applications de l'entreprise.
Mais qui doit piloter ces initiatives dans l'entreprise ?
L'IA est un sujet amenant une rupture forte, avec un impact social engageant nécessairement la responsabilité de l’entreprise donc de son représentant au plus haut niveau.On n'imagine pas, par exemple, l'acceptation des dossiers de crédit d'un conseiller virtuel autonome à base d'IA, en lien téléphonique directe avec les demandeurs, sans que la Direction de la Banque ne soit totalement au fait de ce service.
Pour GreenSI l’IA a donc vocation à être pilotée, au plus haut de l’entreprise.
Est-ce pour autant nécessaire de nommer un « Vice Président IA » ?
À titre provisoire, comme pour le Chief Digital Officer, ce peut être un moyen d'envoyer un signal fort dans l'entreprise sur les enjeux stratégiques associés à l'IA, et de coordonner les réponses de toutes les Directions Fonctionnelles avec un appui en amont :- de la Direction de l’innovation pour tester le nouveau paradigme amené par
cette rupture, avant d'engager des projets structurés. Ce peut être dans le cadre d’un projet piloté par un Lab
interne ou dans un écosystème open-innovation d’acteurs dans l’industrie.
- de la "communauté data" de ceux qui manipulent déjà les données dans l'entreprise, voire font de la data science. Elle lui sera un autre appui majeur pour faire le lien entre les nouvelles méthodes de l'IA et les cas métiers, donc la capacité à transformer l'entreprise et les modèles économiques.
La société SAP, au cœur des ERP, qui outillent nombreux de ces processus, ne s'y est pas trompée et propose déjà "SAP IoT Solutions" de nouveaux processus dans la chaîne logistique digitale, mais également dans ses verticaux industries, exploitant la collecte massive de données IoT et avec SAP Leonardo le "machine learning". Unit4 avec Wanda, Oracle Applications et Sage sont aussi dans la course au chatbot pour interagir avec l'ERP.
À l'image de l'ERP qui se transforme, ce sont donc tous les processus de l'entreprise qui vont potentiellement se transformer et cela va également transformer le système d'information de l'entreprise au sens large.
La DSI est-elle légitime pour mener cette bataille ?
L'IA et son "compagnon IoT" qui l'alimente vont être de bons révélateurs de la transformation de la DSI sur ces dernières années.Si la DSI mène déjà la transformation numérique et qu'elle s'est orientée vers le business et vers l'agilité demandée par les secteurs les plus compétitifs de l'entreprise, elle est en bonne position pour accompagner la bataille de l'IA. Ce sera une bataille qui va demander une capture permanente de données en dehors des murs de l'entreprise (là où elle n'est pas très à l'aise) et des services de traitement reposant sur de la puissance de traitement à la demande (architecture data, IoT et cloud).
Si la DSI n’a pas été - ou ne s’est pas - impliquée sur les étapes des relations numériques et de maîtrise des données, elle aura certainement peu de valeur ajoutée pour l’IA qui arrive comme une étape de plus dans la transformation numérique des entreprises.
Comme une partie contre AlphaGo qui a su imaginer des coups jamais joués par les champions, une DSI trop régalienne et trop "prévisible" a peu de chance d'accompagner son entreprise dans cette prochaine bataille qui va demander de jouer des coups non répertoriés dans les manuels de gouvernance et de protection de la propriété intellectuelle et dans la liste des fournisseurs référencés .
L'IA nous ramène donc à une réalité connue depuis bien longtemps, le SI sert en premier le business, la donnée en est devenue la principale marchandise.