Dans ce secteur par essence "brick and mortar", le numérique est déjà bien répandu: des SIG (systèmes d'information géographiques), à la modélisation 3D, en passant bientôt par la réalité virtuelle. Il reste bien sûr encore plein d'innovations technologiques à apprivoiser, notamment dans le traitement des données en masse ou l'impression 3D pour ne citer que ces deux.
Mais l'enjeu pour le secteur n'est pas là. Dans un secteur très éclaté en terme de métiers et de tailles d'entreprise, l'enjeu c'est de rassembler tous ces morceaux pour qu'ils deviennent une industrie tout entière numérisée.
Cela demandera la convergence de méthodes et de standards d’interopérabilité pour permettre l’industrialisation de la conception, de la construction et de la maintenance des bâtiments, en s'appuyant sur le numérique. Au coeur de cette collaboration, un modèle numérique partagée, à la fois pour réduire les délais, gérer des systèmes complexes aux interactions multiples et surtout maîtriser et réduire les coûts. C'est d'ailleurs une caractéristique du secteur (comme de l'informatique) de terminer ses grands projets en faisant x2 ou x3 sur le coût, à cause des imprévus et de la complexité des interactions entre acteurs.
Le BIM c'est donc une méthode de travail collaboratif qui devra s'étendre à toute l'industrie.
Un peu comme l'agilité, devops, les frameworks de développement ou les L4G ont transformé la façon de fabriquer du logiciel avec des outils de collaboration entre les différentes équipes; des études, de la construction ou de l'exploitation. D'ailleurs le logiciel open source a certainement beaucoup à apprendre au futur modèle de collaboration du bâtiment.
Le BIM doit permettre d'organiser et de structurer les données relatives à un ouvrage sous la forme d’un modèle (la maquette numérique) exploitable par tous les acteurs de cet ouvrage, de façon collaborative, pendant toute sa durée de vie.
Ce modèle, qui pourra être visualisé en 3D, ne se limite pas à cette représentation 3D.
Il peut intégrer le temps pour représenter la progression de la construction (plannings), ainsi que son volet économique (façon "Sim-City"), mais aussi les données de tous ses "objets" constituant l'ouvrage et leurs caractéristiques afin d'anticiper leur maintenance. On parle de modèle 3D, 4D, 5D, 6D et même 7D selon les dimensions et la nature des données qui sont ajoutées au modèle initial.
Ces objets et informations ayant été produites par de multiples fournisseurs en collaborant sur la même maquette numérique. L'essentiel de la collaboration est donc ramené en amont du projet pour structurer la maquette.
Tout commence donc avec l'Architecte ! (Oui, comme dans Matrix ;-) ).
L'Architecte, en modélisant le projet dans un format numérique, peut donc souffler le vent de transformation, par les données, de toute la chaîne des acteurs du cycle de vie du bâtiment. Car si ce n'est pas fait au début, ensuite chaque acteur ne s'intéressera qu'a son sujet, avec ses propres outils et formats. A savoir les électriciens modélisent le réseau électrique dans leur outil de CAO, les gestionnaires les coûts dans un tableur, etc...
Mais il se trouve qu'en France on voit l'architecture comme de l'art (encore un point commun avec le logiciel pour sa propriété intellectuelle) et donc la formation des architectes dépend du Ministère... de la Culture !
Peut-être pas la première structure à laquelle GreenSI aurait pensé pour transformer toute une industrie avec le numérique, quand on se dit que la musique et les films sont passés en 10 ans sous la domination des plateformes américaines que l'intérêt d'Hadopi est toujours questionné. Oui je sais, facile ;-)
Par chance une certaine Fleur Pellerin, ancienne Secrétaire d'Etat au Numérique, est passée par ce Ministère en août 2014 où une stratégie nationale pour l'architecture a été mise en place pour ne pas rater le train du BIM. Après un lancement en 2015, le plan de transition numérique dans le Bâtiment va généraliser l’enseignement du BIM dans les ENSA - Ecoles Nationales Supérieures d'Architecture - afin de former des architectes compétitifs sur les marchés nationaux et internationaux et ne pas rater la révolution numérique.
Espérons que la nouvelle Ministre, Audrey Azoulay, arrivée avec le dernier remaniement, aura aussi perçu l'urgence de la situation.
Les français sont déjà bien présents dans le logiciel BIM via, entre autres, Dassault Systèmes (Digital Project). D'autre part l’interopérabilité entre les différents éditeurs pour l'échange de modèles existe déjà avec le format de données IFC (information for construction), normalisé ISO et ouvert.
La présence de Dassault Systèmes n'est d'ailleurs pas sans nous rappeler que dans le secteur de l'aéronautique la collaboration et la conception numérique est maîtrisée depuis bien longtemps. Mais il est vrai qu'il y a moins de constructeurs d'avions que de bâtisseurs à convaincre et à transformer.
On peut aussi imaginer qu'a moyen terme des alternatives logicielles en open source pourront apparaître pour le BIM à l'instar des moteurs 3D en open source qui sont utilisés dans le jeu et même dans le cloud pour les tablettes (Minko). Car la filière va multiplier ses projets et les acteurs souhaiteront un jour reprendre la main sur leurs modèles, en exploiter les données dans leurs processus métiers et développer de nouveaux usages au delà du BIM.
C'est ce que l'on a constaté depuis plus de 10 ans dans le domaine des SIG mis en place chez les gestionnaires de réseaux de la ville. Des applications "métiers" se sont développés sur les SIG pour, par exemple, calculer la carte de couverture incendie d'une ville et indiquer les zones atteignables avec le réseau en cas d'incendie (fonction de la localisation des bornes incendie, de la pression dans le réseau d'eau et de la longueur des tuyaux des pompiers). Par extension, demain les pompiers pourront-ils accéder aux données des bâtiments, simuler des scénarios depuis leur véhicule d'intervention, avant même d'arriver sur les lieux d'un sinistre ?
La disponibilité des données va donc mécaniquement s'accroître et leur coût de constitution décroître.
Nouvelles méthodes de travail, nouveaux outils avec des investissement en amont, le BIM donne un avantage certain aux structures mettant en oeuvre des économies d'échelle ou aux startups agiles qui vont exploiter les innovations, par exemple autour de l'impression 3D qui justement s'alimente de modèles numériques.
Les maquettes numériques et les données qu'elles organisent seront au cœur de la transformation du secteur de la construction.
Et si comme prévu l’utilisation du BIM pour les marchés publics de BTP devient obligatoire en 2017 (poussé par l'Europe pour ouvrir les marchés), alors que la France semble en être aux balbutiements, c'est certainement une bonne chose que 2016 regroupe autant de salons et de manifestations :
- 7-8 mars 2016 : 5e édition du Forum Bâtiment Durable (Lyon) pour la massification des solutions innovantes pour la rénovation des bâtiments.
- 6-7 avril : BIM World (Paris) : plus de 45 conférences, ateliers et une BIM Gallery
- 11-12 avril : Passi'Bat (Paris) : village BIM avec l’édition 2016
- 26-27 mai : BIMOC (Dijon) le salon du BIM et des objets connectés
- 16-17 juin : EDUBIM (Paris) les journées de l'éducation et de la formation au BIM
- 16-17 juin : Bâtiment & territoires connectés (Paris) le rendez-vous du bâtiment digital et de la ville durable, deux sujets qui vont structurer le futur de la construction.
- 8-9 novembre : Meeting BIM (Paris)