GreenSI s'intéresse à l'aventure Tesla depuis plusieurs années. C'est un cas d'école de l'entrée d'un nouvel acteur dans une industrie, qui, en moins de 10 ans, en change les règles.
Réciproquement vu du nouvel acteur, c'est un cas d'école de conduite des changements pour avoir un impact majeur sur son industrie et en plus un impact environnemental avec l'électrique.
On sait aujourd'hui que les barrières entre industries ne sont pas si fortes que cela et que l'irruption peut venir de partout...
C'est aussi un clin d'oeil historique. La domination des moteurs à essence n'était pas acquise il y a plus de 100 ans. En 1899 c'est une voiture électrique (la "Jamais contente") qui a été la première a franchir la barre des 100km/h, et les premières voitures électriques datent des années 1830 au moment du boom de l'électrique industriel. Aujourd'hui c'est un peu leur revanche sur les moteurs à essence.
Mais ce qui fascine avec Tesla, c'est que c'est un industriel qui maîtrise le numérique, qui disrupte des industriels. Le modèle Tesla est lui même aussi disruptif (Tesla, un modèle industriel et agile) que le produit qu'il délivre: une voiture électrique autonome et demain des services de mobilité.
Si compare aux GAFAs, ce n'est pas que Facebook et Google ont moins de mérite à s'engouffrer avec du logiciel entre les marques et les consommateurs pour changer la donne en matière de publicité, avec parfois un effet de bord sur la démocratie, mais ils n'ont pas en plus à gérer une chaine logistique avec des produits physiques qui interagissent sur de vielles infrastructures (les routes).
Quand à Apple qui fabrique des smartphones, ce sont ses sous-traitants chinois qui ont développé l'outil industriel nécessaire à la production de ses produits phares. Seul Amazon a inventé, avec des robots dans ses entrepôts, le moyen de supporter ses immenses flux de commandes et la gestion de ses millions d'e-boutiques partenaires avec une usine logistique aussi innovante que l'expérience utilisateur qu'il délivre. La supply chain est un avantage compétitif majeur.
Cette semaine Tesla a fait l'actualité pour reprendre la main face à Porsche qui lançait, quelques jours avant, son modèle Taycan, une voiture électrique annoncée comme défiant la suprématie de Tesla sur le segment haut de gamme depuis 2012.
D'autres constructeurs historiques avaient déjà annoncé des modèles concurrents à Tesla, mais les experts du domaine automobile ne les ont jamais mis au niveau de la Tesla Model-S. Seule la Porsche Taycan est vue aujourd'hui comme un sérieux concurrent de Tesla. Lors du lancement, la communication a fait un buzz mondial et les pré-commandes internet (une façon de faire lancée par Tesla) ont dépassé les 30.000 exemplaires avant sa sortie. De quoi challenger Tesla...
La nouvelle Porsche électrique à $185K ne met pas en péril le modèle de Tesla qui vise la rentabilité avec la production en masse de son Model-3 à $35K et surtout les mises à jour payantes du logiciel de ses voitures. Mais être le leader du haut de gamme électrique a été la stratégie d'entrée de Tesla, perdre cette place peut fragiliser son image... et l'égo de son PDG, Elon Musk !
Ce dernier a donc relevé le défi et envoyé en dix jours une Model-S "remasterisée" sur le circuit de test de Nürburgring, en Allemagne de l'Ouest, sur le terrain de Porsche (l'anglais a été racheté par l'allemand VW), avec l'objectif de battre la Porsche Taycan. Dans le même temps Tesla est allé battre un record (non homologué) sur le circuit de Laguna Seca pour démontrer qu'il ne bluffait pas.
La bataille aurait pu s'arrêter là, mais voilà que la course de voitures électriques sans conducteur Roborace, vient cette semaine de défier Tesla pour participer à une de ses prochaines compétitions. Une de ces courses sans conducteur a eu lieu à Paris en 2017 sur la place des invalides.
Chaque participant à la même voiture (DevBot 2.0), pilotable par un humain ou une IA, et chacun peut donc y brancher son Intelligence Artificielle pour concourir. On peut donc se faire affronter des pilotes contre des IA ou des IA entre elles, et collecter les données pour entraîner les IA à s'améliorer quand les humains conduisent.
Tesla est aussi le leader des voitures sans chauffeur, mais pas nécessairement pour enregistrer des records sur des circuits, quand l'IA des gagnants d'une Robocar cherche une victoire pour marquer les esprits. Ce n'est pas sans ressembler à IBM Watson qui a battu des humains à Jeopardy en 2011 ou Google AlphaGo qui a battu le champion du monde de jeu de go en 2016, qui cherchaient à marquer les esprits et démontrer la puissance des algorithmes.
Au moment où GreenSI publie cet article, Elon Musk n'a pas répondu au défi lancé sur Twitter.
L'industrie automobile se retrouve donc avec trois participants qui visent à gagner la bataille de l'image pour le segment des voitures électriques quatre portes haut de gamme :
- le constructeur déchu qui contre-attaque,
- le nouvel entrant qui a inventé une image, une usine et un produit,
- l'intelligence artificielle, qui n'a pas de produit, mais veut montrer sa domination sur le pilotage.
Malgré le buzz autour de ses applications, qui oubli parfois les limites de son industrialisation, l'IA n'est pas infaillible. Elle n'est pas en mesure de remplacer tous les emplois d'un secteur et de conduire à un monde avec uniquement des machines. L'humain reste meilleur que la machine dans de multiples compétences. Industrie par industrie, c'est la meilleure combinaison entre l'homme et la machine dopée à l'IA qui sera déterminante.
Prenons l'exemple de la Sécurité et d'une société de gardiennage qui loue son personnel pour surveiller des sites industriels. C'est une activité qui repose sur le recrutement et la formation de gardiens. On peut facilement imaginer un nouvel entrant qui propose de la vidéo surveillance, puis avec l'expérience, complète son offre avec une analyse intelligente et automatique des vidées pour la détection des risques.
Mais une fois détectée, une alerte, même vidéo, même intelligente, doit être levée et traitée. Si du personnel est sur le site, elle le sera plus rapidement qu'avec une centralisation en dehors du site. L'équilibre en l'homme et la machine va se trouver entre la capacité de détection de la machine et celle d'intervention de l'homme. L'activité devenue hybride repose toujours sur la formation des gardiens et leur accompagnement à travailler avec l'IA, mais également sur l'entraînement permanent de l'IA pour l'analyse d'images.
Les sociétés de vidéosurveillances traditionnelles vont réagir à ces nouveaux entrants par un service plus intelligent, quand les nouveaux entrants grâce à la technologie vont eux ajouter plus d'humains. Ce qui fera la différence c'est la plateforme intelligente sur laquelle ces sociétés vont s'affronter. On pourrait multiplier cet exemple à l'infini avec des drones intelligents, des assistants vocaux intelligents... qui vont tous arriver sur le lieu des opérations de l'entreprise.
Le prochain billet explorera comment construire, demain, ces architectures intelligentes et connectées.
Dans le cas de Tesla, à partir de la Model 3, la technologie c'est un ordinateur (FSD pour Full Self-Driving), qui est intégré dans chaque véhicule depuis le 12 avril, et qui permettra une conduite entièrement autonome via de futures mises à jour logicielles envoyées automatiquement par Tesla. Elon Musk mise donc à 100% sur l'intelligence artificielle couplée à la puissance de traitement temps réel de l'ordinateur embarqué.
Il est vrai que l’ordinateur des Model S/X (lancés en 2012) est issu du partenariat avec Mobileye et non un FSD. Il y a donc fort à parier qu'une version de la Model-S sortira avec le hardware FSD et l'Autopilot 2.0 en 2020.
Il n'y a donc aucun doute pour GreenSI que Tesla est bien armé pour défende son image à la fois contre Porsche et contre Roborace. La course va être passionnante si on ne s'arrête pas à juste savoir qui met le moins de secondes pour passer de 0 à 60mph ;-)
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Mise à jour au 21 septembre : Tesla a annoncé la sortie de la Model-S en 2020 et a battu Porsche sur le redoutable circuit de Nürburgring même si la bataille pour l'homologation n'est pas encore gagnée