L'actualité de la semaine nous permet de revenir sur un produit totalement passé du côté du digital et de la transformation numérique, les films/séries via les plateformes numériques de vidéo à la demande (VoD).
Entre la TV qui diffuse des contenus que vous ne pouvez pas choisir, ni à quelle heure les regarder, et les DVD qui vous permettent de choisir le contenu et l'heure pour les regarder mais ne vous organise pas la logistique pour vous les procurer, la SVoD - S pour subscription/par abonnement - a trouvé sa place.
Merci bien sûr à l'augmentation des débits Internet comme le montre la courbe ci-dessous - fois quatre entre 2011 et 2017.
Netflix, qui a lancé son offre de location de DVD pas courrier en 1998, est depuis devenu le champion mondial que l'on connait avec 139 millions d'utilisateurs dans plus de 190 pays, attirant toutes les convoitises et inspirant tous les scénarios pour renverser cet empereur.
Dans les premiers de ces challengers on retrouve Disney, au côté d'un Amazon Prime Vidéo ou d'un Youtube.
Depuis l'an dernier déjà, Disney a annoncé son service de SVoD appelé Disney+ et confirmé cette semaine son arrivée le 12 novembre 2019 aux États-Unis pour 7 dollars par mois.
Une annonce qu'interprète GreenSI comme le moyen de faire hésiter ceux qui n'ont pas encore craqué pour Netflix, alors que son abonnement vient de monter récemment à 9 dollars par mois (le standard à $12).
En Europe, Disney+ ce ne sera pas avant 2020 sauf un ou deux pays tests.
Disney+ donnera l'accès à l’intégralité du catalogue Disney, un des plus vaste, avec l'acquisition boulimique ces dernières années de nombreux studios (LucasFilm et son Starwars, Marvel, Pixar, ...) pour compléter les productions maisons.
On pourrait donc, comme beaucoup de journalistes quand on lit les articles de la semaine, croire que Netflix a du souci à se faire. Mais comme dit le proverbe chinois, quand le sage montre la lune (la plateforme SVoD digitale), le fou regarde le doigt (le contenu).
Netflix a commencé en 1998 en louant des cassettes vidéo via son site internet, ce qui était déjà une des premières formes de vidéo à la demande. Le DVD portant le contenu était véhiculé par les services du PostOffice, puis rendu de la même façon. Netflix a construit à cette époque son premier catalogue et surtout ses premiers modèles pour comprendre la demande. L'année suivante Netflix lance l'abonnement forfaitaire - autant de film que l'on veut pour un abonnement mensuel - une innovation, qui, à la même époque en France, était en train de révolutionner la téléphonie mobile (avec Bouygues Télécom). Mais là où Netflix est allé plus loin c'est que les forfaits SVoD sont réellement sans engagement et peuvent être stoppés par un seul clic en accédant à son compte en ligne.
Toute la relation avec ses utilisateurs passe depuis l'origine par son site internet, et la logistique par le courrier. L'accumulation de données sur les usages de ses utilisateurs a permis à Netflix, dès 2000, de pousser un cran plus loin son modèle en ajoutant les recommandations de films qu'on devrait aimer, en se basant sur les notes de ses utilisateurs. Cet algorithme est apparu et a été testé bien avant la SVoD par Internet. Ainsi, quand Netflix a lancé sa plateforme SVoD en basculant sa logistique sur Internet avec la technologie de streaming - et non le download - Netflix maîtrisait déjà un catalogue numérique, une base d'utilisateurs, un algorithme de personnalisation, un modèle par abonnement, et toutes les briques essentielles pour un service de qualité.
En 2010 sa plateforme technologique mature, Netflix s'est attaqué à son expansion internationale à partir de cette même plateforme scalable (la France en 2014 et a depuis 5 millions d'abonnés et au moins 10 millions d'utilisateurs avec les comptes multiples). Fin 2018, 20 ans après son lancement, Netflix passait une nouvelle étape en lançant le premier épisode interactif - Black mirror / Bandersnatch - pour que le film s'adapte aux utilisateurs. Non seulement le contenu est à la demande, mais la plateforme technologique qui le délivre peut le modifier pendant sa consommation.
Cette histoire technologique de Netflix, c'est celle de l'évolution des entreprises vers le digital, résumée par le modèle d'évolution de maturité de McKinsey (predigital -> fully digital)
Netflix s'est aussi imposé comme un producteur de contenu, malgré la résistance du festival de Cannes, aussi symbolique qu'anecdotique dans l'histoire du cinéma. Son logo pouvait alors passer de celui d'une société de films par internet (Net & flix) à une société de contenu avec un grand N figurant une pellicule.
Dans l'histoire de Netflix, ce qui est important c'est bien la plateforme, l'ensemble des ordinateurs et réseaux qui permettent une diffusion sans faille, et d'une certaine façon l'agilité qui a permis de tester une par une toutes les composantes de l'offre actuelle puis son passage à l'échelle.
Analyser l'arrivée de Disney+ uniquement à l'aune de la taille de son contenu, ce serait oublier l'enjeu d'une telle plateforme de distribution, déjà aux États-Unis, puis mondiale, pour le diffuser.
Disney le sait bien et a essayé d'avoir une telle machine de guerre depuis 2009, en prenant 33% dans Hulu (via sa filiale ABC) avec NBCUniversal et WarnerMedia. Récemment sa participation est passée à 60% avec l'objectif de prendre le contrôle de cette plateforme de SVoD. L'an dernier Hulu a perdu 1,5 milliard de dollars, quand Netflix fait 1,2 milliard de bénéfice la même année (sur un CA 2018 de $15,8 milliard) alors que Hulu n'a pas terminé ses investissements pour être disponible largement à l'international.
Mais Disney n'a pas le choix. Sans plateforme, on ne maîtrise pas la valorisation de son contenu, c'est toute l'histoire d'internet et des GAFAs résumée en une phrase ;-)
La question que devrait donc se poser ceux qui spéculent sur le futur succès, ou échec, de Disney+, c'est donc plus la capacité de la plateforme Hulu à délivrer, en maîtrisant ses coûts et sa qualité de service, puis à passer à l'échelle au niveau international. C'est aussi sur cette plateforme que les innovations au niveau de l'expérience utilisateur vont pouvoir être réalisée, ou pas. Actuellement Netflix est numéro de tous les podiums de comparaison de plateformes de streaming.
Pour GreenSI, Netflix est un cas d'école de la transformation d'un système d'information qui a commencé à gérer des paquets de DVD par la poste, avant de délivrer des paquets IP de vidéos streamées. Derrière cette transformation c'est toute une entreprise et ses partenaires, notamment sur l'infrastructure Cloud, qui ont appris et se sont améliorés pendant 20 ans et souvent ont partagés ces améliorations sur leur blog techno, une référence si vous êtes intéressé par le traitement temps réel de données en masse. Par exemple les images qui sont affichés pour lister les films sont testées avec la méthode A/B sur plusieurs panels de clients; car trouver la "bonne image" permet d'augmenter le taux de visionnage d'un film de 20 à 30%.
Alors bonne chance Disney+ ! Plus sérieusement il faudra du temps pour développer une expérience Disney+ différenciante et Disney utilisera certainement des atouts non techniques (car la barre est haute), ou se concentrera sur les cibles d'utilisateurs qu'ils connait le mieux.
En revanche deux autres challengers comprennent très bien les plateformes et les usages de leurs utilisateurs, Amazon Prime Video mais surtout Youtube. Pour GreenSI c'est plutôt de ce côté que le danger peut venir à court terme pour Netflix.
VOD : Bonne chance Disney+
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