Bon, on n'en est pas encore à lancer une myriade de DSI portant un gilet jaune pour bloquer les entrées des salons informatiques, mais dans le ton généralement neutre et feutré du Cigref c'est une déclaration de guerre.
L'enjeu de cette bataille n'est pas que financier. Après celui de la compétence digitale de ses effectifs (voir le dernier billet), il s'agit de lever un autre frein majeur à la transformation digitale de la DSI, celui de ses fournisseurs.
Oui vous avez bien lu, et demandez à votre DSI si vous en doutez, après le Comex, ceux qui contrôlent le SI des grandes entreprises et parfois le DSI lui-même, ce sont ses grands éditeurs : les SAP, Oracle et autres Microsoft.
Or ces dernières années, les entreprises ont appris à maîtriser le digital, avec à la clef de nouveaux modèles économiques, une meilleure expérience utilisateur et maintenant des gains élevés en performance opérationnelle. La DSI qui s'est retrouvée inadaptée à ces nouveaux enjeux, après un temps de déni, a dû réagir pour ne pas être marginalisée et réduite au rôle non-stratégique d'un prestataire interne de moyens.
Pour GreenSI, ce livre blanc qui affiche la prise de conscience que la DSI est piégée dans le système de fournisseurs qu'elle a elle-même créé et amplifié avec la massification des achats (le masochisme est-il un critère de recrutement?) est donc salutaire.
Et puis avec le cloud, elle risque de retomber une nouvelle fois dans le panneau, quand il est utilisé par les éditeurs comme une stratégie de renforcement de cette dépendance, et non d'ouverture à un nouvel écosystème et la reprise en main de son infrastructure. C'est ce qu'il ressors de la dernière étude EuroCIO (le Cigref européen) qui montre que 20% des DSI abandonneraient le cloud par manque de confiance dans leurs fournisseurs.
L'open source est donc appelé en renfort par le Cigref pour résister, desserrer l'étau financier des grands fournisseurs, et changer une situation de plus en plus intenable de dépendance des DSI face à des augmentations de tarifs non-négociables, des limitations d'usages (quand les progiciels sont connectés à Internet), voire des migrations forcées.
Et puis, bien souvent, ces progiciels quand ils n'ont pas été mis à jour, sont des solutions de moins en moins stratégiques et encore moins innovantes.
Utiliser l'open source pour résister est pour GreenSI un point de départ. Mais l'open source n'est pas qu'une alternative aux progiciels, c'est aussi une stratégie digitale ouverte que n'ont pas (encore) les grands éditeurs.
Il y a un an, GreenSI appelait à avoir une stratégie open source comme l'avait mise en œuvre les GAFAs et comme le digital le demandait. La plateforme scalable et ouverte de transformation digitale EST une plateforme open source.
L'open source est donc plus que du logiciel avec une licence spécifique (et à ce titre ne devrait même pas être comparé), c'est une démarche outillée de création d'une plateforme numérique permettant à l'entreprise de développer, et même d'acheter, les applications qui deviennent le cœur de son métier.
Quand SAP, au bord de la rupture avec ses utilisateurs (USF) depuis plusieurs années, procès médiatisés à la clef, annonce en avril 2018 un nouveau modèle contractuel pour accompagner ses clients dans la transformation digitale, on se dit qu'il a compris.
Mais quand on creuse, on n'est pas dans une démarche de co-construction avec ses utilisateurs, mais dans le prolongement d'une politique que certains appellent encore "l'arrogance des grands éditeurs".
Ses clients/utilisateurs n'ont pas été associés, et cette politique répond peu à leur préoccupations.
Côté digital, l'écosystème proposé par SAP est fermé, se limite aux startups qu'il peut financer en capital ou par rachat, et SAP veut couvrir tous les domaines quitte à vérifier le principe de Peter : l'élévation jusqu'au niveau d'incompétence maximum.
Les éditeurs, majoritairement américains, SAP étant l'exception, sont donc englués dans leur modèle et leurs licences sur serveurs, qu'ils veulent maintenir coûte que coûte, quand le monde digital est déjà dans le cloud et les micro-services. Le re-boot de la DSI passe par le re-boot de sa relation fournisseurs au cœur de son offre.
Pour votre stratégie digitale, ces progiciels sont donc à fuir quand on est pas trop engagé, pour leur préférer des solutions plus ouvertes, éditeurs dont le positionnement est en phase avec les enjeux de l'entreprise ou open source, ou à cantonner au sein du SI quand on ne peut pas.
L'open source est donc une stratégie ouverte qui dépasse la vision des éditeurs, limitée par la non remise en cause de leur modèle économique. Elle doit être portée par la DSI, car dans le nouveau métier de l'entreprise numérique est la fabrication de logiciels et la capacité à délivrer des services numériques.
Ces deux métiers sont outillés par les plateformes, où l'open source joue un rôle fondateur, de l'infrastructure aux outils de développement, voire aux applications métiers. Reconstruire la DSI et les nouvelles stratégies de plateforme, est un chantier du Cigref en 2019. Il commence en janvier avec le retour d'expérience de BlaBlaCar. C'est une société qui a changé de modèle économique en quittant l'intégration de son offre B2B (covoiturage.fr) dans les extranets des DSI, pour construire sa propre plateforme en B2C, avec le succès que l'on connaît.