La Fédération du Commerce est une fédération imaginaire au cœur de l'univers de Star Wars dans la première trilogie.
C'est une entreprise rassemblant un consortium de négociants et de transporteurs à travers toute la galaxie.
Au fil des années, elle absorba ses principaux rivaux, gagna en puissance et devint incon-tournable par le contrôle quasi-monopolistique des routes commerciales entre planètes.
A tel point, qu'elle obtient dans la République Galactique, sa représentation au Sénat au côté des représentants des planètes.
Cependant, dans les systèmes éloignés de l'univers, la flotte commerciale subissait de nombreuses attaques de pillards. Elle demanda alors au Sénat le droit de s'équiper de systèmes de défense afin de protéger ses intérêts et ainsi devint l'une des organisations les plus puissantes de la galaxie, aussi bien sur le plan économique que militaire.
Son armée, composée de droïdes de combats qu'elle fabrique dans ses usines à moindre coûts, lui donne la puissance de pouvoir renverser la République galactique en cas de conflit ouvert...
Et Pourtant, tellement d'actualité, si on regarde de plus près les manoeuvres de quelques grandes sociétés de l'Internet. Pas dans l'espace, mais dans le cyberespace !
Celui qui permet de relier toutes les planètes et leurs citoyens entre eux, amplifiant la mondialisation des échanges électroniques. Les planètes, ce sont ces États, de plus en plus impuissants ainsi que les opérateurs historiques qui sont restés centrés sur leurs marchés nationaux. Parfois ils gesticulent et arrivent à obtenir quelques contreparties.
L'ouverture des routes du "monde connecté"
Aujourd'hui, ceux que l'on nomme les GAFA (Google Apple Facebook Amazon), plus quelques acolytes comme Twitter ou Netflix, ont développé des routes commerciales très lucratives en connectant plus de 2,2 milliards de personnes sur la planète et en visant les 2-3 milliards de plus d'ici 2020.Ils sont incontournables. Et commencent a développer de nouvelles routes commerciales vers le mobile, un business de 8,67 milliards en 2013 pour Google qui représente la moitié du marché publicitaire sur mobile (et l'écrasante majorité sur le fixe).
Ce n'est donc pas un hasard quand Mark Zuckerberg (Facebook) rejoint la fondation Internet.org, un consortium visant à sensibiliser les régions reculées, à adopter les usages du Web mobile, pour y proposer gratuitement des services d'information et de communication "de base". Car seul le réseau mobile (2G parfois 3G) est disponible dans ces contrés éloignées du centre de notre monde connecté (article ZDnet).
Et ce n'est qu'une étape, car l'ouverture de nouvelles routes commerciales vers les objets connectés vient de commencer avec des rachats comme celui de Nest (par Google), la bataille pour la TV connectée, et bientôt celle pour les voitures connectées (articles ZDnet).
Les grands acteurs mondiaux qui aujourd'hui, comme eux, ont plus d'un milliard de clients (L'Oréal, P&G, Coca Cola, Nestlé, GM, Visa,...) seront leurs alliés car ils ont besoin de ces routes commerciales, beaucoup plus rapides que celles qu'ils avaient développées. Certains seront même absorbés et transformés en entreprises numériques, comme Apple a transformé l'industrie de la musique et de la téléphonie grand public.
Tout ce qui est connectable sera connecté (GreenSI - Règle #4), et il y a de grandes chances que les GAFA+ contrôlent une grande partie de la valeur qui sera tirée de ces connexions.
Vers une représentation au "Sénat"?
Pour reprendre l'analogie avec la Fédération du Commerce, les GAFA+ n'ont pas (encore) de place dans les assemblés du pouvoir planétaire.
Mais ils y sont invités. Et parfois en "guest stars" comme Eric Schimdt (Google) au World Economic Forum à Davos en 2014 ou Mark Zuckerberg et Jeff Bezos (Amazon) au e-G8 en 2011. Tim Cook (Apple) lui noue des relations diplomatiques avec la Chine, à la fois la terre de ses usines de production low-cost, et son marché potentiel de croissance.
Et entre deux sommets, ils n'en sont jamais loin, comme en atteste le coût du lobbying dépensé par Google. Sous l'impulsion de Susan Molinari, la "Vice president of public policy and government relations for the Americas" Google est devenu la huitième plus grosse entreprise donatrice à Washington, et de loin la première de toute l'industrie informatique (article ZDnet).
Et que se passerait-il si ces routes commerciales qui connectent la planète, venaient à être attaquées ?
Comme en Turquie par exemple, quand le gouvernement ce mois ci coupe l'accès à Twitter et Youtube pour empêcher le relais d'une vidéo génante et montrer la puissance de la République turque.
Et bien... comme dans Star Wars : Twitter envoie des émissaires négocier avec l'Etat turc et en cachette la bataille pour le contrôle des DNS (ces serveurs qui renvoient le trafic) fait rage. Google a annoncé que son service DNS gratuit a été détourné par la plupart des FAI turcs pour bloquer les utilisateurs qui tentent de contourner la censure.
Dans le même temps, un tribunal d'Istanbul condamne l'interdiction de Twitter comme la "violation de la Convention européenne des droits de l'homme, la Constitution turque et de la loi 5651 qui comprend la réglementation de l'Internet."
Diplomatie, fermeté, ce n'est qu'une question de temps pour reprendre le contrôle de la route commerciale turque...
La Chine, l'Iran, le Pakistan ou la Corée du Nord, Biélorussie, Syrie.... ont déjà bloqué les réseaux sociaux ces dernières années. Les situations se sont depuis plus ou moins normalisées.
Comment interpréter le rachat de Boston Dynamics l'an dernier (article ZDnet), spécialiste des robots militaires autres drones, dans un tel contexte?
On en est certainement pas encore là, mais la question se pose: jusqu’où aller pour protéger des routes commerciales connectées ?
La construction de l'étoile noire a commencée
Le meilleur moyen de résoudre à long terme ce sujet est de déployer sa propre infrastructure.
Google et Facebook l'ont bien compris, et entre deux projets de montgolfières dans l'atmosphère pour diffuser le réseau, elles se sont battues pour le rachat de Titan Aerospace. Le concepteur d'un drone planeur qui fonctionne a énergie solaire et pourra améliorer la couverture des zones les moins connectés (ou qui viennent d'être déconnectées).
C'est Google qui a emporté le morceau (article ZDnet).
Mais pour Google, la bataille ne se livre pas que dans le ciel.
Google est aussi un fervent amateur de "fibre noire". Et en très peu de temps, Google a créé une société (Google Fiber) qui a débauché a tour de bras chez les opérateurs pour apprendre leur métier et commencer la commercialisation de son propre réseau... et surtout de son raccordement aux autres routes commerciales déjà existantes.
La cible géographique de Google Fiber, ce sont pour le moment les villes américaines (Austin, Kansas City et Provo déjà ouvertes), et sa cible technologique à 3 ans, le 10Gb/s (rien que ça !) (article ZDnet).
La construction de l’Étoile noire, cette arme absolue contre les planètes, les États et les opérateurs nationaux, a déjà commencée.
Au cœur de cette étoile, la formidable base de données sur tous ceux qui utilisent ses services, leurs profils, mais surtout leur comportement sur les routes commerciales, pour mieux anticiper leurs attentes avec ses algorithmes..
Vers la taxation des routes commerciales ?
L'attaque la plus préjudiciable a long terme est celle dite contre "l'évasion fiscale" pour réaffecter des revenus là où la valeur est créée, avant qu'elle ne passe les frontières numériques qui sont inexistantes. Une bataille qui a commencée dans des pays qui ne bénéficient pas des emplois et des largesses du lobbying des GAFA+.
Revenons un peu à Star Wars pour nous éclairer, enfin, pas très sérieusement bien sûr mais c'est les vacances...
Palpatine, le sénateur de la planète Naboo proposa une taxation des routes commerciales qui fit chuter les profits de la Fédération du commerce. En réponse à cette mesure, elle assiégea la petite planète de Naboo et la mis sous embargo commercial.
Début d'une longue guerre avec de nombreux rebondissement et à la clef la création de l'Empire qui récupéra le matériel militaire, les technologies et une partie du personnel de la Fédération dans ses forces impériales, dont la fameuse Étoile Noire. Fin de la trilogie et début de seconde trilogie qui verra l'avènement du seigneur Vader (ou Vador).
De là, imaginer que les États, aidés des agences de renseignement type NSA, voudront s'emparer et démanteler les GAFA+ pour fonder un nouvel ordre mondial, il n'y a qu'un pas que GreenSI ne franchira pas...
Alors que pensez-vous de George Lucas, imagination débordante ou un vrai visionnaire ?