jeudi 14 juillet 2016

L'adoption massive du Cloud est devant nous

Cette semaine c'était la CloudWeek. Non pas un salon unique, mais des manifestations partout en France, avec beaucoup de prises de parole des acteurs du Cloud. C'était donc la semaine idéale pour faire le point sur son développement.




Et comme pour le lancement de cet événement j'ai été dans invité à parler lors de la conférence des "visionnaires", on en profitera pour regarder aussi devant nous ; par ailleurs une grande partie de ce billet reprends les thèmes que j'ai développés lors la conférence.

Le Cloud - 10 ans déjà - est un marché des services qui pour Markess est passé de 900 M€ en 2007 à 5.900 M€ en 2016 soit 11% de la dépense dans les logiciels et services. Le Cloud n'est donc pas encore la plateforme de référence pour la DSI en France. Les explications que l'on pouvait entendre tiennent autant à la frilosité des DSI qu'à la maturité de l'offre qui ne répond pas à tous les besoins.
Mais compte tenu de ces chiffres, et après 10 ans "d'évangélisation", il faut bien reconnaître que le Cloud n'est pas encore dans les réflexes de la DSI.

L'usine à services du futur 

On a déjà vu par le passé des technologies arriver et être tellement en avance qu'elles n'avaient pas encore d'usage.
L'histoire nous rappelle que l'on a déjà inventé une usine avant d'en inventer ses produits : l’imprimerie. Certes, à l'époque le marché du livre recopié à la main était florissant, mais le marché du livre imprimé a ensuite changé la donne quand d'autres se sont approprié cette usine à recopier.



Si l'invention arrive à créer une attente, un rêve, elle peut modifier l'écosystème dans lequel elle arrive, car les écosystèmes sont adaptatifs. Une invention peut inventer elle-même ses produits qui transformeront l'écosystème.

C'est comme cela qu'il faut voir le Cloud qui modifie fondamentalement l'écosystème dans lequel il a surgi : l'industrie informatique (ex. les moines copieurs) mais aussi tous ses usages (ex. les bibliothèques).

La conférence des visionnaires a été l'occasion de revenir sur le développement fulgurant de l'intelligence artificielle. Pas une journée sans que l'on parle d'une nouvelle IA qui va remplacer l'Homme quelque part. Mais on oublie que l'IA est apparue dans les années 50 en tant que concept puis 40 ans plus tard dans les années 1990 dans les applications (moteur de règles, réseaux neuronaux, programmation par contrainte...) quand l'informatique se développait dans l'entreprise.

Comme pour le Cloud, l'IA est arrivée à une époque et répondait à des questions qui n'étaient pas posées.
Il y avait peu de cas d'applications de gestion de connaissances. La maintenance de machines ou le pilotage de système complexes ont permis de belles réalisations exploitant ces premières techniques appliquées d'IA, mais c'était encore trop tôt, trop cher, pour envisager une utilisation plus large. La France était d'ailleurs en avance dans ce domaine.

Vingt ans plus tard, l'IA déploie ses labos et ses expérimentations à travers le monde: une division Watson chez IBM pour se réorganiser autour de l'IA et des données, mais aussi chez Google qui a démontré son avance en battant le champion du monde de Go, ou Facebook et bien sûr Apple. J'oubliais Microsoft mais vu que leur IA avait prévu la victoire de l'Allemagne en demi-finale de l'Euro ;-)

Les meilleurs spécialistes sont chassés par les grands groupes qui se lancent.

La semaine dernière on pouvait lire dans l'actualité qu'une IA avait battu un pilote de chasse au combat. Il y a 10 ans on aurait dit qu'un ordinateur aurait battu un humain au combat ou aux échecs, pas une "IA". C'est un signe que l'IA a quitté l'ordinateur et commence à transformer son écosystème. Elle n'est plus associée à l'ordinateur, le Cloud va lui donner encore plus d'autonomie quand elle sera disponible en SaaS pour analyser nos données ou répondre en tchat a nos clients. Mais on y est pas encore et l'IA qui a battu ce pilote sur un simulateur de vol tournait sur un Raspberry Pi, ce micro ordinateur à 40€...

Pour en revenir au Cloud, en 10 ans il a déjà énormément transformé son écosystème, mais on a encore certainement rien vu quand des technologies comme l'IA vont venir s'y loger.

Sur la voie de l'adoption massive

Arriver tôt c'est le signe qu'on est leader.  Mais ce qui fait le succès, ce n'est pas l'innovation, c'est l'adoption massive.



Apple a lancé son Newton, son premier PDA - Personnal Device Assistant - début des années 1990, il y a 23 ans.Steve Jobs voulait absolument lancer un produit reconnaissant l'écriture manuelle. Mais ce n'était pas assez au point et ça ne s'est pas vendu.

La route du PDA a ensuite été longue d'innovations avec Palm pilot qui a travaillé le concept d'un produit toujours dans la main avec un stylet dans l'autre, puis le PDA a été intégré à la téléphonie avec Nokia.

Aujourd'hui on sait que la caractéristique clef d'un assistant personnel a été la téléphonie, la photographie ou la musique mais pas l'écriture manuelle. Apple est revenu avec l'iPhone et en a vendu des centaines de millions dans le monde.

L'avenir de ces PAD, ce sera les assistants qui comprennent directement notre voix, pas notre écriture. Et pour cela ils s'appuieront sur l'Intelligence artificielle et sur le Cloud qui leur amènera la puissance de calcul nécessaire, à la demande. C'est la promesse de VIV, "l'intelligence as a service" des créateurs de Siri.

Car le Newton était une innovation en avance sur son temps. Et "ce petit rien" qui a fait basculer une innovation délaissée en un produit utilisé à l'échelle mondiale, c'est la simplicité - dans le design de l' iPhone , dans les apps qui ont repensé les applications, ou la voix haute définition - qui a été cet élément déclencheur.
Une simplicité recherchée depuis le départ avec l'écriture manuelle.

On est clairement devant la métaphore de l'effet papillon quand une petite variation peut avoir des conséquences d'un autre ordre, en amenant l'étincelle qu'il fallait au bon moment au bon endroit. Ce qui, dans nos projets, doit nous inciter à regarder les détails, a chercher les aspérités qu'il faut changer et gommer dans nos innovations et identifier les déclencheurs pour une adoption massive.

Qui dit adoption massive dit utilisateurs, qui dit utilisateurs dit usages. Ce sont eux qui adoptent massivement. Il faut donc être très attentif à ce qu'ils pensent et font, à mesurer et collecter les données les plus insignifiantes, pour déceler les nouveaux usages.

On est plus dans la maîtrise des usages, beaucoup moins dans la maitrise d'ouvrage à laquelle est habituée la DSI. On est dans l'adaptation permanente, car les usages évoluent rapidement.

Le Cloud, cette usine arrivée en avance comme celle de Gutenberg, doit se demander quels sont ces "petits rien" qui en feront son adoption massive dans chaque domaine.
En 2009 le Cloud répondait à une question à laquelle les DSI n'avaient pas envie de répondre. La productivité et l'efficacité de leur propre infrastructure. On a donc essayé de faire croire que le Cloud ne servait a rien et n'avait rien de neuf. Même le bouillant Larry Ellison, patron d'Oracle, a longtemps nié l'intérêt du Cloud (dans une interview qui restera célèbre) alors qu'Oracle annonce aujourd'hui vouloir être le premier éditeur SaaS mondial.

Ce n'est pas via la DSI que le Cloud avait une chance de déclencher une adoption massive.
C'est le grand public qui a donné ses lettres de noblesses au Cloud. Dans l'entreprise l'appétence est venue du rêve d'applications déjà installées, mutualisées et mises à jour en permanence: le SaaS. Ce sont donc les utilisateurs et les métiers qui ont continué de tirer le Cloud.

La simplicité pour le Grand Public et Directions métiers sont ces "petits rien" qui ont engagé le Cloud sur la voie de l'adoption massive.


Mais maintenant que les DSI abordent leur transformation dans un monde plus ouvert et plus agile, ils commencent à vouloir exploiter le potentiel du Cloud pour développer ces nouvelles compétences qui accompagneront la transformation de l'entreprise. Et ceux qui continuent de croire que "le château fort" est un modèle d'avenir pour leur informatique auront malheureusement tort. L'avenir sera un Cloud hybride pour tout le monde si il n'est pas 100% publique.

Demain avec l'internet des objets, la collecte et l'exploitation des données va aussi demander des plateformes d'un nouveau type et le Cloud est déjà là pour y répondre. Car si ces objets se développent et prolifèrent, par exemple pour optimiser les processus de maintenance, de gestion des ressources..., ils influenceront le design des futures architectures du SI. Déjà parce que leur nombre et le besoin de quasi temps réel changent les règles du jeu dans le SI et seront l'architecture dominante.

Le Cloud simple "réduction des coûts" n'est plus le sujet. Les DSI se sont aussi améliorées sur ce point. Ce Cloud est mort.

Le cloud répond donc aujourd'hui aux questions posées par les DSI qui engagent leur transformation numérique. Le Cloud arrive a un moment où la complexité des problèmes à résoudre a encore plus besoin de lui. Vive le Cloud, la plateforme mondiale des services de l'entreprise.

jeudi 7 juillet 2016

Transformation digitale, le train est en marche : il faut s’adapter aux changements


Sujet phare, la question de la transformation digitale des entreprises ouvre le champ des possibles et devient une nécessité dans un écosystème en perpétuel évolution.

Plusieurs questions se posent : comment les entreprises s’adaptent aux changements ? Comment peuvent-elles passer de la stratégie à l’action ? Quelles sont les étapes à ne pas louper dans une stratégie d’adaptation au digital ? 

Tribune réalisée pour le salon ROOMn dont je suis membre du Comité Editorial.

Les DSI exploitent encore des modèles d’un autre temps



Interview dans CIO Practice sur l'évolution du rôle du DSI et les choix radicaux à faire pour aborder le changement et abandonner les méthodes adaptées par le passé mais plus dans une économie numérique.

lundi 4 juillet 2016

DevOps: évoluer vers une DSI agile

Jeudi 30 juillet se tenait la dernière matinée de la "DevOps Connection", organisée par CA Technologies, et dontGreenSI avait déjà parlé lors du lancement de la série en janvier (DevOps: autre moteur de la transformation digitale). Une série de meetups sur ces 6 derniers mois, qui ont mobilisé à chaque fois entre 60 et 80 professionnels, pour partager leurs retours d'expérience sur cette démarche et ses résultats.

Ce billet est donc l'occasion de faire le point sur DevOpsde mesurer l'évolution de la prise de conscience des DSI à transformer le développement et des changements que cela amène dans l'industrie des services informatiques toute entière.
Lors de cette matinée, lebaromètre Netmediaeurope, réalisé pour l'occasion, nous a appris que les organisations qui recourent ou s'inspirent de DevOps :
  • sont 6 fois plus nombreuses à avoir réussi à réduire de moitié les délais de livraison des applications (30% vs 5%), un point critique dans l'évaluation des DSI par les métiers
  • que les décideurs métier travaillant dans ces organisations sont 4 fois plus nombreux à considérer que la disponibilité des applications est "très bonne" (23% vs 6%)
  • enfin, que 44% d'entre elles réduisent de "beaucoup" les coûts de développement ou de livraison des applications
Pour GreenSI, qui avait publié son premier billet sur DevOps en 2014 en se demandant pourquoi personne n'en parlait en France, la lame de fond DevOps est bien en train d'atteindre toutes les DSI, et les résultats des premiers adeptes sont engageants. Tout au moins, DevOps est un très bon étendard pour souffler le changement à la DSI quand l'entreprise demande plus d'agilité pour la fabrication de ses applications.

Car maintenant, le développement d'applications est sous les feux des projecteurs de l'entreprise numérique.

Ce sont les applications qui sont devenues les nouveaux services numériques en ligne supportant la transformation des business modèles, et qui restent tout autant stratégiques en back-office pour permettre une logistique quasi temps réelle.
Le suivi de ce processus est devenu un nouveau standard. Une bonne question que la DG devrait poser (si ce n'est pas déjà fait), c'est "en combien de temps savons nous développer et déployer une nouvelle application dans tel domaine ? "



Pour ceux qui avancent avec DevOps, le délai n'est pas le seul critère et des KPI plus précis commencent à émerger, comme ceux proposés par des ESN présentes à la matinée. Par exemple le taux d'échecs des déploiements qui couplé avec une démarche "lean" permet aussi de s'améliorer en continue. Que de chemin parcouru !



En professionnel de l’informatique, j’ai découvert l'importance du DevOps il y a 10 ans, sans que ce nom ne lui soit donné à cette époque, lorsque les sites d’e-commerce cherchaient à ouvrir de nouvelles fonctionnalités chaque semaine pour rester dans la course. Pour y arriver, les "champions" avaient travaillé sur l’organisation en parallèle des équipes – chaque semaine une équipe livrait –, et la communication était sans faille entre ceux qui préparaient ou développaient ces nouvelles fonctionnalités et ceux qui assuraient le fonctionnement du site Internet.

Les pratiques de management des systèmes d’information, issues des méthodes de gouvernance traditionnelles de l’informatique et développées pour un monde de stabilité qui avait tout le temps devant lui, trouvaient leur limites.

Quand le rythme des besoins en fonctionnalité s’est accéléré et que l'environnement s'est complexifié, avec l'augmentation du nombre d'acteurs et la disparition des frontières entre l'intérieur et l'extérieur de l'entreprise, on a atteint un point de rupture.

Oubliez donc tout ce que vous savez sur le "cycle en V" !
Il n'est plus adapté à de plus en plus de projets de l'entreprise. Il faut reconstruire une méthode pour piloter les développements dans une économie numérique.
DevOps, qui est plus une démarche qu'une méthode aboutie, englobe beaucoup d'outils qui se sont développés partout pour chercher une solution à ce problème. C'est un étendard dont le nom sonne bien et qui a fédéré les énergies pour transformer le processus de fabrication des applications.

Mais derrière les applications, c’est bien de la transformation complète de la DSI qu’il s’agit, et plus largement de toutes les équipes en charge de manager le SI, qui ne sont plus toutes pilotées par la DSI.

DevOps n’est donc pas une nouvelle mode, ni un nouvel acronyme pour briller dans les dîners. DevOps est un guide de survie dans une économie numérique et collaborative, dans laquelle les professionnels de l’informatique se sont retrouvés en première ligne, sans toujours le vouloir... 

Le moment de l'arrivée de ce point de rupture n'est pas un hasard !
DevOps est arrivé quand la productivité amenée par le Cloud, l’agilité demandée par la conquête de l’Internet, et lefonctionnement 24 h/7 j amené par la mondialisation, se sont combinés pour créer un nouveau paradigme.

C’est donc une nouvelle façon de faire de l’informatique adaptée à l’attente numéro un des entreprises : leur transformation digitale interne et externe. C'est le thème du livre "Mettre en oeuvre DevOpsd'Alain Sacquetconsultant DevOps confirmé, qu'il m'a demandé de préfacer et de commenter avec le regard d'un DSI, thème abordé de façon très pragmatique.

Car si la DSI a su grandir et trouver sa place dans un modèle d’informatique stable et robuste, au point de reprendre dans son management direct tout ce qui se connecte au réseau de près ou de loin, cela ne lui préserve pas nécessairement sa place dans une époque d’informatique agile et dynamique. Idem pour les divers fournisseurs de la DSI, que ce soient les ESN ou les hébergeurs.

Pourtant elle a de sacrés atouts pour assurer ce rôle quand elle maîtrise DevOps, et devient l'une des toutes premières Directions de l’entreprise à avoir adopté à grande échelle l’agilité. Un sujet aussi très présent dans les discussions de toutes les Directions et de la Direction Générale.

Et puis, dans une économie numérique, il restera le socle robuste du système d’information à faire vivre, alors pourquoi ne pas s’organiser pour la robustesse ET pour la flexibilité, et prendre un second coup d’avance dans cette économie numérique si puissante mais finalement si fragile ?
Le principal frein pour l'adaptation des ESN, identifié dans les débats qui ont suivi les présentations, reste le prix de développeurs, fortement sous influence de la Direction des Achats.

Avec DevOps, on achète plus des ressources, mais une "tribu" qui sait déjà travailler ensemble, ce qui ne s'apprécie pas avec un simple TJM. Les engagements doivent porter sur la célérité (nb de points par jour par développeur), et non uniquement sur le prix par jour. À la fin le client est gagnant car le résultat est la multiplication des deux.

De plus, un TJM bas ne permet pas d'enrôler dans son équipe les meilleurs, car la pénurie des développeurs (confirmés et coaché) est une réalité. Les salaires risquent donc de se rééquilibrer entre les chefs de projets et consultants en amont (dont on aura moins besoin) et les développeurs (dont on aura plus besoin).

Et puis DevOps permet de libérer la valeur de la proximité des équipes qui travaillent parfaitement ensemble à un rythme élevé. Une valeur qui peut l'emporter sur la réduction des coûts promises par l'off-shore dont le modèle pourrait devenir obsolète. Décidément le TJM comme seul critère est sérieusement remis en question.

Donc encore du changement à venir dans les organisations...
Dans tous les cas, DevOps doit clairement être une source de réflexion et d'inspiration pour tous les DSI, voire de devenir leur manuel de survie, en permanence sur leur table de nuit, pour éviter d'être réveillés en sursaut par le cauchemar de l'inadaptation de leur organisation à une économie numérique.
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