dimanche 18 janvier 2015

La DSI a t-elle vraiment besoin d'un Chief Digital Officer?

La question que pose le titre de ce billet, est bien celle de l'intérêt de la Direction des Systèmes d'Information, au sein des autres directions de l'entreprise, d'avoir un Chief Digital Officer (CDO), ce nouveau TNO - Trigramme Non Identifié - comme l'informatique adore en créer en permanence ;-)

Et la question n'est pas: est-ce que dans la carrière du (ou de la) Directeur des SI, il serait plus intéressant pour lui(elle) d'évoluer vers un poste de CDO, quitte a ce que ce soit en dehors de la DSI. Ni celle de savoir si un directeur d'une autre direction, en utilisant habilement ce terme de CDO, pourrait reprendre la DSI sous son giron... 

Car pour GreenSI, la confusion règne autour de ces trois lettres. Et le terme "Digital" fait l'objet de toutes les convoitises. Alors profitons de l'actualité de la semaine pour faire le point sur les CDOs.

Cette semaine s'est tenu a Paris le premier "Symposium européen de la CDO Alliance"
 
Le mot symposium était certainement un peu fort, pour ce premier rassemblement d'un peu moins d'une centaine de personnes, dans une salle parisienne. Mais il vrai que cette soirée a permis aux membres de cette nouvelle association, créée en juillet 2014, de se rencontrer et de partager leurs premiers retours d'expérience. Une association qui partage quelques évènements avec le CRiP qui regroupe les responsables d'infrastructures et de production.

L'objectif affiché de CDO Alliance est d'aider ses adhérents a devenir "des leaders digitaux par le benchmark des bonnes pratiques stratégies, managériales et commerciales". Avec de tels arguments, comment ne pas investir les 2.000€ par société (ou les 200€ pour les individuels) pour adhérer !

A cette soirée, on a parlé de transformation numérique avec des exemples venant du Crédit Agricole Store, DartyBouygues Construction, PSA ou de la Fnac.

La transformation numérique de Darty

L'exemple de Darty est celui qui a le plus marqué GreenSI. Déjà parce qu'il s'est fait sans bruit, dans une société en difficulté qui a exploité le numérique pour se moderniser, au travers de la refonte des parcours clients, incluant les vendeurs en magasin.

Frédéric Berlie, le responsable Marketing Digital, explique que la digitalisation de Darty commence dès la vitrine, avec des panneaux numériques en lieu et place des bonnes vielles affiches.

Puis à l'intérieur du magasin, comment faire croire à son client qu'il est encore confortablement installé dans son fauteuil a surfer sur internet? Et bien en y mettant du Wifi et en installant des bornes tactiles, simples a utiliser, qui permettent de "mettre en rayon" l'étendue de la gamme, de la comparer pour mieux choisir, avec même les commentaires de ceux qui ont déjà acheté (issus du site internet).

Et pour lui donner envie de venir, si le client est encore chez lui dans son canapé après son achat sur internet, le Clic&Collect lui permet de récupérer en 1h sa commande à l'entrée du magasin, dans un casier spécial.

Enfin, en équipant les vendeurs de tablettes, avec toutes les informations sur les produits, mais aussi des aides à la vente comme des vidéos en situation ou les applications qui pilotent les objets connectés qui sont en rayon, le vendeur est de nouveau fiers (et capable) d'aider un client. Un client de plus en plus informé, qui s'est renseigné sur internet ou sur les réseaux sociaux, bien avant de franchir le seuil du magasin.

Avec le numérique, le magasin est (re)devenu un lieu de démonstration et d'expérimentation, c'est la première étape de la transformation de darty.
Est-ce que ces retours d'expérience présentés ont été menée par des CDOs? Non. Et ce pour la totalité des intervenants. Qui il est vrai, ont présenté des projets qui ont démarré bien avant le buzz autour du CDO.

Mais le coup fatal au titre CDO a été porté par Ludovic Guilcher, le DRH Groupe adjoint d'Orange, qui dès l'introduction de la soirée indique que le choix d'Orange a été de ne pas nommer un CDO, mais de faire porter la transformation digitale par 3 membres du Comex, un sur chaque axe: client (Directeur de l'Expérience Client), offres (Direction commerciale) et salariés (Directeur des RH).

Et on ne peut que remercier Orange et ses initiatives de "passeports numériques" a destination de tous les salariés, de nous rappeler la responsabilité des Ressources Humaines dans cette transformation interne et qu'elle ne se fera pas sans les salariés.

Alors CDO ou pas CDO?

Aujourd'hui, l'entreprise a besoin de mener sa transformation digitale. Elle est même peut être challengée sur ses marchés traditionnels par des startups qui innovent et repensent son métier, ou par des plateformes numériques mondiales qui arrivent avec une économie d'échelle d'une taille qu'elle n'a jamais connue.
 

En fonction de son organisation, de son histoire et de sa culture, elle a peut être besoin d'incarner ce besoin de transformation dans un membre du COMEX. Alors pourquoi ne pas l'appeler Chief Digital Officer? Après tout ces 3 lettres étaient libres.

Mais ne nous y trompons pas. Le rôle du CDO est un rôle temporaire, qui va lui faire animer la transformation digitale, aider à définir la stratégie numérique, peut être piloter un des projets majeurs identifiés et influencer les initiatives. Mais une  fois la transformation réalisée, ou en bonne voie, son rôle ne sera plus nécessaire, car toutes les directions seront devenues "digitales". Donc penseront "digital first" pour structurer et définir leurs activités. 

Dans les CV de ceux qui s'affichent CDO (que l'on peut chercher sur LinkedIn par exemple) on trouve beaucoup de personnes qui viennent du e-commerce ou du marketing digital. Dans les secteurs les premiers transformés par internet, que sont la distribution, le transport-tourisme et les médias. Mais peu de DSI.

Et dans les grands groupes, le CDO est certainement aussi le reflet d'une lute d'influence bien normale entre Directions, voire entre Directeurs. Surtout si ce poste temporaire peut mener au somment de l'entreprise, devenue numérique.

Et la DSI dans tout ça?

Et bien déjà, si le ou la DSI n'est pas au Comex, la question du CDO à la DSI ne se pose même pas. Or c'est le cas de 3/4 des DSI selon les diverses statistiques... 
D'ailleurs, est-ce que le CDO n'est pas un réchauffé de la question récurrente du DSI au Comex?

Ensuite il parait évident que le SI est là pour durer. Et même quand on aimerait en avoir un "tout neuf", on doit toujours gérer le "legacy" dont on a hérité (ou que l'on a créé...). Or pour GreenSI, le rôle de CDO est temporaire. Donc si le DSI devient CDO, c'est en plus de ses fonctions de pilotage et de gouvernance du SI, car elles ne disparaissent pas.
 
Ou alors, il doit recruter un "DSI technique" (un CTO?) pour reprendre ce pilotage et pouvoir de concentrer sur l'animation de la transformation numérique de son entreprise, avec un atout certain quand il a un bagage métier et marketing. C'est pour GreenSI le scénario le plus réaliste, mais qui sera réservé a peu d'élus.

Oubliez donc le CDO, on en parlera même plus dans 3 ans. D'ailleurs GreenSI a rapidement rejoint le diner de la remise du prix des DSI de l'année, par la revue ITforBusiness, qui se tenait le même soir. Car il semble que le rôle du DSI est toujours aussi essentiel pour la transformation numérique.

C'est Stéphane Kersulerc, DSI du Club Méditerranée, au coeur de la transformation numérique du secteur du tourisme, qui a su faire évoluer la proposition de la DSI. Elle s'est retrouvée "à la manoeuvre pour aider à intégrer le numérique dans tous les processus afin d'obtenir un système efficace et agile au service de l'expérience client". Ce n'est pas GreenSI qui le dit mais Henri Giscard d'Estaing, le PDG du Club Méditerranée.

Si vous lisez GreenSI, vous savez que ce qui est important, c'est la transformation du SI, pour contribuer a la construction de l'entreprise numérique. Et cette construction passe au moins par l'architecture, les données, et l'agilité (voir La guerre des CIOs). Trois domaines où la DSI, en relation avec les métiers, est totalement légitime, et a priori, n'a pas besoin de trois lettres de plus sur sa carte de visite.

Alors oublions-les, et poursuivons la transformation!
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