dimanche 2 février 2014

IBM, Microsoft, HP : Pourquoi les dinosaures de l’informatique NE VONT PAS disparaître

Titre certainement un peu trop affirmatif, mais GreenSI ne pouvait pas, ne pas réagir à la publication dans Le Monde Économie, d'un article au titre inverse (IBM, Microsoft, HP : Pourquoi les dinosaures de l’informatique VONT disparaître). Non ils ne vont pas disparaître, mais s'adapter, c'est la loi de l'évolution, en tout cas au moins les deux premiers.

D'ailleurs, cet article du Monde est illustré par un ordinateur "goupil - année 1983" (ci-contre) de la société française SMT Goupil, dont la spécialité était de fournir des ordinateurs à l'administration française. Elle a disparu et les administrations achètent américain depuis bien longtemps, alors que nos trois compères, eux, se portent bien, peut-être moins bien qu'avant, mais ils sont toujours là. Ce sont déjà des vétérans qui sont arrivés jusque ici pour qu'on en parle encore aujourd'hui, ne l'oublions pas.

Alors pourquoi Le Monde les déclare à l'agonie?

Surtout la semaine où Microsoft annonce des résultats records, qui ont surpris tout le monde, et qu'IBM tient son salon mondial comme chaque année (IBM Connect 2014) sur le thème de la "Digital experience", un des sujets chaud du moment. Microsoft de son côté préparant les TechsDays Paris,l'évènement de sa communauté de développeurs qui attire toujours autant de décideurs.

On semble loin de la chambre de soins palliatifs. Et dans leurs copains de chambrée il y aussi SAP, créé en 1972, qui se porte comme un charme, à la tête du progiciel mondial.

Avoir connu le début de l'industrie n'est donc pas encore pour GreenSI un critère de disparition infaillible.

L'argumentation de l'article du Monde est la suivante :
  • La machine à vapeur fut un composant clef de la révolution industrielle et tout ceux qui en ont tiré profit n'ont pas vu venir le moteur à explosion et ont disparu.
  • Or l'informatique est la proie à de grands changements depuis l'avènement de l'internet, qui ont été mal analysés par les HP, IBM et Microsoft pour ne citer que ces trois. Des entreprises qui ont manqué de vision.
  • Donc on entendra plus parler d'eux pour la troisième révolution industrielle. Et d'ailleurs leur chiffres d'affaires stagnent... même si l'article reconnait que leurs marges augmentent et sont solides.
Mais l'argent c'est le nerf de la guerre. Ce raisonnement un peu simpliste est l'occasion de rappeler que ce qui caractérise l'informatique c'est bien l'information (data) et pas l'ordinateur. 

Et en anglais, IT, c'est bien pour "Information Technology". Quelle que soit la technologie. L'ordinateur peut disparaître, tant qu'il y aura "des formes plus avancées" pour manipuler l'information, l'informatique sera toujours présente. Et l'informatique a progressé avec les réseaux, les bases de données, l'internet, la collaboration, maintenant le mobile et demain les objets connectés et pourquoi pas le neuronal. MS-DOS a été incorporé à Windows jusqu’à la version XP, et Android emprunte bon nombre de lignes de codes à d'autres acteurs. C'est un peu Darwinien tout ça.


IBM : de la machine à l'intelligence


Or en ce qui concerne la compréhension de cette loi de l'évolution, je pense que Goupil, aurait aimé avoir la vision et la clairvoyance d'un IBM, International Business Machines, qui rappelons le, vient d'une époque où l'ordinateur n'était encore qu'une "machine" pour automatiser l'entreprise.

IBM a forgé le  terme "e-business" en 2003 pour parler de l'internet et reconnaitre son potentiel pour le business d'une chaine numérique entre producteurs et distributeurs, et même les clients eux-même maintenant.
Puis en 2008 "A Smarter Planet" a mis l'analyse de données et le potentiel de l'intelligencepour transformer nos industries et la planète quand il s'agit d'en optimiser la consommation de ses ressources. Relisez les dates, pensez aux projets que vous faisiez à l'époque, et avouez qu'au moins les marketeurs d'IBM ont bien une vision, n'en déplaise au journal Le Monde.

En fait, pour IBM, la crise du passage de la machine à vapeur au moteur à explosion, a déjà eu lieu début des années 1990. C'est même pour y faire face que Lou Gerstner, ex-McKinsey, ex-American-Express grand client d'IBM et non-informaticien, se retrouve sélectionné pour reprendre la barre d'un navire qui semble sombrer.

Il déclare dans une citation qui restera célèbre que " la dernière des choses dont IBM a besoin, c'est d'une vision", et recentre l'entreprise sur ses clients. Il créé la division IBM Global Services et fait se développer IBM en dehors du monde des machines, dans le monde des services. Plus tard les PCs sont vendus au chinois Lenovo, et cette semaine Lenovo acquiers les serveurs. Un même Lenovo quivient aussi de racheter Motorola à Google. Visiblement le matériel est en train de migrer en Chine et la machine à vapeur a encore de beaux jours devant elle ailleurs sur la planète, surtout si c'est le grand public qui s'équipe.

Cette épopée est relatée dans un livre à succès, traduit en français depuis "J'ai fait danser un éléphant".

Et l'aventure continue aujourd'hui avec des initiatives comme Watson, le moteur d'intelligence artificielle de l'initiative "Jeopardy" (et aussi le nom de l'un des deux fondateurs d'IBM), qui est devenu ce mois-ci une division à part entière d'IBM (Watson Business Group) en charge de la commercialisation de services basés sur cette nouvelle "intelligence". Le pari n'est pas gagné, mais il y peu de monde sur ces sujets de nos jours (au moins Google).

La transformation d'IBM c'est aussi dans l’acquisition de multiples acteurs du logiciel (Ilog, SPSS, Lombardi, Cast Iron, Unica,SoftLayer, ...) pour construire ou peupler sa plateforme Cloud. On sait maintenant que le Cloud est majoritairement un marché de services avec le SaaS et de gestion massive de données. Car l'industrie informatique est en perpétuelle évolution, avec de nombreuses acquisitions et recyclage de technologies et de brevets dans d'autres offres et d'autres modèles. Ce recyclage est produit par les gros qui mangent les petits, les malades et les retardataires rachetés par les riches. Car l'outil de production informatique est l'un des plus malléable et reconfigurable de toutes les industries.

Et IBM joue ce rôle.

Microsoft : un choix délicat entre l'entreprise et le grand public

En ce qui concerne Microsoft, la question posée régulièrement par GreenSI n'est pas sa disparition, mais celle de son focus sur l'un des deux marchés B2B ou B2C. Voire sa séparation en deux sociétés. Car dans IBM, le B c'est pour Business, marché des entreprises, et cela n'a pas changé depuis 100 ans.

Pour Microsoft c'est moins clair, avec des produits entreprise qui passent au grand public (MS-DOS, Windows, Office), des produits purement grand public (X-Box, Jeux, Nokia) et une solide offre pour les entreprises dans l'infrastructure (SQL Server, Visual Studio) et les progiciels (Dynamics). Et sur les sujets qui rapprochent le grand public des entreprises comme le BYOD (les salariés achètent les équipements pour travailler en entreprise) Microsoft est absent.
Les chiffres annoncés fin janvier ont d'ailleurs surpris les analystes... car ils étaient bons!

Et ce n'est finalement pas une surprise que ces chiffres puissent être aussi difficiles à prédire tant ils sont la consolidation de produits et marchés différents.

La X-Box s’envole, renforçant les positions sur le marché grand public avec un équipement connecté à l'heure de la convergence web, ciné, TV, jeux. Mais les logiciels d'entreprises ne se portent pas si mal avec 10% de croissance, y compris dans le Cloud avec de bonnes positions pour son Azure et son atout majeur, Office 365.

Méfions nous de l'eau qui dort. Comme Apple, qui fait aussi partie des dinosaures et a été réveillé par le retour de son fondateur, Microsoft cherche le produit qui va lui permettre de revenir sur le devant de la scène.
Microsoft joue aussi son rôle de recyclage dans l'industrie en faisant de multiples acquisitions (Yammer, Skype, Netbreeze, Nokia Phones...) et investit beaucoup dans l'émergence de nouveaux écosystèmes de startups (Bizspark) qui pourront lui amener les idées qui lui manquent. L'open innovation est une forme moderne de recyclage d'idées là où elles ont le plus de chance de germer.

Est-ce que ce sera avec la X-Box-Kinect, la technologie Nokia+Skype, OneOffice, Azure Entreprises? Ce qui est sûr, c'est qu'il sera dans le Cloud et sera une nouvelle forme avancée de traitement de l'information. Mais comme choisir c'est renoncer, IBM a vendu ses machines et développé son intelligence, le choix semble difficile chez Microsoft. Peut-être que le futur patron, dont la rumeur nous dit que ce serait Satya Nadella le patron de la division Cloud, devra trancher. A suivre...

Les requins sont fait pour durer car ils sont indispensables à l’écosystème

HP c'est plus compliqué. La direction est claire c'est le Cloud et les services. Mais la mise en marche a été retardée par rapport aux deux autres avec plusieurs échecs pour ne pas dire fiasco (tablette, OS, rachat d'Autonomy) et une instabilité du management déclenchée par les craintes des actionnaires.

Finalement HP confirme qu'IBM a pris le bon virage assez tôt, que Microsoft fait bien de se renforcer dans le logiciel d'entreprise, et que le marché des OS mobile est déjà ficelé avec Android et iOS pour au moins quelques années.
HP a cependant du potentiel dans les imprimantes avec la 3D, un domaine où HP est reconnu, tant dans l'entreprise que sur le marché grand public, et que les analystes nous donne comme très disruptif pour reconfigurer les autres industries.

HP est peut-être une proie faible qui peut ouvrir l’appétit, d'un riche, par exemple des opérateurs de télécoms qui sont eux aussi concernés par le développement des services dans le Cloud,  et seraient intéressés par la consolidation des acquis d'HP.

Donc peut-être finalement qu'HP manque de vision et prends conscience un peu tard de son potentiel, ou décide plus lentement des directions à prendre. Mais sa disparition, si elle arrive, pourrait être une renaissance au sein d'un opérateur Cloud pour accélérer sa mutation et perpétuer le cycle d'évolution dans l'industrie informatique.

Pour GreenSI si Microsoft et IBM sont des dinosaures, alors ce sont certainement des requins. Et oui, les premiers requins sont apparus au dévonien, il y a environ 420 millions d'années et sont des dinosaures qui ont su s'adapter.


Ce sont des superprédateurs, au sommet de la chaine alimentaire, qui sont indispensables à leur écosystème. Il le recycle et c'est comme cela que l'informatique avance.

Alors est-ce qu'ils vont disparaître? GreenSI ne le pense pas ! Et vous ?
@fcharles
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